Actes Sud se débarrasse de la librairie du Mucem

Souvenez-vous ! Avant l’inénarrable Roselyne Bachelot, il y avait eu, en guise de ministre de la Culture, Françoise Nyssen, la très macro-compatible patronne arlésienne des éditions Actes Sud. Des travaux d’agrandissement réalisés sans autorisation dans ses locaux parisiens avaient, entre autres, contribué à son départ de la rue de Valois. Suite a une remise en l’état, l’enquête vient d’être classée sans suite.

Mais c’est à la rubrique « social » que le groupe qu’elle dirige se distingue aujourd’hui. La rumeur commençait à enfler et des échos pas très rassurants venaient régulièrement du côté de la librairie du Mucem, située au rez-de-chaussée du musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée à Marseille. Qui a eu, ces derniers mois, à pâtir de multiples fermetures en raison des restrictions sanitaires. En interne, en atteste les tracts et courriers syndicaux, les salariés disaient leur inquiétude et leur mal-être.

Le couperet est tombé mi-décembre. Au motif qu’elle est déficitaire (même si, selon ses salariés, elle ne perd que 30 000 euros par an), Actes Sud a décidé de se débarrasser de la librairie du Mucem. Avec, pour repreneur potentiel Arteum, un groupe spécialisé dans la gestion des « librairies-boutiques » adossés à des musées. D’après les informations délivrées aux salariés, l’ensemble de ces derniers – une demi-douzaine – devrait être conservé par le nouveau propriétaire. Même si, depuis plusieurs mois, ils ont dû faire face, entre autres, au « départ non remplacé de la responsable de la librairie » comme à la « démission de la personne chargée de la réception », celle-ci n’ayant pu, à en croire les tracts du syndicat Sud-Culture, profiter de son préavis pour transmettre son savoir-faire et ses compétences…

Pourtant fin novembre, Damien Bouticourt, le directeur de la librairie du Mucem et, surtout, de Maupetit, dont Actes Sud est également propriétaire à Marseille, se montrait rassurant. Dans un article tout à sa gloire publié dans La Marseillaise (le 28/ 11/ 2020), cet ancien de Cultura, la branche « culturelle » de Leclerc (la grande distribution, pas le général…), confiait  que la librairie du Mucem « provoque des tensions dans la trésorerie » de Maupetit. Mais Damien Bouticourt qui s’est déjà illustré avec la suppression de la papeterie Maupetit au milieu de la Canebière, d’assurer alors que « la librairie du Mucem se maintiendra ».

Sauf que le mot d’ordre, au sein d’Actes Sud, semble être de ne pas  tolérer à Marseille de branches déficitaires. Qui selon Sud-Culture existent pourtant ailleurs au sein du groupe. Dans la capitale régionale, la priorité est donc de sauver le « soldat » Maupetit. Voilà pourquoi les salariés de la librairie du Mucem, juste après avoir appris qu’ils allaient être repris par un autre groupe, ont été réquisitionnés pour renforcer les équipes de Maupetit lors de son « marché de Noël » ! Sud-Culture vient de déposer un préavis de grève pour couvrir les salariés qui ne souhaiteraient pas être ainsi enrôlés. Même si c’est de saison, ils semblent ne pas apprécier être les dindons d’une farce des plus amères.

1. Mise à jour 14 heures le 15 décembre. Damien Bouticourt nous a fait parvenir par mail la réponse suivante : « Pour le moment la Librairie du Mucem est fermée et ce jusqu’en janvier. La période écoulée impose que des solutions de maintien de cette activité soient trouvées. Parallèlement, tout est fait au sein de Maupetit pour l’écoute des salariés et la prise en compte de leurs inquiétudes. »

2. Quant à Jean-François Chougnet, responsable du Mucem, il nous apporte la précision suivante, ce 16 décembre : « l’EURL “librairie Maupetit- Actes Sud” est titulaire d’une autorisation d’occupation temporaire relative aux espaces de librairie-boutique du Mucem signée en mars 2013 et qui court jusqu’en juin 2023. Cette convention prévoit classiquement que d’éventuelles modifications de statut et d’actionnariat doivent être notifiées préalablement et acceptées.  A ce jour, nous ne sommes saisis d’aucune demande de la part de l’EURL “librairie Maupetit- Actes Sud” »