Retrouvailles nationales à Marseille

mai 2022 | PAR Kelthoum, Samantha Rouchard, Tawba
En février, les jeunes participants du programme J2R sont venus de la France entière à Marseille pour échanger, autour de leurs projets et de leurs chantiers solidaires, passés, en cours, ou à venir. Après deux ans de crise sanitaire, ils tentent de rester motivés...

Haut lieu de la scène rap marseillaise depuis vingt-cinq ans, ce jeudi 10 février, la salle de concert l’Affranchi (Marseille 11ème) accueille les jeunes de J2R pour un tout autre programme. Ils viennent de région parisienne, des Hauts-de-France ou encore d’Occitanie et se retrouvent dans l’une des villes qui a été pilote du projet, Marseille, pour se rencontrer et partager leurs expériences. Sur la scène, le plateau télé s’installe, drivé par Kaina TV, de Montpellier, qui diffuse en live la soirée sur les réseaux sociaux. A la présentation, Jérémie Morfoisse, directeur opérationnel Éducation à la citoyenneté et à la solidarité internationale et qui coordonne le programme Jeunes des deux rives pour Solidarité Laïque. Chaque groupe est invité à monter sur scène pour présenter sa structure et  son projet . « Vous pouvez aussi parler de votre déception à cause des reports parce que ça fait partie des galères. Mais vous êtes toutes et tous encore là, donc il y a quand même beaucoup à dire sur ce que vous avez vécu ces deux dernières années ou ce que vous allez vivre les prochains mois », indique Jérémie Morfoisse accompagné d’un jeune animateur de Kaina TV.

Lutter contre les discriminations

Les Marseillais sont bien sûr venus en force, ils monteront aussi sur scène pour exposer leurs projets en cours, mais ils sont surtout là pour écouter ceux de leurs confrères et consœurs du reste de l’hexagone. Les parisiens d’Arc-Équipes d’Amitiés essuient les plâtres. Leur chantier solidaire à eu lieu à Tafingoult, au Maroc, il y a deux mois, autour de l’égalité filles-garçons dans le sport en partenariat avec le Forum de la jeunesse rurale. Les jeunes ont réhabilité un terrain sur lequel il n’y avait que du foot, en y ajoutant un terrain de basket et de volleyball. « Au Maroc, les filles ne font pas beaucoup de sport, car c’est très mal vu. Avec notre projet, on a voulu leur montrer que le sport est accessible à toutes et tous. L’idée c’était de réunir filles et garçons sur un même terrain », souligne Django, 20 ans.

L’association Anras Solidarités originaire du Sud-Ouest a vu ses deux projets reportés, pour l’instant un seul a pu se faire. Ça fait huit ans que l’association participe à des chantiers solidaires, dont un à Sidi Boubker, au Maroc, autour de la mobilité des femmes. « On a travaillé avec les jeunes de l’atelier mécanique sur des vélos que l’on avait apportés. Ça a permis à des mamans de retrouver du travail », explique Paul Neveling, éducateur de l’atelier remobilisation au Pôle social et éducatif Olympe de Gouges de Castelnaudary. Un des jeunes raconte son expérience à Taliouine autour d’un projet multiculturel qui a permis l’extension d’une bibliothèque. « On s’est rendu compte que selon les pays on n’a pas le même accès à la culture, qu’il y a beaucoup de misère sociale et c’est d’autant plus important d’apporter notre aide à ces gens-là », souligne le participant. L’éducateur explique que pendant ces séjours, ils travaillent « le lien » sur les chantiers et qu’après leur départ, ce lien perdure et devient même plus fort avec les partenaires locaux.

