L'OM à l'école du hors-jeu

novembre 2019 | PAR Soizic Pineau
Je gagnes, tu gagnes... Mais, quand l'OM fondation sponsorise à Marseille un manuel scolaire, tout le monde est perdant. Droit au but ?
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Cette rentrée, d’étranges livrets turquoise ont fleuri sur les pupitres des écoliers marseillais. Offerts par l’OM Fondation à tous les élèves de CM1 des établissements publics de la ville, « ce cahier va ‘Droit au but’ pour aider les enfants à se focaliser sur l’essentiel et les connaissances fondamentales », clame la fondation sur son site. Entre deux « conseils du coach », place aux calculs sur la « taille » du Vélodrome, l’aire de sa « pelouse », ou le « nombre de place de parking » du stade… En conjugaison, outre « être » et « avoir », les minots se voient intimer l’ordre d’apprendre par cœur « gagner » et « réussir ». On vous épargne les dictées.

Grimace d’une instit’ du centre-ville : « Si l’OM veut investir pour le bien-être des élèves, autant venir en aide directement aux écoles. Avec mes collègues, on est obligé de se partager un seul rétro-projecteur ! » De fait, ce n’est pas la première fois que cette fondation crée la polémique. Rappelons, en avril dernier, le bras de fer avec Pamela Anderson regrettant lors d’un gala de la fondation OM pour les enfants marseillais en difficultés à propos que 100 000 euros soient récoltées en faveur de Notre-Dame (de Paris). Et d’aucuns ont tiqué en voyant cet été la fondation solliciter le monde associatif pour des « animations culturelles » sur le « parvis » du stade pour des « prestations à titre gracieux » en contrepartie d’un peu de « visibilité » et d’ « invitations » pour les matchs.

Coup de com’

L’opération de grande ampleur pour les écoliers rappelle celle mise en place en début d’année par le club de foot de Metz, qui offre à chaque nouveau-né de Moselle une peluche de sa mascotte, Grayou. Sauf que le FC Metz n’est pas adoubé par l’Éducation nationale pour distribuer des objets estampillés à ses couleurs auprès d’un jeune public. Alors qu’à Marseille, le cahier de l’OM a été développé main dans la main avec le réseau Canopé, éditeur sous tutelle du ministère de l’éducation. Enseignants, inspecteurs et conseillés pédagogiques ont été mobilisés. Tout en soulignant qu’il ne faut, en aucun cas, le confondre avec un manuel scolaire.

« La Fondation a décidé de viser les enfants. Il y en a beaucoup qui sont en difficulté. Si le football peut leur venir en aide, c’est magique » s’émeut dans la presse Laurent Colette, directeur général de l’OM. Et quoi de mieux que plancher sur les affres du « jardinier de l’OM » qui a « 4 douzaines de jonquilles et 2 douzaines de pensées » à « répartir sur 4 rangées » : « Combien y aura-t-il de fleurs dans chaque rangée ? »

« On peut tout voir avec un spectre négatif, mais ça reste une bonne action, et en plus c’est gratuit », tempère-t-on du côté de l’académie Aix-Marseille, qui relate elle aussi sur le web la distribution des premiers cahiers à l’école des Caillols. Étaient conviés la presse, le recteur de l’académie, le directeur de l’OM et cerise sur le gâteau, trois joueurs du club.

Chez Sud Education 13, qui refuse de distribuer le manuel, on rappelle que, face à cet investissement du privé dans l’école publique, « l’école n’est pas une marchandise ». Et Fleur, une instit’ affiliée au syndicat, de s’interroger sur les valeurs prodiguées : « En tant que bon Marseillais, on doit aimer le foot, et être supporter de l’OM ? » Sans parler de la tonalité globale de l’ouvrage : être, avoir, gagner… À croire d’ailleurs, au regard des résultats du club, que les joueurs ont quelques soucis en matière de conjugaison !

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