Les caméras anti-pollution du Printemps marseillais !

avril 2022 | PAR le Ravi
La ville de Marseille se dote d’un logiciel de vidéosurveillance intelligente pour faire respecter la nouvelle zone à faibles émissions.

Il est des moments où, même dans une campagne électorale, les tensions et oppositions s’effacent. L’un est socialiste, l’autre est écologiste. Ils sont dans la même équipe mais ne roulent pas pour le même candidat. Et pourtant, sur ce dossier, ils se sont retrouvés. Comme l’ont annoncé conjointement l’adjoint à la transition écologique Sébastien Barles et son collègue en charge des questions de sécurité Yannick Ohanessian, « la mairie de Marseille s’engage avec Heawei/BrifCam pour une ville plus intelligente et avance des solutions pour garantir la santé des Marseillaises et Marseillais, par la réduction de la pollution atmosphérique ». Ainsi, forte de l’implantation de 1600 caméras de « vidéoprotection », la municipalité souhaite les utiliser pour analyser, mesurer et détecter le non respect de la future zone à faibles émissions qui sera mise en place en septembre 2022.

L’achat de la solution Koalemos fait partie du premier volet du plan Marseille en Grand, annoncé par Emmanuel Macron en septembre 2021. Pour le Printemps marseillais, il s’agit de rendre plus efficiente l’utilisation du parc de 1600 caméras héritées de la précédente municipalité. En effet, alors qu’une surveillance humaine du respect de cette future zone mettrait une pression sur les forces de l’ordre et les opérateurs municipaux, une vidéosurveillance intelligente permettra en temps réel de mieux cibler les opérations de terrain.

Si l’élu écolo a répondu « pourquoi pas » à l’hypothèse de voir ces caméras alimentées par des mini-panneaux solaires, son collègue à la sécurité a, lui, détaillé comment ce programme de vidéosurveillance automatisée incorpore des fonctionnalités de vidéo-verbalisation des plaques d’immatriculation non conformes aux vignettes Crit’air.

De quoi réjouir les riverains de la Plaine : une expérimentation semble possible sur la place Jean-Jaurès, en partenariat avec AtmoSud, pour que les caméras puissent à la fois verbaliser les deux roues traversant la place mais aussi mesurer la pollution qu’ils génèrent. Une mesure qui pourrait être étendue aux feux de poubelle du Carnaval ? Ohanessian, paraphrasant un préfet, rétorquera : « C’est bientôt fini la bamboche ! »

Plus sérieusement, le dispositif Koalemos propose également, en condensant des heures de vidéos en quelques minutes, de pouvoir faire du suivi de personnes en fonction d’attributs (femme, homme, sac, chapeau, couleurs d’habits). La préfecture souhaite donc utiliser ces fonctionnalités, notamment dans le cadre de rencontres sportives pour détecter les supporters des équipes adverses, afin de faciliter le travail des forces de l’ordre pour assurer la sécurité.

En effet, en août 2020 suite à des agressions quelques jours avant la finale de la Champions League qui opposait le Bayern Munich au PSG, la préfecture avait dû retirer son arrêté qui interdisait le port du maillot du PSG, face à l’incompréhension des supporters. Cette nouvelle fonctionnalité du programme Koalemos permettra donc de ne plus interdire de maillot lors de rencontres sportives tout en préservant la tranquillité publique. Tout supporter portant un maillot suspect sera suivi en toute discrétion et à son propre insu par le réseau de maillage dense des 1500 caméras de la ville (à laquelle s’ajouteront bientôt les 500 caméras offertes par notre cher Grand président).

Bien évidemment, tout ceci se fera dans le respect et conformément à la protection des données personnelles puisque l’élu à l’Open Data, Christophe Hugon, a d’ores et déjà prévu la publication des jeux de données de toutes les personnes vidéo-surveillées par les caméras marseillaises, anonymement. En effet, la ville a tellement d’avance là-dessus qu’elle n’a même plus besoin de répondre aux demandes citoyennes d’accès aux documents administratifs (demandes Cada) comme l’exige la loi. La ville utilise un logiciel nommé « BetterThanCada » qui prévoit mieux que les citoyens eux-mêmes ce dont ils ont besoin, ce qui constitue, d’après l’élu, la vraie transparence publique : le logiciel utilise l’intelligence artificielle, et le machine-learning peut automatiquement réfléchir et décider de publier les données ouvertes pour eux !

Une fois n’est pas coutume, la cité phocéenne est en avance sur Nice également, pourtant à la pointe en matière de surveillance. Mais le maire macro-compatible Christian Estrosi va encore plus loin et ne compte pas en rester là. Comme il l’a déjà dit, non seulement, « la reconnaissance faciale, c’est incontournable » mais « de toute façon, ça se fera » ! Comment Marseille saura-t-elle réagir et surenchérir pour aller encore plus loin et voir les choses en Grand avec un grand M ?

S. B.

#SOS RAVI !

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Pois(s)on d'avril !

