« On va les grand-remplacer ! »

février 2022 | PAR Sébastien Boistel
Notre test du meeting marseillais de Reconquête, ce samedi 27 février, sans Eric Zemmour, le candidat du nouveau parti d'extrême droite, mais avec Stéphane Ravier, le sénateur ex-RN, et "l'avocathodique" Gilbert Collard, le président d'honneur.

15:30

Le rond-point du Prado est repeint en bleu marine. Pourtant, y a pas match ce samedi 27 février. Mais un meeting au parc Chanot de Reconquête, le parti de Zemmour. Qui, après le fiasco de sa dernière visite marseillaise, se fait remplacer par deux ex-RN, Me Gilbert Collard, président d’honneur du mouvement, et le sénateur d’extrême droite, ex-FN, Stéphane Ravier. Pas encore d’antifa – la contre-manif’ est à 16 heures – mais le service d’ordre est déjà sur les dents.

15:45

La trogne du « Z » est partout. Et y en a pour tout le monde : « les profs avec Zemmour », « les femmes avec Zemmour ». Non loin, les « jeunes ». Mais, vu la fréquentation, on se croirait à la « fédé » du RN.

16:15

Conférence de presse dans un coin du hall pour occuper les journalistes. En les voyant, Ravier ricane : « Y a le gratin, la crème de la crème ! »  Entre deux palmiers où l’on a planté un drapeau, ça cause Ukraine, parrainages mais aussi Ibrahim Ali et même chien-saucisse ! Quand on demande si Zemmour redoute de revenir à Marseille, le nantais et ex-LR Sébastien Pilard, singe l’accent : « Il craint degun ! » Collard embraye : « On peut ne pas l’aimer – c’est un droit constitutionnel et même médiatique – mais pas lui reprocher de manquer de courage. »

17:10

Un millier de personnes – la plupart sans masque – s’installe. « C’est rigolo, on retrouve plein de monde », dit une Aixoise. Sa copine soupire : « Manque Marion [Maréchal]. Le souci, c’est qu’elle est enceinte. » Aux premiers rangs, les VIP. Dont un sosie de Johnny ! Repéré par un militant qui y va de son imitation : « Allumer le feu ! » Sa langue fourche : « Allumer le four ! »

17:35

Après une première Marseillaise, la musique se fait mi-martiale mi-new age, éclairage tricolore.  Premier « orateur » (façon Pécresse), l’oubliable Jean-Marc Graffeo-Astolfi, ancien syndicaliste de l’Uni, raille le discours des « médias, des politiques. Zemmour serait seul ? Pas de parti ? Pas de soutien ? Ben voyons ! » LA punch-line du polémiste…

17:44

« Elle est petite par la taille mais grande par son travail », ose le « Monsieur Loyal » de la soirée, le patron marseillais de Génération Z, Jean-Philippe Courtaro. Place à l’ex-frontiste Jeanne Marti. Qui exhorte les militants : « Soyons à l’image de notre candidat qui n’hésite pas à nommer les réalités que nous connaissons : le grand remplacement et le grand déclassement ! » Derrière le pupitre où on peine à la voir, elle lance : « Soyons à sa hauteur ! » Ça tombe à plat. Puis bien bas quand elle parle d’« islamisme », de « racaille ». Ça s’enflamme : « On est chez nous ! »

17:51

Face à ce public, l’ex-LR Sébastien Pilard doit montrer patte blanche : « Certes, je suis breton mais j’ai habité sept ans à Marseille. Et mes enfants sont nés ici ! » Mieux ! Il tape sur Muselier, Estrosi : « Affaiblir la droite, c’est affaiblir la France. » Idem pour les Républicains à Marseille qui, en refusant la « main tendue » de Ravier, ont laissé la ville tomber « entre les mains de l’extrême-gauche et des gauchistes ». Applaudissements pour les députés LR Valérie Boyer, Eric Ciotti. A l’évocation de Pécresse, un militant, cabot, aboie. Mais fini les attaques, place aux louanges : « Zemmour, c’est quelqu’un de profondément humain » et « le rencontrer, c’est l’épouser ! » Pilard prépare le terrain à Ravier et Collard en parlant de son « projet de civilisation » : que « la France reste la France ».

18:10

Ravier, ravi, salue les transfuges du RN. Mais aussi sa « fille » qui a « quatre semaines » et qui est « dans la salle avec sa maman » (sa collaboratrice, Emmy Font) : « Elle se prénomme Jeanne. Deuxième prénom ? Au secours ! » Ça va être long…

18:12

Pour l’ex frontiste, « Marseille est le symbole de tous les maux de la France, défigurée par l’immigration. Certains quartiers ressemblent plus à un souk qu’à la Provence », citant là, dit-il, « Samia Ghali (troisième adjointe au maire, Ndlr) qui se dit fière d’être FLN ». A qui il rétorque : « Ce ne sont pas les Algériens qui ont  reconstruit la France. Mais les Français qui ont construit l’Algérie. Et si Mme Ghali est fière d’être FLN, elle est libre de traverser la Méditerranée. » Résultat : une nouvelle Marseillaise !

