"Je serais reparti avec le goudron et les plumes !"

avril 2012 | PAR Michel Gairaud, Rafi Hamal
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Entretien en partenariat avec Radio Grenouille
Olivier Ferrand, candidat PS aux législatives, invité de la Grande Tchatche

François Hollande en tête au premier tour et le score élevé du FN, qu’en pensez-vous ?
La victoire de Hollande, c’est de très bon augure. Quant au score du FN, on l’avait pressenti depuis longtemps. Vote de protestation, c’est, de plus en plus, un vote d’adhésion. Marine Le Pen a travaillé à la dé-ghettoïsation d’un parti xénophobe qui respecte désormais les codes républicains. Et a fait d’une formation poujadiste un parti populiste plus classique avec un programme de protection globale difficile à combattre.

Un discours qui résonne chez les ouvriers dont la gauche, à en croire votre « think tank » Terra Nova, devrait se détourner ?
C’est tout l’inverse. Pour que la gauche n’abandonne pas cet électorat, on a voulu comprendre pourquoi les classes populaires s’étaient détournées d’elle. Tout simplement parce qu’elles avaient changé. On est passé du salariat au précariat, les invisibles pour la gauche.

Le score du FN, c’est un désaveu de la part des classes populaires pour la social-démocratie ?
Si les classes populaires ont été déçues, avec raison, par la gauche, elles continuent majoritairement de voter pour elle. Car la droite les massacre ! Ceux qui votent FN sont ceux qui craignent le déclassement. La gauche peut renouer avec eux. En répondant non sur les valeurs mais à leurs attentes économiques et sociales.

Avec une rigueur… de gauche ?
Nous sommes au bord de la cessation de paiement. Il faut rétablir les comptes. Mais la rigueur, seule, nous plongerait dans la dépression. Il faut donc un plan de relance de la croissance.

Et faire payer, dixit Terra Nova, la réforme des retraites par les retraités ?
Pour combler le trou de 20 milliards d’euros d’ici 2020, la droite a choisi de repousser l’âge de la retraite. C’est injuste. On peut utiliser un autre levier : le niveau des retraites. Notamment, pour les plus aisés, celui de la CSG.

Vu le score du FN ici, la digue entre l’UMP et le FN va-t-elle rompre ?
Sous l’impulsion de Sarkozy, on assiste à une convergence entre l’UMP et le FN qui va déboucher sur une alliance. Ici, la droite a tout simplement conscience, plus qu’ailleurs, de la menace du FN pour sa survie. Il va y avoir des triangulaires partout !

A Salon, ça ferait votre jeu et celui du PS, non ?
Mitterrand aurait joué avec le FN ? Je n’en sais rien, je n’étais pas né (sic). Ce qui est sûr, c’est que le FN doit tout à Sarkozy. Quant à moi, j’ai un adversaire, l’UMP. Et un ennemi, le FN. S’il y a un duel UMP/FN, je ferais campagne pour l’UMP.

Et le droit de vote des étrangers, faut-il assumer cette promesse ?
Oui ! Je ne suis pas un véritable homme politique. J’ai des valeurs. Reste que, dans ma circonscription, la principale crainte, c’est le déclassement économique. Comme à LyonDellBasell.

Quid des questions de sécurité ?
C’est un droit républicain. Et une valeur de gauche !

Comment y répondre ? Avec des lois ? Des caméras alors que leur utilité reste à prouver ?
Sarkozy a multiplié les lois et supprimé 15 000 postes dans la police. On voit le résultat. Quant aux caméras, c’est cher, ça remplace les hommes et c’est inefficace dans les lieux publics. Certes, ça rassure. Mais ce qu’il faut, avant tout, c’est une police de proximité.

Face au « tous pourris », faut-il une rénovation ? Et est-ce possible quand on est parachuté ?
Dans les Pyrénées, j’étais parachuté. Là, je reviens chez moi. Je suis né à Marseille et j’ai passé la moitié de ma vie à Velaux. Ca fait longtemps que j’avais envie de revenir pour faire de la politique. Mais je ne fais pas partie du système politique local. Un avantage, semble-t-il. D’autant qu’un autre élément qui nourrit le vote FN, c’est le sentiment que les élus se comportent mal. Il faut donc s’attaquer à la corruption.

Souhaitez-vous une opération main propre ?
La corruption, je la condamne, évidemment. Mais c’est l’affaire du juge.

Pensez-vous que Jean-Noël Guérini devrait céder sa place à la tête du Conseil général ?
Je pense qu’il a énormément de mal à gouverner sereinement. Mais je ne suis pas juge.

Certains réclament clairement son départ. Est-ce votre position ?
Oui. Mais si l’on se pose ces questions, c’est parce que la justice met trop de temps à trancher. S’il lui arrive de se tromper, il faut qu’elle agisse vite. Qu’elle soit impitoyable. Un élu condamné ne doit plus jamais pouvoir exercer un seul mandat. Après, il y a ce qui relève de l’éthique, de la morale. Cela passe par un changement de méthode. Et donc d’hommes. Même si je ne pense pas qu’ils soient « tous pourris ». Michel Tonon, le maire PS de Salon, par exemple, n’aurait jamais dû être mis en examen. Et il a été blanchi.

D’après des écoutes, Rémy Bargès, le directeur de cabinet de Guérini, vous aurait dit que ce dernier était hostile à votre arrivée. Qu’en est-il ?
Il faut lui demander.

Quid de la divulgation de ces écoutes dans la presse ?
Vu la situation, je comprends les juges et les journalistes. Mais je conçois que Guérini pense qu’il y a un souci.

Incarnez-vous un renouveau ?
Tout en souhaitant contribuer au renouvellement des pratiques politiques, je reste modeste. De fait, je n’étais pas candidat aux législatives. Mais, du fait de ces affaires, il y a eu, ici, un gel des circonscriptions et, rue de Solférino, Martine Aubry, Manuel Valls et Vincent Peillon sont venus me chercher.

Vu la circonscription, vous n’avez pas l’impression d’être sacrifié ?
A droite depuis 1965, je savais qu’elle était extraordinairement difficile. Mais si j’ai souhaité revenir ici, c’est d’abord et avant tout pour me réimplanter sur un territoire où se trouve ma famille.

Michel Tonon aussi aurait été légitime…
Maire de la plus grande ville des Bouches-du-Rhône gérée par le PS, Tonon avait la légitimité électorale. Le maire de Velaux, Jean-Pierre Maggi, vice-président du conseil général, ex-proche de Guérini, avait la légitimité politique. Et Gérard Frisoni, avec ses 600 cartes, avait la légitimité militante. Moi, j’avais la mienne. Et c’est celle-là qui a prévalu.

Tonon et Frisoni ont renoncé à se présenter. Feront-ils le service minimum ?
J’espère qu’ils feront plus ! Je comprends qu’ils ne soient pas contents. Mais on va avoir besoin de tout le monde. Car si la gauche n’est pas unie, ce sera l’UMP ou le FN. Si l’on est uni, il y aura peut-être un match.

Qui sera votre suppléant ?
J’ai trois choix. Un choix territorial c’est-à-dire quelqu’un de Salon : Michel Tonon ou, s’il ne veut pas, son adjointe, Françoise Floupin. Un choix politique : Terra Nova étant une fondation sociale et écologiste, dans l’idéal, j’aurais pris un suppléant vert. Mais, dans le contexte local, sans le soutien de Jean-Pierre Maggi, je serais reparti avec le goudron et les plumes. Je n’ai pas encore tranché. Je le ferais d’ici le second tour.