"C’est à la fin de la foire que l’on compte les bouses."

mai 2012 | PAR Michel Gairaud, Rafi Hamal
Dominique Tian, député (UMP) et adjoint au maire de Marseille, invité de la Grande Tchatche

Comment expliquer la défaite de Nicolas Sarkozy ?
Quand le contexte économique est dur, comme dans les courses hippiques, un président sortant part avec un handicap : la crise. Et puis la presse a dépassé les bornes. On n’a pas à s’attaquer au physique, à la vie personnelle. En France, on est condamné à n’avoir que des télévisions de gauche.

Vous pensez sérieusement que TF1 est de gauche ?
Les médias auront-ils la même exigence critique vis-à-vis de François Hollande lorsqu’il commencera très vite à déraper ? La troisième explication de sa défaite, c’est que Nicolas Sarkozy n’est pas resté assez sur les fondamentaux qui ont permis son succès il y a cinq ans : la sécurité, le contrôle de l’immigration, le respect de valeurs comme la laïcité…

En racolant son extrême droite, Sarkozy ne s’est-il pas coupé de l’électorat centriste ?
Pendant le quinquennat, on a beaucoup parlé, débattu mais dans la réalisation on est resté très modéré. Quand les français ont l’impression que le gouvernement n’est pas assez efficace ou décidé, ils sanctionnent. Cela dit, cette défaite n’est pas une baffe, on ne termine pas en caleçon, on n’est pas couvert de goudron et de plume.

En siphonnant les thèmes du FN, l’UMP ne court-elle pas à la faillite ?
La ligne que j’incarne avec la droite populaire c’est le respect des engagements présidentiels de 2007. Un fait nouveau devrait alerter la frange modérée de l’UMP : la montée du FN dans les campagnes. Nous sommes le meilleur ennemi du Front. A Marseille, c’est dans mes arrondissements qu’il fait son plus petit score.

Parce que vous matraquez des thématiques « clivantes » et identitaires ?
Le président Mao disait que le révolutionnaire doit être dans la population comme un poisson dans l’eau. Il avait sûrement raison. Les gens me parlent d’insécurité, de valeurs, d’immigration, de tchador, de laïcité. Faudrait-il que les hommes politiques parlent d’autre chose que du vrai sujet ?

Qu’est-ce qui vous distingue du FN ?
Pour nous, l’ennemi ce n’est pas l’immigré mais quand on rentre illégalement en France, on commet une faute. Nous avons obtenu un taux de reconduction à la frontière record mais pas suffisant. Nos concitoyens ont estimé qu’on pouvait aller plus loin, plus fort et plus dur. Même avec Nicolas Sarkozy, quand on entre illégalement en France, on est soigné gratuitement dans tous les hôpitaux, opéré à cœur ouvert. On pourrait en rigoler mais cela coûte 800 millions d’euros.

Gérard Longuet estime qu’il est temps pour la droite de discuter, voire de s’allier, avec le FN.
Il n’est pas question de s’allier avec le FN. Il nous déteste et c’est réciproque. Marine Le Pen a objectivement intérêt à ce que l’UMP perde le plus grand nombre de circonscriptions et les triangulaires vont malheureusement lui donner raison. Nous n’avons pas de valeurs communes avec le FN.

Maryse Joissains, la députée-maire d’Aix-en-Provence membre de la droite populaire, vient pourtant de déclarer : « les valeurs qu’a Marine Le Pen, je les ai toujours défendues »…
Nous avons des sujets communs de préoccupation avec le FN. Mais ses dirigeants sont caricaturaux en France. En Espagne, en Italie, l’extrême droite a participé au gouvernement.

Aux législatives, en cas de duel entre un candidat FN et PS, que préconisez-vous ?
Le Front républicain est un attrape-gogo complet, un numéro d’attrape-couillon de première catégorie. Que le PS se retire alors dans les triangulaires avec le FN quand il est derrière l’UMP !

Si Hollande avait était face à Marine Le Pen, vous auriez voté pour qui ?
Heureusement que cela ne s’est pas produit ! Moi j’aurai voté blanc, et puis c’est tout. C’est clair, net et précis : le Front républicain est une blague absolue. Vous voulez que je vote pour le PS qui va permettre à trente-cinq députés d’entrer à l’Assemblée, qui va offrir 25 % des conseillers généraux au FN, en instaurant la proportionnelle ? A Marseille, le vote FN est le plus fort dans les endroits où la gauche est la plus implantée et ne fait pas son boulot, dans les quartiers nord.

Le conseiller régional Stéphane Durbec, vingt-cinq ans au FN, était présent au lancement de votre campagne.
Il n’y a pas eu de sas de décontamination ! Cela prouve que ce que l’on fait réussit : des cadres du FN abandonnent leur parti pour se rapprocher de nous. Je ne doute pas qu’au prochain calembour de Jean-Marie Le Pen ou de sa fille, d’autres gens quitteront le FN pour venir avec nous. Notre idée n’est pas très compliquée : il faut que la moitié des électeurs du FN nous rejoignent et les choses seront plus simples.

Comment la droite va-t-elle se recomposer après les élections ?
C’est à la fin de la foire que l’on compte les bouses. Certains ne vont pas survivre à l’aventure politique des législatives, on fera avec ceux qui resteront. Il y aura un débat, le choix d’un chef. J’ai beaucoup de respect pour Jean-François Copé. Il est proche d’idées qui me sont chères.

Vous regrettez une mesure comme le bouclier fiscal ?
Le bouclier fiscal, c’est simplement dire qu’on ne va pas vous prendre plus de la moitié de ce que vous gagnez. Affirmer maintenant qu’on va vous piquer 75 % est débile ! Cette pauvre Mme Bettancourt paye ses impôts en France : c’est sûr qu’elle est plus conne que Yannick Noah, résident en Suisse, ce qui ne l’empêche pas de faire le rigolo auprès de Hollande. On n’a pas intérêt à tuer tous les riches au coin de la rue pour leur piquer le pognon. Huit cents gros contribuables partent tous les ans. Est-il nécessaire qu’il y en ait 3 000 et que l’on se retrouve entre gens qui n’ont pas les moyens de s’exiler ?

N’est-ce pas indécent de plaindre les grandes fortunes et de faire une chasse aux petits fraudeurs des allocations sociales ?
C’est marrant que dans la société française on en soit encore à haïr les gens qui ont réussi ! C’est dramatique, des pans entiers de la jeunesse se tirent. En France on ne peut plus créer, réussir, on étouffe sous les règlements. La pression, fiscale et sociale, est énorme. La fraude sociale c’est 20 milliards par an de RSA distribués à des gens qui n’y ont pas droit, de faux chômeurs… J’en ai dégoté 12 000 qui touchent des allocations abusivement. Il y a des millions de cartes vitales en trop.

Au fait, êtes-vous imposable à l’ISF, l’impôt sur la fortune ?
Oui, tout à fait. Je ne pratique pas les petits arrangements des candidats à la présidentielle qui se débrouillent pour être à 200 000 euros au-dessous. Chacun se souvient de l’absurdité de la déclaration conjointe de François Hollande et Ségolène Royal sur la maison de Mougins. Ce n’est pas interdit de bien gagner sa vie, c’est normal et c’est tant mieux.