"Faut-il remplacer les élus par des bornes vocales ?"

septembre 2010 | PAR Michel Gairaud, Rafi Hamal
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Entretien en partenariat avec Radio Grenouille
Robert Alfonsi, conseiller municipal PS de Toulon, invité de la Grande Tchatche

Si la réforme des retraites est adoptée et si le PS gagne les présidentielles en 2012, que fera-t-il ?
Le PS affirme clairement que nous reviendrons à la retraite à 60 ans si nous sommes élus. C’est un engagement très fort.

Sauf que Dominique Strauss-Khan, aujourd’hui silencieux, a fait des déclarations différentes…
Celui qui ne sera pas fidèle à l’engagement de revenir à la retraite à 60 ans, aura du mal à être le candidat du PS. Je respecte Dominique Strauss-Khan mais il ne correspond pas aujourd’hui à l’état d’esprit de la gauche, à la radicalité qui se fait jour dans le pays autour de la lutte contre les injustices sociales. Et président du FMI, ce n’est pas neutre. Il y a eu des décisions lourdes pour les peuples grec et roumain…

Nicolas Sarkozy a lancé une grande offensive sécuritaire. Le PS va-t-il se laisser une fois de plus piéger ?
Le PS gouverne la plupart des régions, des départements, des grandes villes de France – sauf dans le sud ! – et s’y préoccupe de sécurité, de façon crédible, efficace, sans démagogie. Les maires socialistes ne crient pas tout le temps en essayant de faire peur à leurs concitoyens. Sarkozy selon le proverbe Chtimi, c’est « grand diseu, petit faiseu ». Il parle beaucoup de sécurité et agit peu ou alors mal en désignant des populations à la vindicte sans régler les problèmes.

Et lorsque Ségolène Royal ressort son idée d’utiliser l’armée pour pacifier les quartiers, n’est-ce pas de la démagogie ?
Le PS n’a pas repris cette proposition. Mais débattons-en plutôt que de la caricaturer. Une partie de la jeunesse a besoin d’apprendre un minimum de règles… Pourquoi le ministère de la Défense n’autoriserait-il pas la région Poitou-Charentes à expérimenter des formes d’encadrement militaire ?

Avec la réforme de la fiscalité locale, la disparition annoncée de la Région sous sa forme actuelle, le troisième mandat de Michel Vauzelle ne sera-t-il pas celui de l’impuissance ?
De 2010 à 2012, ce sera une période de résistance. Tout en espérant une alternance aux présidentielles, nous allons mettre en place notre projet malgré les difficultés budgétaires, la fin de l’autonomie fiscale, la baisse de dotation globale de l’État, la menace de la réforme des collectivités territoriales. Nous voulons être un amortisseur de la crise.

La Région n’est-elle pas déjà réduite à appliquer les politiques déconcentrées de l’État ?
On a de plus en plus d’obligations mais nous tenons à nos politiques volontaristes. Nous ne sommes pas obligés de faire du logement, des politiques de solidarité active, de nous préoccuper de la santé des jeunes, d’aider la culture. Nous le ferons quand même !

Michel Vauzelle convoqué par un juge dans l’affaire dite des subventions fictives, cela démarre mal, non ?
Il a été entendu par le juge et il n’y a pas eu de conséquences en ce qui le concerne. C’est Michel Vauzelle qui a porté plainte le premier, en 2007. La Région a été escroquée par un nombre, minime, d’associations : 7 sur 80 000. Il y a eu un dérapage, le juge va dire où et les éventuels responsables seront punis.

Sylvie Andrieux, ancienne vice-présidente PS de la Région, mise en examen, s’est défendue en renvoyant la responsabilité vers un « pouvoir présidentiel concentré » exercé par Michel Vauzelle…
Les vice-présidents de la Région sont les patrons dans leurs délégations. Ils n’ont pas délégation de signature mais ils sont décisionnaires. Les arbitrages se font collectivement mais le poids du vice-président est primordial. Il a, la plupart du temps, le dernier mot.

Michel Vauzelle s’est fait piéger par naïveté ?
Non. Michel Vauzelle fait confiance à ses élus, j’en témoigne. Il laisse travailler. Ce n’est pas un dirigiste, c’est un homme qui donne une ligne politique.

Les dossiers « signalés », les demandes de subvention appuyées par les élus, cela n’existe pas ?
Je ne fais que ça ! Faut-il remplacer les élus par des fonctionnaires et des bornes vocales ? On économiserait ainsi quelques indemnités mais il n’y aurait plus de démocratie de proximité ! J’avais ce matin dans mon bureau le président d’un grand club d’échecs pour réclamer des subventions. Il me présente un bon dossier, je le soutiendrai. Et je l’assume !

Où situez-vous alors la frontière qui fait basculer vers le clientélisme ?
La frontière consiste à connaître le sérieux des associations, de leurs dossiers, de leurs dirigeants et lorsque les services disent qu’il ne faut pas y aller, on n’y va pas.

Vos alliés communistes et verts réclament plus de rigueur. Prônez-vous le statu quo ?
Non ! Nous avons créé en 2006 une inspection générale des services. Nous venons de recruter une magistrate pour le diriger. Nous prônons auprès de nos fonctionnaires une sécurisation maximum. En tant qu’élus, nous sommes vigilants pour deux. Dans la pression de l’activité politique quotidienne, nous sommes assaillis de demandes – emploi, logement, subventions. Il faut faire le tri. Mais il faut également savoir bousculer les services, si nous estimons que c’est nécessaire. En soutenant par exemple dans une petite commune rurale, la subvention pour un club de foot…

Parlons de Toulon. Comment expliquer que Hubert Falco soit le maire UMP d’une grande ville le mieux réélu de France ?
Toulon est une ville ancrée à droite depuis bien longtemps ! Mais avez-vous remarqué que les villes pauvres, particulièrement dans le sud de la France, votent à droite ? La gauche s’est enracinée dans les couches moyennes, intellectuelles, suburbaines, chez les gens installés, avec un emploi, un avenir. Les plus défavorisés ne votent souvent pas. Lorsqu’on s’occupe de sa survie au quotidien, les discours politiques construits, rationnels, n’ont plus de prise. Le maire de Toulon, président de l’agglo et, de fait, le Conseil général, a en main la puissance économique, maîtrise la manne du logement social, de l’emploi public. Mieux vaut ne pas trop alors se faire remarquer, être du bon côté du manche ! Certains nous soutiennent ouvertement aux régionales et, aux municipales, n’osent même pas nous dire bonjour dans la rue.

Vous décrivez une ville sous contrôle !
Hubert Falco est un paternaliste autoritaire. Il n’aime pas qu’on lui résiste. Si vous présidez une association et que vous signez une pétition le mettant en cause, cela peut avoir des conséquences. Quitte à choquer, je peux dire que c’était plus facile de résister au Front national lorsqu’il dirigeait Toulon. Car on obtenait alors l’aide du Département, de la Région et parfois de l’Europe…

Un Front national de retour en force dans les urnes… C’est une menace ?
Contrairement aux années 80, il n’a plus d’appareil. Je ne crois pas qu’il puisse gagner la ville ou un canton. Mais le vote FN pèse sur l’ambiance. A la limite, arriver à faire 20 % sans militants c’est plus dangereux. Cela veut dire que les idées sont là, enracinées. Je connais beaucoup de gens qui ne vont plus faire leurs course Cours Lafayette car il y aurait trop de vendeurs d’origine maghrébine. On ose le dire de manière publique à Toulon. Ce n’était pas encore le cas il y a quelques mois…