Rubirola est-elle vraiment là ?

juin 2020 | PAR Jean-François Poupelin
Et si en cas de victoire du Printemps marseillais - l'union des gauches, des écologistes et des citoyens - la maire de Marseille n’était pas sa tête de liste, l'écolo Michèle Rubirola ? La candidate laisse la place au doute...

Et si finalement Michèle Rubirola n’était pas là contrairement à ce que proclament ses affiches ? A moins de trois semaines du second tour des municipales, une rengaine chuchotée avant le premier recommence à se faire entendre à Marseille. Depuis une sortie médiatique sur toutes les surprises que peut réserver l’élection du maire dans l’hémicycle, fin février à La Provence, il se murmure plus ou moins fort dans les rangs du Printemps marseillais – la liste de gauche, écologiste et citoyenne arrivée en tête le 15 mars – que sa tête de liste pourrait en cas de victoire décliner le fauteuil peu confortable de Jean-Claude Gaudin, le maire LR sortant.

Contactée, la conseillère départementale issue d’EELV n’a pas répondu à nos sollicitations (1). Médecin pour l’assurance maladie, son entourage assure qu’elle est complètement accaparée par la crise du coronavirus. A croire qu’elle ne va même pas pouvoir faire campagne dans le troisième secteur (4e et 5e arrondissements), où elle est arrivée largement en tête au premier tour… Bien que professionnel de la politique, le PS Benoît Payan, son porte parole, n’a pas eu plus de temps de répondre au Ravi. Coïncidence ? Il se dit qu’en cas de défection le fauteuil serait pour lui. Jusqu’à sa décision début janvier de se désister au profit de Michèle Rubirola, c’est d’ailleurs lui qui devait conduire la liste du PM pour ce scrutin. « Entre mentir et dire qui sera aux manettes, il y a un espace et une histoire à raconter », grogne un militant du PM.

Histoire sans fin

L’histoire qui se raconte désormais est simple : si le Printemps marseillais a la majorité absolue au conseil municipal, Michèle Rubirola sera maire ; si sa majorité est relative, elle ne le sera pas. « Ses propos d’avant le premier tour n’ont pas été compris », assure aujourd’hui le socialiste Laurent Lhardit, sixième sur la liste du 1er secteur (1er et 7e arrondissements). « [Dans le premier cas], on peut éviter à Michèle les vicissitudes de la fonction ; [dans le second], tous les jours il faut rechercher une majorité et sur tous les sujets. Elle n’est pas un chef de guerre, elle n’aime pas le conflit, ce sera à elle d’apprécier si elle veut être maire dans ces conditions  » (2), précise son conseiller politique, l’ex député européen PS Frédéric Rosmini. Tout nouvel allié, l’écolo Sébastien Barles est de son côté plus mesuré. « Elle doute mais elle assure qu’elle en est capable, explique la tête de liste de Debout Marseille, soutenue par EELV. Et même si je la pousse et que j’ai l’espoir d’une maire écolo à Marseille, je m’interroge également. Elle n’était pas dans les négociations et a fini la séquence épuisée. »

Du côté des femmes, peu de place au doute par contre. « Son engagement actuel de médecin se transformera en engagement pour Marseille », promet ainsi Olivia Fortin, tête de liste dans les 6e et 8e arrondissements face à la LR Martine Vassal. « Elle peut exprimer des doutes, mais elle ira jusqu’au bout, jure de son côté l’Insoumise Sophie Camard, cheffe de file dans les 1er et 7e arrondissements. Ne serait-ce que parce qu’elle porte des valeurs et par respect pour ses électeurs. » Et la suppléante de Jean-Luc Mélenchon de rappeler : « C’est à partir du moment où on l’a désignée que tout s’est déclenché. Sans elle, il n’y a ni Printemps, ni dynamique. Ses faiblesses, comme les nôtres, il faut les accepter. Surtout qu’elles peuvent être un avantage. » « Son score du premier tour et sa première place l’ont confortée », juge aussi Laurent Lardhit.

Une romance d’aujourd’hui

Si le sujet questionne, c’est qu’il y a aussi l’intérêt pour la liste de gauche de raconter une autre histoire. Celle d’une aventure collective et citoyenne, exact opposé de ce que propose sa principale adversaire, la LR Martine Vassal. Héritière de Jean-Claude Gaudin, déjà présidente du Conseil départemental des Bouches-du-Rhône et de la métropole Aix-Marseille, cette quinqua semble vouloir tout le pouvoir et a la réputation de tout régenter. « Notre campagne est très peu personnalisée, c’est projet contre projet, et nous on veut une gestion collective et une ville plus solidaire et plus écolo », poursuit Frédéric Rosmini.

C’est aussi candidate contre candidate. « Rubirola, en terme d’incarnation c’est super, s’emballe son camarade d’EELV Sébastien Barles. C’est une femme, médecin, qui a bossé dans les quartiers nord, qui n’a pas de casseroles et qui doute. » « Les gens trouvent sexy de voter pour quelqu’un de peu à l’aise devant les caméras, mais qui dit peu de conneries et qui est sincère », complète le socialiste Laurent Lhardit. « Elle est timide, n’est pas à l’aise dans les débats, mais ça n’est pas une professionnelle de la politique. C’est pour ça qu’on l’a choisie et parce qu’elle incarne parfaitement le Printemps comme mouvement politique et citoyen », insiste encore le conseiller politique de la tête de liste.

Une histoire et une candidature qui ont pourtant leurs limites. Comme l’ont montré la constitution des listes, dont les citoyens ont souvent été éloignés des places éligibles au profit des écuries politiques, et les négociations pour le second tour. Alors qu’une large majorité des têtes de liste plaidaient pour le maintien du candidat du Printemps dans les très stratégiques 13e et 14e arrondissements, aujourd’hui détenus par le RN, et la fusion avec la sénatrice et ex socialiste Samia Ghali dans les 15 et 16e arrondissements, les deux têtes de liste communistes ont décidé seules l’exact inverse dans ces secteurs (3). Quitte à compliquer la victoire. Désormais, le Printemps marseillais doit s’imposer sur les terres de droite pour espérer l’emporter.

1. Nous avons également lancé une invitation à Michèle Rubirola, comme à Martine Vassal, pour participer à la Grande Tchatche, notre émission politique sur Radio Grenouille. Au lendemain de la parution de cet article, Michèle Rubirola s’est exprimée dans La Provence pour assurer qu’elle « déposerai [sa] candidature au troisième tour », lors du conseil municipal de désignation du maire. Mais la future majorité s’annonçant relative, la tête de liste du Printemps marseillais garde une porte ouverte pour les tours suivants, rappelant son opposition « à la personnification de la politique ».

2. Actualisation à 19h30. Ajout de la précision de Frédéric Rosmini par rapport à la version imprimée.

3. Jérémy Bacchi et Jean-Marc Coppola, têtes de liste dans les 7e et 8e secteurs, n’ont pas répondu à nos sollicitations.

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