Corrida familiale

avril 2020 | PAR Michel Gairaud

Y a de quoi relativiser une pandémie mondiale de Covid-19 ! Juin 2005, Morvandiau apprend que sa mère est malade, atteinte d’une démence précoce. Et en septembre, son fils Émile, naît prématurément. Il est trisomique : « À quelques mois d’intervalles, il me fallait faire le deuil de la mère que j’avais connu et celui de l’enfant que j’avais attendu. » Morvandiau, l’un des auteurs qui compte dans la BD indépendante, livre un album autobiographique intense. La maladie, la folie, la mort : malgré la gravité des sujets abordés, il retrace avec pudeur, qui fait souvent défaut à l’autofiction, un véritable séisme affectif et déploie, sans ostentation, une ode sensible à la différence. Partant du plus intime, Morvandiau n’oublie pas le monde qui l’entoure et les enjeux politiques. Surtout il déploie, en noir et blanc, une grande inventivité formelle, mêlant approche documentaire, extraits de films ou de chansons, petites séquences pédagogiques ou satiriques. Sans oublier d’offrir de nombreuses échappées humoristiques. Comme quelques scènes irrésistibles avec sa mère, mettant les deux pieds dans le plat  des conventions sociales. Lors d’une galerie de portraits acides de gens réagissant à « l’anomalie » de son fils. Ou avec une séquence cartoonesque croquée… dans un Ehpad !

Le taureau par les cornes, par Morvandiau, éditions L’Association, 152 pages, 19 euros.