« Superman est-il à la tête de Marseille ? »

janvier 2014 | PAR Michel Gairaud, Rafi Hamal
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Entretien en partenariat avec Radio Grenouille
Patrick Mennucci, candidat PS à la mairie de Marseille, invité de la Grande Tchatche
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le Ravi : Avec le pacte de responsabilité, Hollande fait-il son coming out social-démocrate ?

Patrick Mennucci : Au PS, nous pensons depuis très longtemps que ce n’est pas dans une économie administrée qu’on fait de la croissance. Aujourd’hui, le président de la République exprime publiquement ses convictions sociales démocrates et je m’en félicite.

Vous sentez-vous plus au centre de l’échiquier qu’à vos débuts à la gauche du PS ?

Les périodes ne sont pas les mêmes mais je n’ai jamais changé. J’ai toujours été du côté de ceux qui en avaient le plus besoin. C’est ce que j’exprime aussi dans la campagne de Marseille, lorsque j’appelle à la création de 50 000 emplois. En l’absence de croissance, il y a une concurrence entre les territoires dans laquelle nous devons prendre toute notre place.

La réforme interdisant le cumul des mandats entrera en vigueur en 2017. C’est un élément de rénovation de la vie politique ?

C’est une bonne chose et il faut qu’on s’y plie tous. Être maire de Marseille et siéger à l’Assemblée nationale du mardi au jeudi, c’est complètement impossible. Ou alors il faut être Superman. A-t-on Superman à la tête de la ville ? Ce n’est pas ce qu’on voit quand on se promène dans la rue…Personnellement, je devancerai la loi. Elu maire, je démissionnerai de mon poste de député des Bouches-du-Rhône.

Pour parler de vous, Jean-Claude Gaudin dit « mon concurrent et représentant du gouvernement ».

Ce qui est méprisant chez cet homme, c’est de ne jamais citer mon nom. Moi, je l’appelle M. Gaudin et je n’ai pas besoin de mettre d’autres qualificatifs. Quand on dit M. Gaudin à Marseille, on pense au non-développement économique, à beaucoup de clientélisme, à des scandales comme celui de la Sodexo. Son nom suffit à rappeler, à tous, quel est son bilan.

Vous voulez une équipe municipale « jeune, paritaire et diverse ». Mais vos têtes de listes alignent des barons bien installés…

Quand vous faites une émission de radio, vous prenez des gens qui ne savent pas parler, qui bégayent, qui ne savent pas lire ? La politique, c’est très sérieux. Alors, sur les listes, on fait des ouvertures, mais pour diriger, pour préparer les programmes, il n’est pas anormal de s’appuyer sur les structures d’un parti.

Est-ce possible d’avancer avec des personnalités qui vous ont durement affronté lors des primaires ?

Les primaires ont permis de se différencier. Maintenant, ce qu’attendent les Marseillais c’est le rassemblement. Préfère-t-on un homme comme Jean-Claude Gaudin, qui est tout seul, qui liquide les gens autour de lui puis leur donne un hochet comme à Renaud Muselier en partance pour l’Europe ? La liste de Jean-Claude Gaudin incarne-t-elle le renouveau ? S’agit-il de M. Moraine qui attend, tapi dans l’ombre, la défaillance du maître pour prendre sa place ?

Jean-Claude Gaudin martèle que la fracture Nord/Sud qui divise la ville existait avant lui. Qu’en pensez-vous ?

Je ne vais pas dire que c’est la responsabilité de Jean-Claude Gaudin ou de X ou de Y. Même s’il était déjà, à l’époque, dans la majorité de Gaston Defferre et qu’il a approuvé la construction des grands ensembles. Le problème dans les quartiers nord, c’est la désindustrialisation. On y a mis beaucoup de pauvres. Et comme les gens pauvres sont très souvent les derniers arrivés dans l’immigration à Marseille, on a aussi ethnicisé des endroits en y créant des ghettos.

Jean-Claude Gaudin ne veut pas appliquer la réforme des rythmes scolaires, qui reviendrait trop cher…

Le gaudinisme dans toute sa splendeur ! Quand il s’agit de mettre 505 millions dans un stade, tout passe en cinq minutes au conseil municipal mais, là, on nous explique que cette réforme va valoir 20 millions d’euros. En réalité son coût s’élève plutôt à 2 millions d’euros. La ville ne serait pas capable de trouver 2 millions d’euros pour ses écoles alors qu’elle donne 500 000 euros au Cercle des nageurs de Marseille ?

Pour vous, la métropole est une chance à saisir pour Marseille…

La loi de finance a inscrit 50 millions d’euros de plus pour le territoire métropolitain que ce qui était donné aux six EPCI (Ndlr Les intercommunalités que la métropole doit remplacer). L’augmentation du versement de transport des entreprises hors Marseille va aussi nous amener 50 millions d’euros de plus. Et avec ces 100 millions, et un peu d’argent du Conseil général et de la Région, on peut lever 2 milliards. Je souhaite que nous soyons, avec un emprunt de 2 milliards, rapidement en capacité d’investir un milliard 200 millions dans les transports marseillais et 800 millions à l’extérieur. C’est pour ça que je propose le métro jusqu’à Saint-Antoine et Saint-Loup…

Au passage, la disparition du Conseil général ne vous déplairait pas…

Sa disparition n’est pas au programme, le projet c’est de le fusionner avec la métropole. Il faut en finir avec le clientélisme à tous les niveaux, y compris territorial. L’aide aux communes, c’est quelque chose qui doit se faire avec un trébuchet et une règle.

Pourquoi souhaiter une « nouvelle gouvernance » pour Marseille ?

Nous allons travailler pour qu’on soit dans des normes de modestie. Je comprends bien que le maire de Marseille ne peut pas se promener en trottinette, mais on n’est pas obligé d’avoir une C6, on peut avoir une C4 ; on n’est pas obligé d’avoir 29 adjoints, une vingtaine devrait suffire ; tous les adjoints ne sont pas obligés d’avoir un chauffeur et une voiture…

Vous dites qu’il faut « détruire le système clientéliste et obscur mis en place depuis dix-neuf ans, qu’il faut mettre fin à la cogestion ». Vous ciblez FO ?

Je pense à la direction du syndicat des territoriaux Force Ouvrière de la ville de Marseille et de la communauté urbaine. Le maire de Marseille doit redevenir le patron. Un syndicat n’est pas là pour gérer, il est là pour défendre les intérêts matériels et moraux des employés communaux.

En affichant votre volonté de renverser la table, pensez-vous pouvoir malgré tout rassembler et l’emporter ?

Ça fait longtemps que je travaille. Contrairement au maire de Marseille, je connais parfaitement mes dossiers. Et je connais les siens mieux que lui. Et je sais ce qui est possible et ce qui ne l’est pas. Mais il y une chose à laquelle je crois par-dessus tout, c’est à la politique, à la capacité d’entraîner un territoire. Il faut que les Marseillais arrêtent de se plaindre des Parisiens, des Lyonnais, ou de je-ne-sais-qui. Nous ne nous en sortirons pas sans l’aide de l’État. Mais en même temps, il nous faut être capables de saisir les opportunités. Et elles sont nombreuses !

Propos recueillis par Michel Gairaud, Rafi Hamal et mis en forme par Hugo Verit