En Marche un pas en avant, deux pas en arrière

juillet 2020 | PAR Sébastien Boistel
Les municipales consacrent la faiblesse des bases macronistes. Et confirment, en Paca, les fractures entre les courants d'un parti ni de gauche, ni de gauche…

« LREM ? Elle est morte mais elle ne le sait pas encore. Ici, Guérini, c’est l’ancien patron du Conseil général, pas le délégué d’En Marche », ironise un ex dans les Bouches-du-Rhône. La macronie n’a attendu ni la fin des municipales ni du Covid pour se fissurer avec, le 19 mai, un groupe dissident « Écologie, démocratie, solidarité » (EDS). Delphine Bagarry, des Alpes-de-Haute-Provence, est la seule députée de Paca à en faire partie : « S’il y a trahison, ce n’est pas de notre côté. Après avoir cru changer les choses de l’intérieur, suite au 49.3, je suis partie. C’est l’accumulation, la différence entre intention et action. Quant au parti, il est inexistant. Il n’y a aucun corpus. »

La création le 22 mai d’ »En commun » a tout du contre-feu. 40 députés qui veulent « plus de solidarité et d’écologie » mais aussi « faire vivre la diversité pour préserver l’unité ». Parmi eux, la députée marseillaise Cathy Racon-Bouzon, capable de faire la retape pour la plate-forme #LejourdAprès et en même temps de promouvoir défiscalisation, mécénat et philanthropie ou le rapprochement associations/entreprises. C’est pourtant celui qui incarne cet horizon, Jean-Marc Borello, patron du groupe SOS et de la commission d’investiture, qui a présidé aux choix pas très heureux d’investir Yvon Berland aux municipales de Marseille. « Ce fut une campagne très décevante, grince une petite main. Mais c’est instructif. » Pilotage essentiellement parisien, mise à l’écart des figures locales…

Même le référent LREM du « 13 », Bertrand Mas-Fraissinet, se dit « lucide. Ça n’a pas très bien marché. Sur la désignation des candidats, le manque d’écoute entre le local et le national… A ce titre, la stratégie à Aix a été bien meilleure qu’à Marseille. Mais il y a une réforme en cours des statuts pour plus de décentralisation. »

En attendant, le poste de coordinateur sur Marseille de Gérard Blanc a été supprimé : « Il  fallait être angélique sur les objectifs et pas idiot sur les moyens, explique-t-il.  C’est l’inverse qui a été fait. Pourtant, les futurs statuts veulent favoriser la proximité. Là, on a affaire à une petite équipe qui n’a brillé ni par sa transparence ni par sa diversité. Les marcheurs non aguerris ont été balayés au profit de gens avec plus d’expérience, plus de réseaux. Avec le succès que l’on sait. Et, à la veille du second tour, les préférences des marcheurs diffèraient d’un secteur à l’autre ! »

« Il n’y a pas de militants »Cécile Muschotti

La députée marseillaise Claire Pitollat est remontée : « Dans la deuxième ville de France, on fait 8 %.  Quel échec ! » Pour elle qui se dit « centre-gauche », « il y a un vrai malaise au sein du groupe parlementaire mais aussi du parti. On le voit à Marseille. On est incapable de penser notre positionnement. Notamment vis-à-vis de l’extrême gauche. On n’est pas clair ! » Elle non plus, fervente partisane de l’investiture de Jean-Philippe Agresti à Marseille, lequel finalement est devenu tête de liste de Martine Vassal (LR) : « Je suis partie de la présidence du groupe LREM parce qu’il y avait trop de pression. Et si j’ai participé aux discussions pour créer le groupe EDS, quand j’ai vu les discours se durcir, je n’y suis pas allée. » Elle n’émarge donc qu’au collectif « social-démocrate ». Même s’il « faut savoir rester discret ». Et s’est rapprochée d’En commun. Mais  attend « une clarification de la ligne ».

La députée toulonnaise Cécile Muschotti est elle aussi membre d’En Commun. « Mais, dans le Var, je suis la seule. » Pour elle qui vient du PS « il est sain que s’expriment les différents courants. Je reste toutefois dans la majorité. Ce qui ne m’empêche pas d’être critique ». Dont acte : « Le parti n’a aucune stratégie d’implantation ! J’ai fait ma campagne toute seule. De toute manière, il n’y a pas de militants. En 2017, on a demandé à des gens de cliquer pour adhérer. Sans leur demander, depuis, de recliquer. A deux ans de la présidentielle, si on ne part pas à la conquête des territoires, on n’y arrivera pas. »

L’ex-marcheur aixois Yves Delafon n’est guère optimiste : « Les gens sont démotivés. Même les historiques. » Et de pointer l’embouteillage de candidats macronistes : la députée officiellement investie Anne-Laurence Petel, son collègue Mohamed Laqhila (qui a fait 500 voix), le suppléant de Petel (finalement adoubé par EELV) Dominique Sassoon… « Certes, être parlementaire n’a jamais été enviable et les députés de LREM ne sont guère habitués à avaler des couleuvres. Et puis, avec la réforme de l’Assemblée, il va y avoir 30 % de députés en moins. On passe donc de l’espoir à l’opportunisme. »

Et que dire du député de Gardanne, François-Michel Lambert, macroniste déçu capable de soutenir à Aix l’écolo Sassoon et à Allauch un proche du LR Renaud Muselier ? Reste qu’au final, sur la vingtaine de parlementaires LREM en Paca, un seul fait partie d’EDS, Claire Pitollat n’identifie que Monica Michel, députée arlésienne, comme membre du collectif « social-démocrate » et En Commun ne perce que dans le « 13 ».

Alors, Jean Viard, sociologue macroniste du Vaucluse, cite… Bayrou ! « Pour lui, En Marche est un “mouvement gazeux”. Il n’a pas tort. C’est une drôle de structure ! Très numérique et très verticale, lancée par une équipe très resserrée. Et c’est tout sauf un parti ! Pas de militants, peu d’enracinement mais avec une gauche, une droite… Je pousse Macron à être plus social et écolo. Mais la seule solution, c’est d’influer sur le marché. Ceux qui pensent faire sans ne sont jamais montés dans une Trabant ! Ce sont les entreprises qui porteront la révolution écologique. Avec ma maison d’édition, je n’oublie pas que je suis un entrepreneur. D’ailleurs, je ne sais pas  comment je vais rembourser les 300 000 euros que l’Etat m’a prêtés pour faire face au Covid. » Sa petite entreprise connaît donc la crise. Comme En Marche !