Le village sadisé

août 2020 | PAR Michel Gairaud

Que faire lorsque c’est un lieu qu’on assassine ? Cyril Montana avait un peu perdu de vue Lacoste, dans le Luberon, où enfant puis adolescent, il a goûté l’effervescence de ce singulier village, dominé par le château de Sade, adulé par les surréalistes, fêté par de nombreux artistes, hippies et poètes. Dans les années 2000, Pierre Cardin rachète les ruines de la demeure du marquis. Mais le couturier milliardaire collectionne ensuite les maisons comme des timbres-poste : une quarantaine au total, 50 hectares de terre, le café, l’épicerie, la boulangerie. Surtout il rénove pour… ne plus rien en faire, excluant de louer ou de mettre en gérance. Résultat : un village fantôme, déserté, vitrifié. Désormais parisien, lessivé après des années « fric » dans la communication, une faillite, un divorce, Cyril Montana prend conscience du hold-up qui a eu lieu à Lacoste et se lance dans une quête don-quichottesque pour tenter de ramener Cardin à la raison. Le film – où il campe son propre rôle, celui d’un anti-héros faussement naïf, apprenti activiste, aussi rêveur que têtu – prend des allures de road-movie irrésistible. Et, mine de rien, parle avec profondeur du pouvoir destructeur de l’argent et, avec sensibilité, aussi bien de filiation que de la précieuse nécessité de faire vivre des utopies.

Cyril contre Goliath, film de Thomas Bornot et Cyril Montana, durée 1h26, sortie en salle le 9 septembre. Avec le parrainage du Ravi et de radio Zinzine.