X-en-Provence

juillet 2012

Il y a 10 ans, la région aurait pu devenir la Mecque du X. Mais avec internet, l’industrie du porno s’est délocalisée vers Budapest et ses cadences infernales, laissant le terrain au « gonzo », genre qui a envahi la toile et provoque pas mal de dégâts dans la tête des ados. Le redressement productif viendra-t-il de quelques starlettes en devenir ?

ravi_98_unelight.jpgLe X, oui ou non ? Le débat a agité la rédaction. Mobilisés pour couvrir les élections tout en préparant une nouvelle formule pour le numéro 100 (eh oui !), nos petits moments de détente ont souvent tourné autour du sujet. Fallait-il, comme de nombreux médias chaque été, y aller d’une enquête sur le « sexe » ? Ne valait-il pas mieux sortir un dossier sur les Roms ? (Qu’on rassure les amateurs, c’est programmé !) Le X est-il au libertinage ce que la restauration rapide est à la gastronomie ? Ses actrices sont-elles des femmes émancipées ou avilies ? Le porno est-il un symptôme d’une société permissive ou, au contraire, celui du formatage industriel du désir ? Le X, c’est bien ou c’est pas bien ?

Fidèle à sa ligne éditoriale politique qui s’efforce de vous informer sans vous dire pour qui il faut voter, le Ravi a finalement décidé d’enquêter sur le porno en évitant a priori de prendre position. Vous êtes assez grand et majeur pour vous forger votre propre opinion en fonction des articles qui suivent, mais aussi de votre état (amoureux ou pas), de l’âge de vos enfants (si vous en avez), de l’influence de la religion sur votre vie, de votre conscience politique, de votre sexe ou de la qualité de votre accès à internet.

Si peu de monde ose ouvertement en parler, le X est bien partout. Grâce à internet, en deux secondes, on peut mater des vidéos pornos sur son ordinateur, sa tablette ou son smartphone. Le plus gros site porno du monde, Mypornmotion, génère 4 400 millions de pages vues par mois. Les visiteurs y passent en moyenne 15 à 20 minutes (devinez pourquoi). Le magazine américain Extremetech a calculé que 30 % du flux mondial d’internet est occupé par des farandoles de minous épilés et de gourdins en béton ! Bref, l’industrie du X ne se cache plus dans les vieux sex-shops de centre ville. C’est un secteur économique high-tech en plein boum.

Mais en Paca ? Il y a 10 ans, la région aurait pu devenir la Mecque du X avec son triptyque soleil-villa-piscine. Le secteur était soutenu par des stars comme Clara Morgane ou Ovidie, et la visibilité avait été acquise via la cérémonie des Hots d’Or remis pendant le festival de Cannes. Mais Bernard Brochand, le maire UMP de Cannes, a cassé le beau jouet sur l’autel de la morale, et internet a fini d’achever le « rêve » d’une Riviera tendue et mouillée. Pendant un temps, les amateurs ont pris le relais. Très vite, la nouvelle norme du gonzo a balayé les petites midinettes du sud et la carte postale des calanques.

Désormais, le porno se limite à des séquences de trente minutes tournées en plan très très serré (du coup, le décor n’importe plus), sans scénario, avec des filles et des garçons totalement épilés qui enchaînent les 5 commandements (pipe-chien retourné-ciseaux-sodomie-éjec faciale). Appelé Gonzo masturbatoire (!), le genre est devenu la norme dans le X et les acteurs et actrices ne sont plus jugés que sur leurs performances physiques. Voilà pourquoi les filles qui veulent percer se font refaire systématiquement les seins et les hommes prennent des stéroïdes pour augmenter la durée de leur érection. Pour Jessica Wilson, star montante du X et marseillaise d’origine en contrat avec Dorcel, c’est le prix à payer. Au contraire, Anaïs Hills, cannoise, préfère elle rester « au naturel » et jouer de ses apparents défauts pour se démarquer.

Le mode de production, les codes et la diffusion par internet de ces milliers de films ne participent pas vraiment à une éducation pour une sexualité épanouie. Les garçons se sentent complexés par rapport à la taille de leur pénis et pensent que la sodomie va de soi. Les filles considèrent qu’une fellation n’est pas un acte sexuel, que c’est juste pour faire attendre « le garçon »… Pour les « édifier », le sexologue Josselin Quesne, organisateur de la tournée Eropolis, a tenu à créer un espace de tournage porno histoire de montrer l’envers du décors. En attendant que Vincent Peillon, ministre de l’Education, se penche sur ce véritable phénomène de société, le Ravi, avec ce numéro d’été, vous ouvre donc les portes d’un monde méconnu. Espérons que cette enquête estivale vous permettra de vous soulager de toutes les tensions accumulées après plus de 10 mois de priapisme électoral.

Stéphane Sarpaux

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