Faire alliance

décembre 2019 | PAR Jean-François Poupelin
Travailler en réseau, en partenariat… L’injonction des financeurs publics peut avoir un intérêt plus réjouissant qu’une simple mutualisation des crédits. Dans les quartiers populaires, faire alliance, comme le promeut la Fondation Abbé Pierre, favorise les solidarités, le partage des bonnes pratiques. Et permet de mieux faire entendre la parole des habitants.

Ça n’a pas manqué. Dès que l’on a mis le mot « réseau » sur la table de réunion du centre social des Flamants-Iris, une cité des quartiers Nord de Marseille, les participantes au projet de journalisme participatif initié par le Ravi ont répondu sans hésiter « plan drogue ». Avec d’autant plus de facilité que certaines subissent au quotidien celui installé au pied de leur immeuble.

Mais progressivement, d’autres angles sont apparus : les réseaux sociaux, puis les réseaux familiaux, amicaux, professionnels, d’intérêts, d’entraide, culturels… Finalement, s’est aussi posée la question de ceux qui pourraient (leur) manquer. Un sujet s’est immédiatement imposé : le réseau qui fait très souvent défaut aux ados du quartier et à leurs parents pour trouver un stage de troisième qui les sortent de leur environnement. Avec la complicité de Thierry Dargent, du site d’infos Marseille Plein Nord, il a alors été facile de tirer le fil des réseaux qu’elles ont souhaité mettre en avant (accès à la culture, accompagnement d’un cancer du sein) ou qu’elles aimeraient voir exister pour servir au mieux les quartiers populaires (mobilité, scolaire).

Du côté de la Fondation Abbé Pierre (Fap), l’objectif n’est pas si éloigné. Si elle catalyse déjà beaucoup d’énergies et travaille largement en réseau sur les questions de mal-logement ou de l’urgence sociale, avec des structures institutionnelles comme avec des collectifs militants, la Fap incite aussi les acteurs qu’elle accompagne à aller plus loin que les très classiques partenariats. Responsable du secteur « promotion des habitants », Malika Chafi pousse même aux alliances, à l’union. « On partage des objectifs, des méthodes, des valeurs, il faut aller plus loin que le travail en réseau, précise-t-elle. Face à l’urgence, il est toujours intéressant de partager pour voir ce qui marche et ce qui marche moins. » Et d’insister : « C’est aussi le moyen de peser, ce que personne ne peut faire seul. »

Au-delà des rencontres, du travail et des mises en commun, l’impulsion nationale, rendue possible par la Fap, permet de conforter et d’amplifier les initiatives locales. A Toulouse, c’est le Tactikollectif, une association issue de l’aventure du groupe Zebda, qui catalyse et impulse. « On s’appuie sur notre expérience, notre poids et notre notoriété pour essayer de lever les doutes que les gens ont sur leur légitimité, à cause de l’autocensure et de l’institutionnalisation des rapports », explique Salah Amokrane, son coordinateur général. Grâce à leur entremise, Izzars Attitude, une association portée par des mères de cette cité des quartiers Nord de Toulouse, est devenue un interlocuteur incontournable pour les institutions.

Car l’objectif, pour la fondation comme pour les acteurs qu’elle soutient, reste d’armer et de développer la capacité d’agir des habitants en général et de ceux des quartiers populaires en particulier, en multipliant les outils, les usages, les savoir-faire à mettre à leur disposition. Et répondre enfin à cette question que pose depuis de longues années Mohamed Mechmache, président de l’association AC le Feu (Clichy-sous-Bois) et de la coordination Pas sans nous des quartiers populaires : « Comment faire pour que l’apport des habitants des quartiers soit pris en compte au niveau politique ? »

 

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