D'une peste l'autre

novembre 2020 | PAR Michel Gairaud

Trois siècles avant le grand confinement du printemps dernier, une autre épidémie s’était abattue sur Marseille, autrement plus meurtrière, décimant 100 000 personnes en Provence, dont 40 000 dans la cité phocéenne, près de la moitié de la population : la peste de 1720. Les éditions Parenthèses ont l’heureuse idée de rééditer Le théâtre et la peste, conférence prononcée en avril 1933 par Antonin Artaud, puis publiée dans son fameux essai Le théâtre et son double. Le poète, performer avant l’heure, y lance avec sa rage inimitable des formules toujours évocatrices en 2020 : « sous l’action du fléau, les cadres de la société se liquéfient. L’ordre tombe« , « cet incendie spontané que la peste allume où elle passe, on sent très bien qu’il n’est pas autre chose qu’une immense liquidation« . Et le dramaturge de promouvoir « l’action du théâtre qui fait tomber le masque » ! Le livre, opportunément illustré des peintures de Michel Serres avec un Vieux Port et un cours Belsunce jonchés de cadavres, préfacé par Michéa Jacobi, se termine par des lettres d’Artaud postées depuis l’asile de fous à Rodez où il a été interné. Comme le chantait, admiratif, Gainsbarre : « Çui là, pour l’égaler, faut se lever tôt / J’veux parler d’Antonin Artaud / Ouais le génie, ça démarre tôt / Mais y a des fois, ça rend marteau« .

Le théâtre et la peste, par Antonin Artaud, suivi de Lettres de Rodez, préface de Michéa Jacobi, éditions Parenthèses, 80 pages, 12 euros.