Vendredi 1er avril, le Ravi publiait un article mettant au jour l’acquisition par la mairie d’un logiciel de vidéo-surveillance automatisée visant à faire respecter le respect de la zone à faible émission. Nos lecteurs les plus attentifs auront corrigé d’eux-mêmes : il s’agit d’un poisson d’avril, réalisé en collaboration avec le collectif Technopolice Marseille mais la réalité n’est pas si éloignée…

Le canular publié le 1er avril en collaboration avec le Ravi visait à mettre en lumière les dérives technologiques rendues possibles par le patrimoine de caméras de vidéosurveillance hérité de l’ancienne municipalité, mais que la mairie de Marseille a décidé de continuer à maintenir et éventuellement, d’étendre.

Le collectif Technopolice de Marseille souhaite rappeler à la nouvelle majorité de la Mairie de Marseille ses engagements pré-électoraux quant à la vidéosurveillance :

« Mettre en œuvre un moratoire sur les dispositifs de vidéosurveillance. Quatre études nationales successives ont démontré leur inefficacité, et ils sont très coûteux (installation, fonctionnement, personnel mobilisé) »

Un audit sur les caméras de vidéosurveillance a été effectué et un rapport a été rendu à la mairie en octobre 2021. Certaines de ses conclusions ont été révélées dans La Provence, mais le rapport n’est toujours pas public et aucune réponse aux demandes CADA n’a été faite par les services de la mairie à ce sujet. De plus, Marsactu révélait que des expérimentations de vidéosurveillance automatisée (dite « vidéo-protection intelligente ») prétendument suspendues sont finalement maintenues dans la plus grande opacité.

Le collectif Technopolice Marseille demande l’arrêt immédiat de ces dispositifs « expérimentaux » critiqués sévèrement par la CNIL elle même , et attaqués en justice en ce moment même par la Quadrature du Net . Le collectif demande également de rendre entièrement publiques les autres technologies (et leur coût) utilisées pour traiter les images de vidéosurveillance qui captent 24h/24h les faits et gestes des Marseillaises et Marseillais. La communication sur ces technologies permettra un débat démocratique et éclairé sur les libertés fondamentales qui sont bafouées par ces dispositifs «expérimentaux».  Les habitant·e·s pourront se faire un avis sur leur envie de maintenir, retirer ou développer ces technologies de surveillance.

Nous demandons depuis leur élection au Printemps Marseillais de ne pas se laisser imposer les thèmes de la sécurité et de la surveillance par une droite en quête de visibilité, à laquelle la gauche cède de plus en plus de terrain. Il est grand temps de réagir autrement et de proposer de vraies alternatives sociales et humaines au techno-solutionnisme sécuritaire et répressif de la droite et de l’extrême droite. Les Marseillaises et Marseillais vous attendent sur d’autres thématiques : urgence climatique, logement, école, infrastructures sportives et culturelles, transparence publique, concertations réellement démocratiques.

Ce canular visait également à alerter les Marseillaises et Marseillais de l’étendue du dispositif de surveillance en place actuellement.  Bien que ce type de logiciel ne soit pas à l’étude (nous l’espérons), il n’en reste pas moins qu’aujourd’hui, Marseille et son parc de 1558 caméras se placent directement derrière Nice en terme de vidéo-surveillance. Les projets de prototype de police prédictive et l’expérimentation de la vidéo-surveillance automatisée entamés par la majorité précédente n’ont pas été freinés, bien au contraire, continuent à se déployer en toute opacité et illégalité.

Quelques points sur la vidéo-surveillance automatisée à Marseille :

– Ce sont des millions d’euros chaque année pour une ville endettée, 7 millions d’euros par an, seulement pour faire fonctionner et entretenir ces caméras !

– C’est une accumulation de technologies répressives inefficaces qui n’ont jamais prouvé leur efficacité (au contraire).

– Cela renforce des discriminations, notamment racistes déjà présentes, comme l’ont déjà souligné plusieurs études et un rapport de la CNIL. À Marseille en 2013 certaines caméras ont été implantées pour surveiller les « Roms » ou « gens du voyage » !

– Ce n’est pas de la « vidéo-protection intelligente » : Les caméras verbalisent sans discernement et ont donné lieu à de très nombreuses erreurs. L’automatisation n’est pas un procédé neutre et en dehors du monde social, mais transporte avec elle les représentations et normes de celui-ci.

– C’est une réponse fallacieuse et paresseuse à des problématiques bien plus complexes.

– C’est un pas de plus vers un modèle de société régie par la peur, où chaque personne se méfie des autres, à l’instar du crédit social Chinois.

– C’est céder à la pression des lobbies de l’industrie sécuritaire, prêts à tout pour imposer leurs solutions militaires à des problèmes humains.

Nous souhaitons une transparence totale sur les dispositifs mis en place et leur fonctionnement, afin d’avoir un débat démocratique sur la nécessité ou non de la mise en place de ces technologies

Notre dossier sur la vidéo-surveillance à Marseille