18:19

Le voilà à causer « accueil »… des « Ukrainiens. C’est simple. Les réfugiés de guerre en Europe doivent être aidés en Europe, ceux des pays arabes dans les pays arabes… »  Haro sur « l’islam » : « La religion chrétienne est en France depuis Clovis, l’islam depuis Giscard. » Pour lui, la Canebière, c’est « kebab avenue », citant Franz-Olivier Giesbert (FOG), le directeur éditorial de La Provence, qui n’y « entend plus parler français ». Idem pour « notre accent remplacé par celui horrible des banlieues ». Alors, ciblant la droite, il lance : « Ils sont néfastes, nous devons les grand-remplacer ! »

18:27

Pour Ravier, c’est « l’heure de la… reconquête » ! Un combat « risqué ». Mais, « si vous voulez aller en mer sans risquer de chavirer, n’achetez pas un bateau mais une île », dit-il, en référence à Pagnol. Et soupire : « Avant, Marseille, au cinéma, c’était Pagnol. Aujourd’hui, c’est Bac Nord… » Et de proposer dans la foulée une drôle d’alternative : « Nous sommes à la croisée des chemins. L’abîme ou le chaos ! » Avant de finir, en scandant avec la salle : « La Provence, c’est nous ! Ceux qui refusent de se faire remplacer, c’est nous ! Ceux qui seront toujours debout… » Et d’user de la même mécanique : « Le déclin, c’est fini ! La racaille, c’est fini ! Les dealers… »

18:38

« Ça fait toujours plaisir de t’entendre, commente Courtaro. On est si loin du politiquement correct ! » Avant de laisser la place au « clou » de la soirée : Collard. Qui avoue : « Qu’est-ce que je vais pouvoir vous dire ? » Un cri dans la salle : « Qu’on va gagner ! » Réplique de l’avocat : « Ça, mon vieux, c’est sûr ! On n’a pas le choix. »

18:40

L’« avocathodique » d’extrême droite en fait des tonnes : « Marseille, ma ville, tu es, comme la France, défigurée ! » Et de fustiger cette « municipalité qui, pour présenter ses vœux, enlève la croix de Notre Dame de la Garde ! »  Et répète : « Résistance ! » Pour mieux rebondir sur « FOG » : « Dans cette émission, Laure Adler lui a dit : “Ah oui, y a pas assez de blancs ?” Non mais, elle est con ! » (rires) En roue libre : « Si on n’y prend garde, ils vont mettre le niqab sur la Bonne Mère ! »

18:42

L’ancien avocat de la famille d’Ibrahim Ali assure que son « âme n’a pas changé » mais qu’il aurait préféré être interrogé sur « Maurane et Lauré, égorgées en octobre 2017 » à Saint-Charles.

18:48

Et de parler au nom (et à la place) des ancêtres de l’assistance : « On s’est battu. La France, on l’a bâtie. Ne la laisse pas tomber ! » Ce n’est plus de la ficelle mais de la corde : «  La France est un drapeau. A terre, on le ramasse et on le redresse. » Convoque le dernier poilu qui dira : « J’ai voulu défendre la  France parce qu’elle m’a donné à manger. Aujourd’hui, on nous dit : “Nique ta mère !” » Pour marteler : « La France existait avant l’immigré. » Convoquant « Verdun », la « Résistance », l’avocat ne se retient plus : « Grâce à Dieu, ou à l’Histoire, on a la chance d’avoir un homme comme Zemmour. Capable de mener le dernier combat. Après lui, il n’y aura plus de solution ! » On approche du final.

18:53

Après une tirade sur Cyrano, il se fait adepte de la méthode Coué : «  On serait racistes ? Mensonge ! Xénophobes ? Mensonge ! » Déplore, lui, que « Bac Nord n’ait même pas eu de César ». Avant d’en faire des caisses sur l’incendie de Notre-Dame : « Qui n’a pas ressenti cette souffrance n’est pas français ! »

18:59

Ultime exhorte : « Vous êtes les représentants d’une idée qui est en marche »… Ça hésite avant de s’esclaffer ! Pour rattraper le coup, les « jeunes » avec Zemmour grimpent sur scène. Ultime Marseillaise. le Ravi se lève… pour quitter la salle.

De haut en bas, dessinés par Trax, Eric Zemmour, leader de Reconquête ; Stéphane Ravier, sénateur qui vient de quitter le RN ; Gilbert Collard, président d’honneur du nouveau parti d’extrême-droite.

Meeting de Reconquête à Marseille

Le candidat

Eric Zemmour (63 ans). Journaliste, écrivain, polémiste, chroniqueur sur CNews, etc..  Autour de 15 % d’intentions de vote.

Les représentants

Patrick Isnard (ex-élu RN de Grasse) coordinateur Paca, Jeanne Marti et Pascal Munier (ex-RN), responsables pour le « 13 », Jean-Philippe Courtaro (ex-RN) chargé de Génération Z à Marseille…

Les orateurs

Sébastien Pilard. 43 ans, ex-LR et porte-parole de  Sarkozy, aujourd’hui de Zemmour, ancien conseiller régional, candidat malheureux aux législatives. Co-fondateur de Sens commun, habitué de la Manif pour tous et black-listé pour avoir, entre autres, dîné avec Marion Maréchal (la voilà).

Stéphane Ravier. 52 ans, sénateur et élu d’opposition marseillais. Adhère au FN à 16 ans, quitte le RN en février dernier. Ancien cadre chez Orange. Chez Zemmour depuis le 13 février.

Gilbert Collard. Avocat marseillais, député européen et ancien conseiller municipal à St-Gilles (Gard), ex secrétaire général du RN et aujourd’hui président d’honneur de Reconquête.

Le meeting couvert par le Ravi

Lieu :  Palais des congrès du Parc Chanot (environ un millier de places)

Date : samedi 27 février 2022

Sécu : police et S.O

Contre-manif : oui (antifa)

Contrôle sanitaire : aucun

Réservation : inscription par le web

Public : un petit millier (dont quelques personnes à mobilité réduite et un nourrisson)

Journalistes : une petite dizaine (et pas vraiment d’espace dédié)

Durée : 1h25

Temps de parole :

Sébastien Pilard : 20 minutes

Stéphane Ravier : 27 minutes

Gilbert Collard : 20 minutes

Drapeaux : un paquet

Marseillaises : 3

Sacs à vomi : aucun