« Une ligne de crête entre exigence et ouverture »
le Ravi : Pourquoi s’être investi dans la Tchatche, l’association qui publie le Ravi ?
Nicolas Meunier : En revenant dans la région – même si je suis né à Marseille, j’étais parti à Paris durant vingt ans – je me suis aperçu à quel point l’information n’y était pas ouverte. J’ai eu envie de donner un coup de main à un objet de presse mettant en avant des sujets qui étaient négligés avec un ton différent. J’adore le dessin de presse. Je suis économiste indépendant et j’avais travaillé durant quinze ans dans de grandes institutions. C’était un changement de vie global pour moi : j’avais envie de faire des choses importantes au-delà de mon travail.
Comment devient-on administrateur bénévole d’un journal pas pareil ?
Vous m’avez démontré que la presse n’est pas toujours une institution dans laquelle on n’entre jamais. J’ai rencontré le Ravi et la Tchatche, en 2008, à l’occasion de tables organisées lors de rencontres publiques. J’ai aimé ce côté ouvert. Mon investissement à la Tchatche, c’est d’abord une rencontre avec une équipe, des gens accueillants avec lesquels j’ai eu envie de passer du temps. Tout est allé vite. Une réunion, puis deux. Et je me suis retrouvé au conseil d’administration de l’association. À certains moments, je me suis investi bénévolement dans la Tchatche, à hauteur d’un quart de temps. Mais c’est parce que c’est enthousiasmant des emplois à défendre, ceux de gens qui se heurtent à des obstacles financiers qu’ils ne devraient pas rencontrer !
Comment définir, Monsieur le directeur de la publication, la ligne éditoriale du Ravi ?
Les sujets défendus par le Ravi affirment l’importance d’une démocratie qui fonctionne, celle d’avoir un regard critique sur les élus dont on estime, parce que leur action compte, qu’ils ne doivent pas faire de bêtises. Les enjeux de discrimination sont essentiels à l’aventure du Ravi, comme l’importance de l’écologie et des questions de transition. Le côté irrévérencieux ne vient pas annuler le respect. Il l’accompagne. On se moque des gens qui n’ont pas de respect, mais on respecte profondément les valeurs de liberté et de démocratie.
En quoi ce journal est-il toujours utile ?
Le monde de l’information a changé depuis la création du Ravi. Mais l’importance d’avoir un journal indépendant demeure pour des raisons différentes. Aujourd’hui, on a l’impression que tout est information, que toute nouvelle, quelle que soit la façon dont elle circule, est du même ordre. Le bouche-à-oreille, le qu’en-dira-t-on, les échanges autrefois informels de comptoirs sont désormais systématisés sur les réseaux sociaux. Bien sûr, la presse ne doit pas seulement être un tuyau dans lequel une caste de journalistes distribue de l’information goutte à goutte. Mais si tout le monde peut devenir journaliste, tout le monde ne le fait pas. Un blog a potentiellement autant de lecteurs qu’un journal. Pourtant, ce n’est pas la même chose. Le Ravi est édité par des journalistes, des gens dont c’est le métier. Il n’est pas fait n’importe comment. C’est un travail de professionnel. Il faut tenir cette ligne de crête entre exigence et ouverture. D’où l’importance de l’articulation entre production du journal et implication dans la vie de la société avec les actions d’éducation populaire. Pour faire en sorte d’accompagner les gens dans leur capacité à comprendre, voire à produire eux-mêmes de l’information.
Pourquoi une association dirigée collégialement ?
Dans les projets, quels qu’ils soient, dans les associations, lorsque quelqu’un s’investit beaucoup, accumule de la technique, de la connaissance, personne ne se sent de le remplacer. La collégialité peut être une réponse pour faciliter la transmission du pilotage. Cela suppose peut-être que l’association tourne déjà. Est-ce qu’on aurait pu mettre en place une direction collégiale durant la tempête des années 2010 (avec un redressement judiciaire fin 2013, ndlr) ? Mais de fait, depuis cinq ans, la Tchatche tourne ainsi, sans président. L’association a prouvé qu’il était possible de faire un journal libre, d’en vivre, de produire une presse en phase avec la société grâce à l’éducation populaire. Et maintenant, avec une direction collégiale, elle poursuit son expérimentation sociale innovante.
Propos recueillis par Michel Gairaud