« Je veux lutter contre ce système pourri »

octobre 2013 | PAR Michel Gairaud, Rafi Hamal
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Entretien en partenariat avec Radio Grenouille
Karim Zéribi, député européen, tête de liste EELV aux municipales à Marseille, invité de la Grande Tchatche

Approuvez-vous les dirigeants écologistes appelant à manifester pour soutenir Leonarda ?
Je ne suis pas pour appeler les lycéens à descendre dans la rue. Je suis pour qu’on prenne des décisions politiques claires dans ce gouvernement. Manuel Valls nous fait du Sarkozy de gauche. Il est dans l’émotion, dans une forme de réactivité, mais je ne vois pas de décisions structurelles, ni sur le mode opératoire de la police, ni sur la politique migratoire. Ce sont les sondages qui l’intéressent.

Vous avez déclaré en 2011 : « Si demain les Roms pouvaient travailler, je ne suis pas convaincu que, culturellement parlant, ils se jetteraient sur les offres d’emploi à Pôle Emploi. » Vous regrettez cette petite phrase ?
Je me suis interrogé sur la capacité d’une communauté à s’intégrer naturellement, si on ne met pas les moyens en encadrement, en formation, en éducation. Ce que j’ai dit à cette époque se vérifie malheureusement. Il y a 17 milliards de fonds européens inutilisés pour stabiliser les Roms en Europe. Seul 2 % de cette enveloppe est consommé. Mais surtout, arrêtons de faire croire que 15 000 Roms vont faire vaciller la cinquième puissance mondiale et ses 64 millions d’habitants. Il est possible d’avoir une vraie politique structurante pour intégrer ceux qui sont en France.

Craignez-vous d’être embarqué dans le débat sur l’immigration lors des municipales ?
Ce sont des thèmes qui ne sont pas prioritaires dans la société française. Il y a le chômage qui explose, la pauvreté qui gagne du terrain, le manque de logements… On essaie de poser des faux sujets, de division, de confrontation, dont la droite se nourrit en prétextant assécher le Front national. Mais on ne fait que le renforcer car tout le monde se positionne sur ces thèses-là.

Quelle est votre thèse ?
Il faut avoir le courage de dire le contraire des populistes. Avec une Europe vieillissante qui fait de moins en moins d’enfants, et une jeunesse dans les pays du sud qui explose, il va y avoir des flux migratoires qu’il faudra accepter. Et d’ailleurs, il va même y avoir des flux migratoires inversés. Demain, des Français iront bosser en Algérie !

A Brignoles, le front républicain a échoué face au Front national. C’était une erreur au 1er tour de présenter une candidate EELV ?
Il faut assumer de vouloir partir sous ses couleurs. Quand le Front national gagne une élection, il est nécessaire de se remettre en question. Tous ! Il ne faut pas dire aux petits partis : « Vous ne devez pas exister, faites corps avec l’ogre socialiste ». Faisons un aggiornamento de la manière dont on a combattu le FN. La diabolisation est une erreur. Moi je revendique de débattre avec Stéphane Ravier [le leader FN à Marseille] !

Quel est votre regard sur la primaire socialiste à Marseille ?
On a vu que les méthodes socialistes entre socialistes, avec les dérapages verbaux, ça faisait mal aussi. J’en sais quelque chose. J’ai vécu ces méthodes. J’espère qu’ils vont en tirer les enseignements pour éradiquer ce système.

Patrick Mennucci, le vainqueur, a dit qu’il se retrouverait, tôt ou tard, avec le Front de gauche et les écologistes. Et vous ?
Quand Mennucci veut le rassemblement, je souhaite le débat politique. Vous me demandez si je le rejoindrai au second tour. Mais ce n’est pas le sujet. Le sujet, c’est qu’est-ce qu’on veut faire de Marseille à tous les niveaux.

Vous avez été désigné tête de liste à 91 % par les militants écologistes. Mais Sébastien Barles, autre prétendant à l’investiture, vous accuse de fraude, d’adhésions fantômes.
Il y a des règles dans ce parti. Toutes les autres adhésions ont été validées par les instances régionales, elles sont donc de bonne facture. Sébastien Barles a mal vécu l’arrivée importante de nouveaux militants à EELV qui ne sont pas tombés dans l’écologie depuis très longtemps. Son rôle eut été de les accompagner, d’ouvrir le parti et d’accepter ces femmes et ces hommes issus des quartiers populaires.

Que voulez-vous dire en opposant écologie de bobo et écologie populaire ?
Sébastien Barles incarne l’écologie sympathique de gens qui ont un certain statut social et qui veulent acheter du bio. Cette écologie-là existe. Je ne la renie pas. Aujourd’hui, l’écologie politique doit s’ouvrir, embrasser toutes les couches sociales.

Autre polémique : Marianne et Le Point affirment que votre association « Agir pour la citoyenneté » a reçu des subventions « douteuses » du Conseil général…
En 2007, je ne suis pas président de cette association. Premier mensonge. Sur le document que Marianne met en exergue, il est dit que le président est Driss Aït Youssef. Mais quand ils ont scanné le document, ils ont coupé cette information. Je vais attaquer ces journaux en justice.

Niez-vous aussi vos liens d’amitié avec Alexandre Guérini, mis en examen, avec son frère Jean-Noël, pour association de malfaiteurs ?
De quels liens on parle ? S’agit-il simplement d’échanger des textos avec le frère du président du Conseil général, leader du parti socialiste, à l’époque, en 2007 et 2008 ? Je ne comprends pas ! Je rencontre seulement Jean-Noël Guérini en 2008 au sortir des législatives. Et en 2009, une affaire éclate sur la place publique que je découvre tout comme un citoyen lambda. Qu’est-ce que j’ai à faire dans ce système Guérini ? Je n’ai jamais eu de poste au Conseil général. Par contre, oui, je veux lutter contre ce système pourri. Je l’affirme avec force et conviction.

Venons-en à votre projet écologique pour Marseille. Sera-t-il audible dans une ville paupérisée ?
Je sais que l’écologie, ça apparaît un peu intellectualisé, inaccessible, un peu comme la stratosphère. Mais parler développement des transports en commun, activité portuaire, c’est de l’écologie. Quand on possède le soleil, le vent, la mer, on doit être une capitale de l’économie verte. On doit avoir un potentiel de création d’emplois verts. Si l’on répond aux questions d’emploi, les problèmes de tranquillité publique seront réglés beaucoup plus rapidement qu’avec les méthodes de Valls.

Un mot sur le bilan de Jean-Claude Gaudin…
Gaudin, c’est le maire le plus immobiliste qui puisse exister. C’est un roi, assis sur son fauteuil, qui ronfle depuis des années. On aurait besoin d’un ambassadeur, d’un VRP. On a un maire qui subit. Ce qu’il n’a pas fait en dix-huit ans de mandats, il ne pourra pas le faire dans les six prochaines années…

Propos recueillis par Michel Gairaud, Rafi Hamal et mis en forme par Hugo Vérit.