« Ne jamais traiter avec le FN est un luxe essentiel »

février 2013 | PAR Michel Gairaud, Rafi Hamal
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Entretien en partenariat avec Radio Grenouille
Christian Kert, député (UMP) de Salon-de-Provence, invité de la Grande Tchatche

Jean-François Copé ne neutralise-t-il pas l’UMP en créant une armée mexicaine ?
Non, la multiplication des nominations s’explique par la volonté de mettre fin au conflit entre deux équipes, celle de Jean-François Copé et celle de François Fillon, en assurant leur représentation à parité dans toutes les instances.

Pourquoi avoir choisi Copé alors que vous êtes centriste ?
Au moment de voter, j’ai estimé qu’il a fait le boulot courageusement au sein du parti. Il ne s’agissait pas de désigner le futur président de la République. Mais je tiens à faire vivre à l’UMP une tendance humaniste utile lorsqu’il faut corriger le tir sur la droitisation. Et même si François Fillon est moins à droite, son directeur de campagne, Eric Ciotti, ne passe pas pour être le centriste idéal…

L’UDI, créée par Jean-Louis Borloo, n’est-elle pas une maison plus accueillante ?
Elle est plus centriste en tout cas. Mais l’UDI a rassemblé des petits partis qui, à l’origine, ne s’entendaient pas entre eux. Le socle solide de l’opposition reste l’UMP. Si demain un grand leader se définissait au centre, je participerais à ce mouvement-là.

La droite a-t-elle perdu la présidentielle en se radicalisant ?
Sur les problèmes d’immigrations, économiques et d’insécurité, notre électorat attendait de Nicolas Sarkozy des propos forts. Il aurait plus perdu encore à faire autrement. Même si parfois je le regrette, nos concitoyens aspirent à un ordre qu’ils ne trouvent plus. Ne jamais traiter avec le FN est un luxe essentiel mais il faut quand même que certains d’entre nous acceptent d’incarner une droite populaire.

Où se trouve alors la limite ? Cela ne vous gène pas que l’UMP adopte le vocabulaire et les idées du FN ?
Je combats le FN. Rien ne peut se passer avec un parti politique qui prône la défiance et la haine entre les êtres. Pour moi, un être, quelle que soit sa couleur et sa religion, est égal à un autre. C’est mon ADN humaniste. J’explique à mes amis qui seraient tentés d’aller chercher un gisement de voix au FN de se méfier car l’UMP risque d’y perdre son identité sans pour autant gagner les élections.

Y aura-t-il réellement des élections internes à l’UMP à l’automne ?
Les élus locaux nous disent de ne pas leur mettre sur le dos une élection interne qui va forcément nous diviser à quelques mois des municipales. Je suis de ceux qui préféreraient qu’on attende.

Le gouvernement semble reculer pour interdire le cumul des mandats…
Je suis un peu isolé dans mon propre camp sur ce sujet ! Pour moi, le bon mode de fonctionnement, c’est qu’un parlementaire puisse être conseiller régional, général ou adjoint au maire mais sans pouvoir présider un exécutif.

Comment expliquez-vous l’hésitation au PS ?
C’est la vieille machine socialiste. On promet, on fait des annonces et après on rétrograde à fond les manettes.

Pourquoi avoir voté contre le mariage pour tous ?
Le mariage c’est l’union d’un homme et d’une femme. J’étais par contre favorable à une union civile pour les homosexuels, avec une cérémonie en mairie et avec autorisation de l’adoption. Mais je m’arrêtais là. Une circulaire de Christine Taubira, en plein débat, a laissé penser que pour ce gouvernement l’étape suivante serait la procréation médicale assistée et la gestation pour autrui. Je refuse qu’on dérive du désir d’enfant vers la marchandisation d’enfant. J’avais envisagé de m’abstenir. J’ai donc voté contre. Mon positionnement est humaniste et non homophobe.

La droite n’est-elle pas tombée dans un piège tendu pour la ringardiser ?
C’est surtout un piège pour l’opinion française. On a fait dériver le débat national. Quand on perd un millier d’emplois par jour, je ne suis pas persuadé que la préoccupation essentielle concerne la possibilité pour quelques couples homosexuels de se marier.

La création d’une grande métropole autour de Marseille est repoussée. Vous comptez parmi les rares élus qui le regrettent…
Entre les communes, les intercommunalités, le département, la région, les compétences se chevauchent en permanence. Une métropole permettrait de mettre de l’ordre dans les mille-feuilles et de développer le territoire. Un exemple : demain, dans 20 ans, il n’y aura plus de pétrochimie sur les rives de l’étang de Berre. La métropole pourrait être un outil pour réfléchir à comment faire émerger un pôle dédié aux énergies renouvelables.

Que dites-vous à Maryse Joissains qui affirme qu’Aix-en-Provence n’a pas vocation à secourir les pauvres marseillais ?
La métropole n’est pas destinée à s’appauvrir au bénéfice de Marseille. Si cela marche à Nice, Lyon ou Barcelone, pourquoi pas chez nous ?

En mars, de Sylvie Andrieux à Jean-Noël Guérini en passant par Jean-David Ciot, des élus socialistes sont convoqués devant la justice. Y a-t-il un problème local au PS ?
Il a un véritable problème que les leaders nationaux du parti ont dénoncé. Il faudrait restructurer tout ça dans un esprit de transparence et d’honnêteté.

On vous entend pourtant peu sur les affaires ?
Je regrette ce spectacle. Il est difficile de s’exprimer tant que les affaires ne sont pas jugées par respect pour la présomption d’innocence. Je regrette que la justice n’aille pas plus vite. J’aimerais, concernant Jean-Noël Guérini par exemple, qu’elle tranche pour savoir où on en est.

Tapie, patron de La Provence, cela vous réjouit ?
Beaucoup pensent que Tapie projette de mener un combat politique aux municipales. Ce n’est pas mon avis. Il a des comptes à régler à Marseille. Avoir un journal lui permettra peut-être de se libérer d’un certain nombre de frustrations. Et puis, cet homme qui approche les 70 ans se passionne peut-être pour relever un défi dans un domaine où on ne l’attendait pas. Je rêvais plutôt d’un autre patron pour La Provence, d’un grand patron de presse. Mais il s’agit de l’argent privé de Tapie qui achète des titres privés.

Sauf que la justice enquête sur les conditions dans lesquelles il a refait fortune avec de l’argent public…
Que la justice passe…

Votre permanence parlementaire se trouve désormais à Aix. Si Maryse Joissains, en difficulté avec ses comptes de campagne, est déclarée inéligible, serez-vous candidat aux municipales ?
Si Maryse Joissains ne peut pas être candidate, ce que je ne souhaite pas, nous réunirons une commission de l’UMP à Paris. Je souhaite qu’Aix reste à droite. Si possible à l’UMP. Dans tous les cas, Maryse Joissains aura besoin de moi. Nous sommes complémentaires. Je suis là pour l’aider et pas pour la concurrencer.