Une sensibilité écolo en béton

juillet 2012

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Lors de son mariage l’été dernier, le menu royal affichait 95% de produits locaux. Depuis son accession au trône en 2005, le prince Albert cultive l’image d’une Principauté soucieuse de l’environnement. Dès 2006, il crée une fondation consacrée à la cause et impulse une politique volontariste. Bus roulant au Diester, véhicules municipaux électriques ou encore tri sélectif font partie du paysage monégasque. Son modèle : l’écolo médiatico-industriel Nicolas Hulot.

De loin, Monaco ressemble plutôt à une muraille de béton. Les villas Belle Époque tombent les unes après les autres pour laisser la place à des immeubles et des tours. La Principauté est également le royaume de la bagnole. Grand prix de F1, berlines luxueuses et bolides énergivores, sans oublier les yachts, y sont les véritables rois et reines. La plèbe n’est pas oubliée : tunnels et quatre voies s’enchevêtrent pour permettre le défilé quotidien de touristes (en voiture, en bus) et de « pendulaires ». Un urbanisme finalement très vintage dû à l’absence de code de l’environnement. Rédigé en 2008 par le cabinet d’avocats de l’ancienne ministre Corinne Lepage, il dort toujours dans les bureaux du Conseil national…

Les cinq kilomètres de côte de la Principauté n’ont pas plus de chance. En moins d’un siècle, les Grimaldi ont réussi l’exploit de bétonner 77,5 % de ses petits fonds marins (les plus riches en biodiversité) et 88,9 % de son littoral. Un record en Méditerranée ! « Si tous les pays imitaient Monaco, la Méditerranée n’existerait plus, assure Alexandre Meinesz, du laboratoire de recherche Ecomers de l’université de Nice (1). Contrairement aux pollutions, l’aménagement du littoral détruit irréversiblement le milieu marin recouvert ou endigué. »

« Si tous imitaient Monaco, la Méditerranée n’existerait plus »

Spécialiste d’écologie et de biologie marine, le chercheur est un habitué de la Principauté. Il y a découvert la caulerpa taxifolia, la fameuse algue tueuse qui a colonisé les côtes méditerranéennes depuis Monaco (qui s’en est lavé les mains), et est à l’origine de la réserve naturelle au large de la plage (artificielle et en grande partie privatisée) du Larvotto, à l’est de la Principauté. Un temps menacé par un nouveau projet pharaonique d’extension sur la mer, cet « aquarium », selon les termes d’Alexandre Meinesz, a eu plus de chance que la réserve de corail installée sous le musée océanographique. Celle-ci a en effet été bien malmenée par les travaux d’agrandissement du port Hercule, achevés en 2008.

Comme ses prédécesseurs, Albert a aussi ses rêves de béton. Abandonné en 2008, le projet de presqu’île a été relancé un an plus tard, amputé de moitié (5 hectares, 300 000 m2 constructibles !) et déplacé à l’opposé de la Principauté, dans le quartier de Fontvieille, première extension sur la mer de Monaco réalisée par Rainier III, en bordure de Cap d’Ail. S’il épargne le Larvotto, le projet risque encore d’être difficilement labellisé HQE : un herbier de posidonie, espèce protégée, prospère à sa frontière avec la France. « Comme à Roquebrune-Cap-Martin, ces herbiers frontaliers de Monaco ont été exclus des zones Natura 2000 », s’étonne Alexandre Meinesz.

Mobilisé pour le climat ou la sauvegarde du thon rouge, Albert l’est en effet beaucoup moins pour ses voisins directs. Depuis une trentaine d’années, l’incinérateur de Monaco recrache ses dioxines chez les Cap-d’Aillois ! Côté est, les Beausoleillois vont avoir leur vue sur la Méditerranée bouchée par le dernier gratte-ciel en chantier, la Tour Odéon de Vinci, 170 mètres de haut ! Même problème concernant le va-et-vient des entreprises de BTP, qui stockent leur matériel en zone protégée, à la sortie du tunnel de La Turbie. Il y a aussi le problème de la pollution automobile. « Une solution envisagée est de parquer les véhicules dans les villes autour de Monaco », raconte Jean Delerue, président de l’Aspona (2). Fumeux ! « On a écrit une fois au prince, on n’a jamais eu de réponse. On nous ignore », dénonce Françoise Maquard, présidente de l’UDVN 06 (3).

Même mutisme des élus côté français. Curieux ? « Monaco fait vivre beaucoup de familles, alors ils mettent la pédale douce sur l’environnement », explique la militante. Comme Albert…

Jean-François Poupelin

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