Fralib : Les gros bras de la grande gueule

février 2012
Quand il faut taper sur des grévistes, rien ne vaut des professionnels. Unilever a payé à grands frais Escorte Sécurité pour jouer des coudes avec les salariés de Fralib occupant leur usine à Gémenos (13).

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La lutte des classes l’est rarement. Confirmation avec le conflit qui oppose la multinationale Unilever et les salariés de l’usine de conditionnement de thé Fralib, à Gémenos (13). Pourtant, le PDG d’Unilever vient de recevoir, en présence de Nathalie Kosciusko-Morizet, le prix FIR-Vigeo. Cette récompense a été créée par l’ancienne patronne de la CFDT, Nicole Notat, pour saluer la « gouvernance responsable » des entreprises du CAC 40. Unilever se serait donc particulièrement distinguée pour avoir « le mieux intégré la responsabilité sociale de l’entreprise dans sa gouvernance », dixit le président du jury 2011, Daniel Lebègue.

Beau trophée pour une entreprise prête à licencier plus de 150 salariés afin de délocaliser son activité de conditionnement de thé en Pologne et qui vient de se distinguer en envoyant, à une trentaine d’entre eux, des salaires négatifs, estimant, malgré la cessation d’activité, que ces salauds de grévistes lui devaient de l’argent ! Une manière comme une autre de faire oublier que la cour d’appel d’Aix-en-Provence a retoqué son plan social (1).

Mais il n’y a pas que devant les prétoires qu’Unilever se fait remarquer. Face à des salariés on ne peut plus inventifs (lire le Ravi n°89) et déterminés à ne pas laisser leur usine fermer, l’entreprise ne manque pas de ressources. Humaines, cela va sans dire. Début novembre, fort d’une décision de justice allant dans ce sens, Angel Llovera décide de pointer à nouveau le bout de son nez à l’usine dont il est censé être le patron. Autour de lui, une trentaine de vigiles qui n’hésiteront pas à jouer des coudes pour prendre possession des lieux, envoyant à l’hôpital cinq salariés, dont deux femmes.

Si certains ont cru voir, parmi les nervis d’Uniliver, une figure bien connue et tondue de l’extrême-droite parisienne et s’il semble que cela ne soit pas le cas, la réputation de la boîte assurant la sécurité d’Unilever n’en est pas moins croquignolesque. Escorte Sécurité – qui assure des « prestations réservées à une clientèle "haut de gamme" ou à "hauts-risques", pour laquelle la notion d’image est au moins aussi importante que celles touchant à leur sécurité et à leur sûreté » – appartient au groupe Daniel Rémy.

Marié, deux enfants, spécialiste de la sécurité en gros et du conseil en détail, ce « gaulliste canal historique » ayant claqué « la porte de l’Education nationale au lendemain des événements de 1968 » est un ancien des « Grandes Gueules » de RMC. Accessoirement candidat du Rassemblement pour la France (micro-parti créé par Pasqua et De Villiers) aux législatives de 2002, il aurait tapé dans l’œil d’Alain Weil, le patron de la station, en se fendant de deux ouvrages aux titres sans ambiguïté : « Qui veut tuer la France ? » et « La France des Talibans ». Mais, malgré une liberté de ton que « d’aucuns voudraient qualifier de populiste », il n’a apparemment pas été reconduit dans l’équipe des GG.

Qu’importe pour Unilever. Alors que les salariés de Gémenos semblent trop chers par rapport à leurs homologues polonais, la multinationale, elle, est prête à débourser, d’après nos informations, environ 30 000 euros pour cinq vigiles pendant quinze jours. Mais tous les patrons vous le diront : ça coûte cher de fermer une boîte…

Sébastien Boistel

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