Monaco : une altesse, des subalternes

juin 2012
C'est l'été ! La saison du glamour, celle où la Côte d'Azur brille de tous ses feux. L'occasion, d'un retour à Monaco. Dans son discours d’intronisation, en 2005, Albert II promettait un règne « plus moderne ». Six ans après, son pouvoir reste… sans le moindre contre-pouvoir.

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Monaco est une monarchie héréditaire et constitutionnelle dont le pouvoir exécutif relève de la Haute Autorité du Prince. Petit hic, même si la plupart de ceux qui l’ont approché s’accordent à dire qu’Albert est un gars sympa, il n’est pas forcément le souverain rêvé. Ce que Bernard Vatrican, pamphlétaire et trublion monégasque, résume dans un entretien accordé à L’Indépendant en juin dernier : « On aime beaucoup le prince sur le plan humain, on est un peu plus sceptique sur ses compétences à gérer un pays. C’est un héritier […] et les enfants ne sont pas toujours à la hauteur des parents ! »

Cinq conseillers gouvernementaux et un ministre d’État, sorte de François Fillon local, nommés par le prince, sont là pour l’assister dans son règne. Un poste jusqu’ici toujours attribué à de hauts fonctionnaires français, mais depuis la révision de la Constitution, en 2002, les Monégasques peuvent aussi y accéder. Et, dans ce pays où la préférence nationale est monnaie courante, la place fait des envieux. C’est le cas de Stéphane Valeri, conseiller de gouvernement pour les affaires sociales et la santé. « Le pouvoir l’enivre plus que le reste et, pour l’obtenir, il est prêt à tout », dit de lui Didier Laurens, dans Monaco : un pays ensoleillé dirigé par un prince magnifique.

« Un pays où le sens du respect rend les journalistes très responsables »

Même sur une carte postale, impossible de trouver une caricature du prince : « Nous sommes un pays sérieux, mademoiselle ! », ironise un kiosquier du centre-ville. Il vend pourtant Le Canard enchaîné et Charlie Hebdo. « Au niveau de la presse internationale, il n’y a aucune restriction », assure-t il. La presse locale semble moins bien lotie. Pour Didier Laurens, ancien rédacteur en chef de Monaco Hebdo, viré pour manque de déférence envers S.A.S., les journaux subissent un contrôle incessant du gouvernement. Il dénonce « une presse en liberté surveillée ». Bernard Spindler, journaliste et président du Club de la presse monégasque, parle plutôt « d’un pays où le sens du respect rend les journalistes très responsables ».

Sur Monacohebdo.mc, il est courant de voir « interview relue ». Lorsqu’on en parle à Bernard Spindler et qu’on lui demande par qui, il ironise : « Dans un premier temps, par le rédacteur en chef, j’espère ! Quoi qu’il en soit, relue ne signifie pas modifiée ! » On ne communique pas à Monaco sans passer par le Centre Presse, sorte d’organe de chargés de com, qui vous transforment une question dérangeante en une réponse merveilleuse et ne donnent pas suite aux sollicitations de mensuels irrévérencieux comme le Ravi. Bernard Vatrican affirme : « À Monaco, réfléchir, c’est déjà désobéir ! »

Ajoutez à cela, des journaux qui appartiennent à des chefs d’entreprise du BTP (comme Antonin Carlotti et Monaco Hebdo) et qui publient des articles soigneusement formatés. Saupoudrez d’une ingérence en continu de l’État dans les médias. Dégagez les journalistes insoumis. Et naturalisez les plus déférents, comme Bernard Spindler, pour lequel « il n’y a aucun problème de liberté d’expression à Monaco ». Mélangez le tout, et vous obtiendrez : la liberté de la presse version « sur le Rocher » ! Un proverbe local résume bien la chose : « Qui écoute et se tait, laisse le Monde en paix ! »

Samantha Rouchard

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