« Je vous souhaite de ne jamais avoir affaire à la justice »
Tristan-Edern Vaquette a troqué la guitare de ses spectacles philosophico-punk pour une plume acerbe. Dans le prolongement de La conjuration de la peur, après le brûlot Je ne suis pas Charlie (je suis Vaquette), il a joué les « journalistes infiltrés » et narre son expérience de juré aux assises dans Les neuf salopards. Jetant un regard acide sur la justice. Et les médias.
Pensiez-vous être un jour juré aux assises ?
Pas du tout ! Même quand j’ai reçu le courrier m’annonçant que j’étais présélectionné, je me disais qu’il y avait peu de chances que je sois retenu.
Vous aviez déjà mis les pieds dans un tribunal ?
Une fois pour le procès d’un collègue. Une amie greffière m’avait proposé d’assister à une audience mais je n’avais pas trouvé le temps.
Quand vous avez été retenu, comment avez-vous réagi ? Vous êtes-vous préparé et saviez-vous que vous alliez en tirer un livre ?
C’est sûr qu’il y a plus d’enjeu qu’à être invité à un match de foot ! D’autant qu’on vous menace d’une forte amende si vous n’êtes pas présent… En réalité, on ne risque pas grand-chose. Je n’ai pas voulu trop me renseigner mais j’avais l’idée de raconter ce que j’allais vivre. Mais, même si les audiences sont publiques, il est interdit de trahir le secret du délibéré. C’est puni d’un an de prison et de 15 000 euros d’amende. Alors j’ai fait en sorte que personne ne puisse être identifié.
Vous décrivez chaque étape… Qu’est-ce qui vous a le plus marqué ?
Les êtres humains en face de moi. J’ai été bouleversé par cette femme poursuivie pour le meurtre de son compagnon alors qu’on avait affaire à une banale querelle entre deux marginaux qui a mal tourné. Quand quelqu’un meurt parce qu’il n’a pas été bien pris en charge à l’hôpital, je n’appelle pas ça un meurtre. Idem avec cette histoire d’inceste. Il y avait là une matière très riche. Pour un journaliste ou un romancier.
Quant au fonctionnement de la justice, qu’est-ce qui vous a le plus choqué ?
Le rôle des experts. On a affaire à une justice de classe. Toutefois, côté magistrats, j’ai senti, notamment chez le président, la volonté d’accompagner les gens plutôt que de les enfoncer. A contrario, de la part des experts, alors que leur rôle devrait être de nous aider à comprendre qui sont les personnes que l’on a à juger, ils ne font que les déshumaniser.
Vous n’êtes pas tendre non plus pour le journaliste qui a couvert les audiences…
Oui. Plutôt que de rendre compte des débats et d’aider ses lecteurs à comprendre la personnalité des prévenus, il s’est contenté de reproduire les erreurs et approximations du dossier transmis par le greffier.
Vous êtes amateur de chroniques judiciaires ?
Cela m’arrive et j’ai particulièrement apprécié le podcast d’une journaliste de Mediapart intitulé « un micro dans un tribunal ». Et, même si je ne suis pas abonné à Détective, quand je vois un article sur un type qui débarque aux urgences avec un obus dans le rectum, je vais le lire ! Des lecteurs m’ont dit que mon livre leur faisait penser au travail de Florence Aubenas.
Des retours de magistrats, d’avocats ?
De magistrats, non, et j’espère que ceux que je dépeins dans le livre ne se reconnaîtront pas. J’ai eu le retour de plusieurs avocats. Notamment celle que j’évoque dans le livre et qui m’a dit : « Je vous souhaite de ne jamais avoir affaire à la justice car si c’est une institution dont on dit qu’elle est capable d’empathie, elle n’en a aucune. »
Les neuf salopards, de Tristan-Edern Vaquette, éditions du Poignon Productions, 288 pages, 16 euros. A commander sur le site www.crevez-tous.com