La presse satirique, sang pour sang indépendante !

janvier 2015 | PAR Sébastien Boistel

Bien avant d’être décapité, Charlie était déjà en danger. Economiquement à genoux, financièrement exsangue, le satirique, comme Siné ou le Ravi, devait faire appel, faute d’aide publique, à l

Ironie du sort : le jour où deux individus faisaient un carnage dans les locaux de Charlie Hebdo, sur son site internet, on pouvait lire que le titre était « en danger »… Non du fait des menaces, qui, depuis plusieurs années, étaient le lot quotidien d’un journal dont le directeur de la publication était toujours sous protection policière mais, plus banalement, par manque de… moyens. A l’instar de Siné Mensuel, l’hebdomadaire satirique, comme le fait aussi le Ravi, en appelait à ses lecteurs pour survivre, les ventes ne couvrant plus les coûts de fabrication. Prémonitoire, un article de L’Humanité, publié à la mi-novembre, à la veille de notre mise en redressement judiciaire, nous interrogeait aux côtés de Charb et de Catherine Sinet avec ce titre : « La presse satirique va-t-elle disparaître ? »

 

 

Ce n’est donc pas sans amertume qu’on aura vu le défilé des politiques au chevet d’une rédaction exsangue. A commencer par la ministre de la Culture et de la Communication, Fleur Pellerin, dénonçant dans son communiqué « une attaque odieuse contre un des piliers de notre démocratie, un acte d’une barbarie extrême contre ceux qui, au quotidien, font vivre l’information et animent le débat public ». Et celle qui, auparavant, s’était enorgueillie de la stabilité de son budget, d’assurer que « la République est et sera toujours aux côtés des défenseurs de la liberté d’information et d’expression ». La ministre affirme travailler au déblocage « en urgence » d’un million d’euros pour Charlie Hebdo et demande à « ses équipes » de travailler « pour changer les textes » afin que l’hebdomadaire puisse bénéficier désormais d’aides structurelles…

 

De quoi rire jaune quand on sait que, jusqu’à présent, le titre, comme le Ravi, ne bénéficiait d’aucune aide publique de l’Etat. De fait, c’est moins de fourgon de police (ou de récupérateurs professionnels, comme ce site internet, jesuischarlie.net, proposant T-shirts, mugs et autres sacs) que de moyens pérennes dont ont besoin les vilains petits canards, les radios libres, les télés pas très cathodiques et les sites web pirates.

 

Or, en témoigne la dernière AG début décembre à Lyon de l’association « Médias Citoyens », qu’une collectivité vienne en aide au « tiers secteur médiatique », c’est possible ! Comme nous l’a confirmé un membre du Conseil régional de Rhône-Alpes, c’est, depuis dix ans, plus d’un demi-million d’euros dont les médias citoyens ont bénéficié, la région ayant notamment mis en place des « conventions pluriannuelles » et autres dispositifs de soutien pérennes et fléchés !

 

Mais, après tout, pourquoi s’en faire ? Puisqu’il est un secteur qui a le vent en poupe : les médias de « ré-information ». Comme « FdeSouche » qui se félicite d’avoir fait plier le sénateur-maire FN David Rachline sur la question du projet de mosquée à Fréjus. Ou, dans la région, le site « Nice Provence Info », lancé par Georges Gourdin, un ancien du Bloc Identitaire (ayant, accessoirement, joué les correspondants locaux pour Nice Matin) et qui assure avoir une audience d’au moins « 1000 visiteurs par jour ». Entrepreneur quasi à la retraite, c’est pour lui une activité « pour l’instant bénévole. » Et, quand il verra sur notre site une pub du Conseil régional, il bondira : « Vous n’apparaissez que comme les supplétifs du pouvoir en place. Mais ça peut venir. L’apprentissage de la liberté n’est pas facile », nous dira celui qui ne cache pas apprécier le côté « anti-système » du FN.

 

Un parti qui, non content de réclamer au lendemain de la tuerie à Charlie le retour de la peine de mort, organise fin janvier à Marseille, dans le cadre des « conférences de la fédé » FN des Bouches-du-Rhône, un débat intitulé : « La presse va mourir, vive la presse ! ». Animé par un certain « Luc Deloncle » dont on retrouve sur un blog du Parti de la France un article au titre tout en finesse : « Vitrolles, la diversité au four »…

 

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