«Ce genre de projets nous mélange»

L’association Espoir 18, originaire de la Goutte d’Or à Paris, vient de rejoindre le projet J2R mais a déjà mené un projet au Mali. Les jeunes sont venus en nombre pour en parler. Après avoir sondé les besoins des habitants du village de Soueina, ils ont installé des panneaux solaires, d’abord une dizaine puis une quinzaine, destinés à éclairer le village. « Est-ce que c’est une fierté pour vous ? », interroge Samy de Kaina TV. « Une énorme fierté car on a pu voir l’évolution au fil du temps. La lumière permet aux enfants de jouer même après la tombée de la nuit, de réviser leurs devoirs aussi. Et ça protège le bétail des vols, ça permet aux commerces de rester ouverts », explique Aïcha. « Ce genre de projets nous mélange, c’est bien », souligne Yssouf. Hawa, elle, représente l’association parisienne Esprit d’Ebene.  Leur projet théâtre et street dance à Agadir, autour des violences policières, est reporté depuis deux ans. « Mais les jeunes sont toujours prêts à partir. Et moi, bénévole, ça me booste. Quoi qu’il arrive, je ne lâcherai pas l’affaire ! », assure la jeune femme. Le club Espoir de Gentilly, dans le Val-de-Marne est l’un des derniers groupes qui a pu partir à Youssoufia au Maroc avant que les frontières ne ferment. Les cinq jeunes participants ont monté une pièce de théâtre autour de la discrimination scolaire, sociale et familiale. « On s’est aperçu que la discrimination en France et au Maroc était la même », explique Ajna.

J2R accompagne près d’une vingtaine d’associations de jeunes notamment sur l’autre rive. Actuellement la Tunisie est fermée aux chantiers et, crise sanitaire oblige, la mobilité depuis et vers le Maroc est compliquée. Hamza est le seul jeune venu de l’autre rive. Originaire du Maroc, il est actuellement en service volontaire à La ligue de l’enseignement des Bouches-du-Rhône. Il travaillait jusque-là au centre cinématographique de Tiznit, où le projet J2R a déjà réalisé plusieurs chantiers qui ont permis à ce lieu de devenir un centre culturel incontournable au Maroc. Et Hamza de conclure : « C’est un travail qui a beaucoup de valeur pour les jeunes de Tiznit comme moi, car ça a permis de créer au fil des années un espace de rencontre et d’apprentissage garantissant de bonnes conditions de travail. Ça a eu un impact considérable. »

« On a tous un pouvoir d’agir »

L’atelier remobilisation du Pôle social éducatif et professionnel Olympe de Gouges à Castelnaudary, rattaché à l’association Anras Solidarités, évalue et oriente des jeunes déscolarisés sans projet professionnel. L’atelier permet de leur redonner confiance en eux et de créer du lien. Le Peps est engagé dans plusieurs chantiers au Maroc. Kelthoum et Tawba ont interrogé les jeunes participants.  

Qu’est-ce qui vous tient à cœur dans le projet J2R ?

« Pour l’instant, je n’ai pas encore participé au projet mais j’aimerais faire le prochain. J’aime aider les gens. Et j’ai envie de partir pour aider les gens. » Youssef, 14 ans 

« Moi, ça fait deux ans que je suis dans le projet. Il a été reporté à cause des conditions sanitaires et j’ai finalement réussi à partir en juillet 2021. Notre chantier était à Taliouine, à côté d’Agadir, notre mission était de construire un centre culturel pour les jeunes du village. Ce qui me tient à cœur c’est de pouvoir montrer que malgré les inégalités dans le monde, on a tous un pouvoir d’agir, d’où qu’on vienne. Moi, je suis né à Toulouse, dans une cité, puis j’ai été placé en foyer. Ce sont les aléas de la vie. Mais même à mon niveau, j’ai pu agir. C’est important de ne pas rester à la place donnée. On a tous le pouvoir de changer quelque chose. Ce projet m’a permis de me sociabiliser ici et au Maroc. La barrière de la langue, tu peux la briser facilement. » Noam, 17 ans

« J’espère participer au prochain projet. C’est important pour moi de venir en aide aux gens. Ici on se plaint mais on a tout. Alors que dans d’autres pays, ils n’ont rien. » Dylan, 17 ans 

« Moi aussi je veux aider les gens. On a tous connu des difficultés. Et on est tous capables d’aider les autres à les surmonter. » Lorie, 16 ans