« Un appel à réexister en politique ! »

mai 2019 | PAR Michel Gairaud, Pierre Frasiak, Rafi Hamal
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Entretien en partenariat avec Radio Grenouille
Bernard Borgialli, candidat Insoumis aux européennes, invité de la Grande Tchatche

le Ravi : Que pensez-vous des réponses d’Emmanuel Macron suite au grand débat ?

Bernard Borgialli : Le grand débat a finalement abouti à une sortie par une porte de souris. Emmanuel Macron dit qu’il ne change pas de cap et qu’il est très fier des deux premières années écoulées, celles-là même qui ont conduit les gens à descendre dans la rue. Après, le reste, c’est un jeu de communication qui a quand même coûté 12 millions d’euros.

Vous ne croyez donc pas le président qui affirme être transformé par la crise des gilets jaunes ?

Les gilets jaunes qui ont été mutilés, agressés, ont été plus transformés qu’Emmanuel Macron. S’il avait vraiment changé, alors peut être aurait-il entendu leurs revendications.

Pourquoi vouloir faire des élections européennes un référendum anti-Macron ?

C’est notre objectif même si, évidemment, les européennes ne sont pas qu’un référendum. Les gens vont devoir surtout se positionner sur le bilan de l’UE qui, malheureusement, nourrit l’extrême droite. Les réponses apportées ne sont pas à la hauteur sur le plan de l’harmonisation sociale et fiscale. Emmanuel Macron, en France, est le représentant de cette Europe que les peuples rejettent.

Souhaitez-vous transformer ou quitter l’UE ?

La transformer ! A la France Insoumise on ne parle pas de Frexit. Nous voulons créer des alliances avec « Maintenant le peuple » (Podemos en Espagne, Le bloc de gauche au Portugal, L’Alliance rouge et verte au Danemark…, Ndlr) pour nous opposer aux traités qui nous empêchent de mener une politique raisonnée et offensive, notamment sur les enjeux climatiques. Mais, oui, il y a des traités dont il faudra sortir si on veut appliquer notre programme « l’avenir en commun » comme ceux qui organisent le dumping social avec les travailleurs détachés.

Cheminot, que voulez-vous défendre au Parlement européen ?

Soyons clair. Nos parlementaires européens ne pourront pas changer radicalement la donne. Le but à LFI c’est de pouvoir, demain, être au pouvoir en France pour enfin faire à nouveau rayonner la France en Europe et dans le monde. La réforme du 4ème paquet ferroviaire est déjà en place avec un ensemble de directives et de règlements imposés. Le passage en société anonyme de la SNCF est prévu au 1er janvier 2020. Néanmoins, on va chercher tous les moyens dans les textes de créer un ralentissement voire un blocage en alertant les populations…

Que pensez-vous de la politique ferroviaire de Renaud Muselier, président de la région Paca ?

Je ne sais pas comment est construit cet individu, mais Renaud Muselier est un anti-cheminot primaire ! Il fait partie de ceux qui veulent absolument montrer que la concurrence est la réponse à tout. La réalité c’est qu’il est en train de baisser encore plus le budget des transports ferroviaires en Paca. La convention qu’il a été contraint de signer avec la SNCF créait des suppressions de postes et des doutes sur l’avenir ferroviaire. Elle organise une concurrence fictive. Demain ce seront les mêmes cheminots, les mêmes rames, sur les mêmes voies. Les usagers – les clients pour eux – ne seront pas gagnants. Des entreprises, en recherchant des rentes, comme on le voit déjà pour l’électricité, le gaz ou l’eau, vont essayer de s’enrichir sur l’argent public.

Votre réaction aux propos de Christophe Castaner assimilant les ONG venant en aide aux réfugiés à des passeurs ?

Déplacer les problématiques sur l’immigration, comme le font les néolibéraux avec Macron, permet de trouver un ennemi facile à cibler afin de ne pas parler de la réalité sociale. Concernant le ministre Castaner, j’ai honte pour mon pays d’entendre de tels propos. Je salue le travail des ONG, leur courage, celui de gens qui, parfois au péril de leur vie, sauvent celle des autres. A LFI nous défendons un devoir d’humanité : toute personne en situation de péril doit être sauvée, mise à l’abri, choyée. Les gens se déracinent de leur famille, de leur terre, parce qu’ils souffrent. Un pays aussi grand que la France et une puissance économique aussi importante que l’Europe, doivent être capable de leur tendre la main et d’agir sur les causes de l’immigration.

Depuis les perquisitions en octobre jusqu’au récent départ, avec fracas, de Thomas Guénolé, LFI est-elle en crise ?

Les perquisitions et leur traitement médiatique nous ont fait beaucoup de mal alors que nous nous attendions à être soutenus devant cette judiciarisation du monde politique. J’ai été choqué par les déclarations de Thomas Guénolé (Sous le coup d’une procédure interne pour des faits de harcèlement sexuel, le politologue a quitté le mouvement en dénonçant une « dictature », Ndlr). Nous ne sommes pas un clan, ni une secte, les gens peuvent partir de LFI. Notre liste a été élaborée par un comité électoral dont plus de la moitié a été tiré au sort parmi les Insoumis. Nous faisons une campagne sérieuse pour mobiliser notre électorat, souvent éloigné des élections européennes.

L’appel de Jean-Luc Mélenchon à une « fédération populaire » n’arrive-t-il pas trop tard alors qu’écologistes et diverses tendances à gauche sont dispersés sur six listes aux européennes ?

Depuis la présidentielle, les partis traditionnels sont en train de totalement disparaître, la politique ne ressemble plus à ce qu’elle était avant. Et cette recomposition se poursuit. Quand Jean-Luc Mélenchon parle d’une fédération populaire, il ne s’adresse pas qu’aux partis politiques, même s’ils ont le droit d’entendre le message. Il parle à toutes les forces de la la population : les associations, les ONG, toutes celles et ceux qui prennent un engagement, mènent une lutte ou un combat. C’est un appel à réexister dans le monde politique et pas seulement en passant par la petite porte…

Désormais marseillais, pensez-vous aux municipales qui s’approchent ?

Marseille vous adopte. Elle est devenue ma ville. Que je sois élu ou non au parlement européen, j’y prêterai main forte à mes amis. Pour l’instant nous sommes à 1000 % dans les élections européennes. Mais bien sûr les municipales sont un objectif. Juin sera le point de départ pour établir notre stratégie et travailler le programme.

Sans Jean-Luc Mélenchon comme candidat, comment comptez-vous vous y prendre pour tenter de gagner la ville ?

Lors des législatives, dans les quartiers populaires comme Air Bel, La Valbarelle, Les Escourtines, j’ai vu les difficultés auxquelles sont exposés les gens, sur des sujets comme l’eau, le logement insalubre. Marseille a loupé son contrat avec la population. Les écarts de salaire y sont de 1 à 14 avec plus de 20 % des personnes sous le seuil de pauvreté. C’est énorme ! Suite au drame de la rue d’Aubagne, on a vu à quel point on pouvait tomber bas après 30 années avec Gaudin et son entourage. Toutes les forces qui partagent une vision populaire, humaniste, écologiste, de gauche – j’assume ce mot « de gauche » – ont un intérêt majeur à répondre aux attentes des Marseillaises et des Marseillais. Ils sont prêts à changer totalement de politique. Et il faut inclure évidemment l’ensemble des collectifs…