« Mon métier, ce sont les gens qui mentent »

avril 2013 | PAR Michel Gairaud, Rafi Hamal
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Entretien en partenariat avec Radio Grenouille
Michel Pezet, conseiller général PS des Bouches-du-Rhône, invité de la Grande Tchatche

le Ravi : Avez-vous été ébranlé par les mensonges de Cahuzac ?
Michel Pezet : Je suis avocat. Le nombre de menteurs que j’entends est assez considérable… C’est mon métier de voir des gens qui mentent et s’enfoncent.

Que pensez-vous de l’obligation pour un ministre ou un parlementaire de déclarer son patrimoine ?
Il y a un côté un peu ridicule car ceux qui voudront mentir pourront continuer à le faire. La déclaration sur le patrimoine va ouvrir les portes à la suspicion, avec de nombreuses vérifications des journalistes pendant des mois. Et puis lorsqu’un ministre affirme n’avoir rien en poche, je me méfie sur ce qu’a été sa carrière.

Ce dernier argument est utilisé par Marine Le Pen…
Elle a raison sur ce point. Un ministre âgé de plus de 50 ans, qui a été parlementaire pendant quelques années, possède un patrimoine. N’allez pas me faire croire que l’indemnité d’un sénateur ou d’un député, c’est le Smic !

François Hollande se trompe-t-il de réponse ?
Plutôt que de créer un grand parquet contre la corruption, il vaudrait mieux refaire fonctionner les chambres régionales des comptes. J’ai connu la période de leur création. Je peux vous garantir que tous les élus tremblaient devant elles. Tous. Sarkozy est arrivé. On a supprimé un grand nombre de chambres, leurs pouvoirs, des magistrats, des moyens de travail. Tout le monde s’en fiche désormais. Les rapports descendent trois à cinq ans après les faits, cela n’a plus aucun intérêt.

Il est aussi question d’interdire de cumuler des professions, avocat d’affaires par exemple, avec certains mandats…
Si à la commission des lois il n’y a plus d’avocats, c’est quand même invraisemblable ! Pendant les années où j’ai été parlementaire, je ne consultais plus, ni ne plaidais plus mais je n’avais pas quitté le barreau ! Désire-t-on que seuls les fonctionnaires puissent se faire élire ? Eux continuent à grimper les échelons professionnels pendant leur carrière politique…

Curieusement la réforme sur le non cumul des mandats est repoussée en 2017…
Les gens veulent des élus qui soient à plein temps dans leurs fonctions. Repousser le non cumul des mandats à 2017 est donc une très grosse erreur. On ne peut pas être président d’exécutif et en même temps siéger au parlement ou avoir un autre exécutif, être maire et député ou sénateur. Cela ne tient pas la route.

Tout autre sujet ! L’adoption du mariage pour tous a suscité des réactions d’une rare violence à droite et à l’extrême droite. Qu’en pensez-vous ?
Ce qui m’effraie toujours c’est ce manque de culture politique et historique. Quand j’entends un de mes confrères [Ndlr Gilbert Collard, député apparenté FN] dire « sauvons le code civil », c’est une farce. Le code civil a évolué au fil du temps. Dans le mariage romain, il y avait la possibilité d’avoir deux pères. La société n’est pas figée. Elle change, se transforme. La droite qui manifeste aujourd’hui est la même qui, hier, refusait le divorce, le Pacs, la dépénalisation de l’homosexualité. Hollande a eu raison de passer en force.

Assiste-t-on sur ce sujet à un rapprochement entre l’UMP et le FN ?
J’ai connu ça. Lorsque j’étais président de région j’ai été battu parce que Jean-Claude Gaudin a fait l’alliance avec le FN. Est ce que cela va se répéter ? Je ne l’espère pas.

Le principe de primaires locales à Marseille et Aix-en-Provence pour désigner les candidats socialistes aux municipales a été acté. Mais cette consultation ne risque-t-elle pas de renforcer les baronnies au lieu de les contourner ?
C’est bien là la difficulté. Pour les primaires à la présidentielle, environ 25 000 électeurs se sont déplacés à Marseille. Si on s’approche de ce chiffre pour les primaires des municipales, on pourra casser le jeu de la féodalité. Sinon, ce sera très mauvais.

Vous y croyez vraiment ?
Pour être franc, nous n’avons pas encore lancé une mécanique permettant d’ouvrir le corps électoral au-delà du cercle des manœuvriers.

Quelles seraient les conditions pour créer cette dynamique ?
Il faut casser la chape de plomb que nous avons au Conseil général car les gens ne comprennent rien. Il faut que le parti au niveau national prenne des décisions. Je demande que le PS exige a minima le retrait de Jean-Noël Guérini du parti. Après c’est un problème personnel. Aucun texte ne lui impose de démissionner de ses fonctions.

Vous estimez donc que, même depuis la mise sous tutelle de la fédération socialiste des Bouches-du-Rhône, l’homme fort du PS qui va peser sur les primaires locales c’est toujours le président du Conseil général ?
Du PS je n’en sais rien, car il est sous tutelle. Mais Jean-Noël Guérini est en tout cas l’homme fort d’une réalité politique. C’est vrai.

En avril vous n’avez été que quatre conseillers généraux à signifier, en vous abstenant sur le budget, votre désaccord sur la gouvernance. Pourquoi les autres élus restent-ils aussi alignés derrière Jean-Noël Guérini ?
Parce que la plupart sont maires de communes et qu’en 2014 il y a des municipales. Ils veulent aboutir sur certains travaux et réalisations et ils ont besoin des subventions du Conseil général.

Êtes-vous candidat à la succession de Jean-Noël Guérini si l’occasion se présente ?
Si on fait appel à moi, je suis effectivement prêt à me sacrifier.

Vos positions pro-métropole sont-elles compatibles avec cette ambition ?
Sur la métropole, le Conseil général est apparu comme la principale force d’opposition au gouvernement. On envisageait même d’aller manifester contre Monsieur Hollande. Je tombe sur la tête ! C’est parce que Marseille est en grande difficulté que plus aucune commune ne veut venir avec elle. Mais faut-il pour autant continuer cette espèce de politique de villages gaulois ? Ré-imaginons la décentralisation de la France. Si cela signifie qu’il faut supprimer la communauté urbaine de Marseille, le département, pourquoi pas ! A condition de procéder par étape…

Tapie, patron de La Provence, cela ne vous pose plus de problème maintenant qu’il dit du bien de vous ?
Bien sûr que cela me pose problème ! Mais que voulez vous que j’y fasse ? J’en prends acte…

Propos recueillis par Michel Gairaud et Rafi Hamal