Indépendance

juillet 2021 | PAR Frédéric Legrand
Avec l'explosion des rappeurs comme Jul, le rap sudiste est entré dans une nouvelle génération. Avec toujours plus de succès. Et moins de conscience ?

Un trio de costauds cagoulés s’assoit derrière une table drapée de noir. En 1999, auréolés du succès commercial et critique de L’école du micro d’argent, les rappeurs d’IAM reprennent, sur la scène des Victoires de la musique, les codes des nationalistes corses et de leurs conférences de presse. Pour annoncer une révolution économique et culturelle : désormais, le groupe va utiliser ses royalties pour produire la deuxième génération de rappeurs. En toute indépendance, sans passer par les majors du disque. Né dans les années 1980 entre Marseille et Paris, le rap français prend son destin en main. Vingt ans après, alors qu’un simple ordinateur et un téléphone portable suffisent à enregistrer un titre puis à le faire connaître, le rap, métissé par essence, a presque totalement brisé sa dépendance aux blancs en col blanc.

Mais cette indépendance, que sert-elle ? Dans le public, d’une génération à l’autre, certains (dont une partie de la team Ravi) font la moue : le rap ne s’est-il pas assagi en chemin ? N’a-t-il pas délaissé sa fonction de haut-parleur social ? Ne cède-t-il pas à la provoc’ facile et donc inoffensive ? Le débat est aussi vieux que la musique. Dans un monde de plus en individualiste, encore trop peu féministe, en quoi un genre culturel peut-il être une avant-garde homogène et exemplaire ? Même si la nouvelle génération des Jul ou Soso Maness n’essaie pas à chaque titre de faire bouger la société, elle reste impliquée dans son quartier, et dans l’éclosion de la prochaine génération de rappeurs sudistes. Moins flamboyants que leurs aînés ? Tout aussi concrets.