Le cadeau d'adieu de Gaudin fait un détour par le tribunal

janvier 2020 | PAR Jean-François Poupelin
Des parents d'élèves des écoles publiques de Marseille viennent de déposer un recours contre la dernière augmentation de la subvention communales aux écoles privées de la ville votée au conseil municipal du 25 novembre dernier.

S’il est de tradition de faire un cadeau aux enseignants qui partent à la retraite, pas sûr que celui concocté par des parents d’élèves des écoles publiques de Marseille fasse plaisir à l’ancien prof d’histoire-géo Jean-Claude Gaudin. Une poignée d’entre-eux a en effet décidé de contester devant le tribunal administratif l’augmentation du forfait communal versé aux quelques 13 600 élèves des 56 écoles privées de Marseille (très majoritairement catholiques) que le futur ex-maire de Marseille a faite voter en fin du dernier conseil municipal, le 25 novembre dernier.

Révélée par le Ravi, la délibération prévoit de faire bondir la subvention par élève de 880,96 euros à 1092 euros  (25 en plus pour les écoles REP, le réseau d’éducation prioritaire) d’ici 2022. Soit un coup de pouce de 211 euros ou de 25 % sur la période, après une progression de 11 % entre 2014 et 2018, et une charge, à terme, de 2,9 millions d’euros pour les finances de la communes dans trois ans, en 2022. Un cadeau justifiée par la ville par la scolarisation obligatoire à partir de trois ans mise en place par le gouvernement à la dernière rentrée. Puis par le devoir de financer « une Atsem par classe », comme l’a expliqué un proche de Jean-Claude Gaudin lors de ses vœux à la presse, lorsqu’on lui rappelle que la ville verse déjà depuis de nombreuses années une subvention pour les enfants des maternelles des écoles privés (1).

Cadeau empoisonné

Mais un cadeau qui passe mal chez les parents d’élèves marseillais. D’abord, parce qu’avec les agents de la ville, ils se battent depuis presque aussi longtemps pour que les écoles publiques de Marseille aient ce privilège. Ensuite, parce parce qu’elles manquent non seulement de moyens humains mais aussi de moyens financiers et matériels, comme l’a déjà raconté le Ravi (2). Enfin, nombre d’entre-elles sont dans un état déplorable. Des situations que la ville va encore tenter de cacher sous les résultats (provisoires) de l’audit qu’elle a lancé à la rentrée sur l’ensemble des écoles de la ville. Le document, que le Ravi a pu consulter, sera présenté ce lundi lors du tout dernier conseil municipal de Jean-Claude Gaudin et, entre-autres curiosités, il juge l’état des écoles publiques marseillaises globalement satisfaisant. Le classement présenté selon la typologie du bâtit (GEEP, Ferry…) a l’avantage d’éviter les nombreux cas particuliers et inquiétants pointés par tous les autres précédents diagnostics.

Ce cadeau au privé de « 2,9 millions d’euros, c’est presque le budget annuel d’entretien des écoles de la ville », peste Arnaud, un des requérant et membre du CeM, un collectif qui regroupe des usagers des écoles publiques de la ville (parents, instits). Déjà engagé lors du recours contre le PPP des écoles, un projet de démolition-reconstruction de 34 écoles en partenariat public-privé définitivement enterré par la justice fin décembre parce que trop coûteux, il dénonce un tour de bonneteau de la ville :« Son argument ne tient pas la route puisqu’elle subventionne les élèves des maternelles du privé depuis au moins 1999. » Et de poursuivre : « Si nous ne contestons pas maintenant cette décision, elle engagera le prochain maire car l’Ogec [Organisme de gestion de l’Enseignement catholique] va désormais l’acter et ne se privera pas de faire un recours si l’augmentation n’est pas appliquée. »

Derniers arguments : le manque d’information des conseillers municipaux et l’opacité du calcul du forfait communal. « Les élus n’ont pas eu les moyens d’apprécier la pertinence de l’augmentation du forfait communal puisqu’ils n’ont reçu aucun document l’explicitant, le mode de calcul du forfait communal n’ayant jamais été rendu public, rappelle Arnaud. Autre problème, il n’y a pas de distingo entre ce qui est versé pour les élémentaires et pour les maternelles, alors que les frais ne sont pas les mêmes. » Et c’est bien connu : quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup.

1. Contactée, la ville n’a pas été en mesure de répondre à nos questions dans le temps imparti à la publication de cet article.

2. Entre 2014 et 2018, le budget fonctionnement des écoles publiques de la ville hors subvention au privé a progressé de 2,29 %, soit moins que l’inflation de la période.