Vive la crise !

septembre 2021 | PAR Jean-François Poupelin
Les pouvoirs publics ont multiplié les dispositifs de mise à l’abri des personnes sans domicile lors de la crise du Covid. Mais à Marseille, cette profusion a surtout mis en lumière les multiples manques de la prise en charge des sans-abri.

« On est embêté. L’effort des pouvoirs publics a été immense, mais le retard accumulé [à Marseille] est tel qu’on ne peut pas s’en satisfaire. » Malgré sa bonne volonté, Florent Houdmon, le directeur régional de la Fondation abbé Pierre (Fap), a du mal à se satisfaire de la gestion du sans-abrisme et du mal-logement depuis le début de la crise sanitaire, il y a dix-huit mois.

Pourtant, du côté de l’État on montre les muscles. Dans une réponse écrite au Ravi, la masse des dispositifs mis en place dans la seconde ville de France depuis mars 2020 semble se suffire à elle-même : 15 600 places d’hébergement de droit commun et de logement mobilisées dans les Bouches-du-Rhône, toujours 1 650 places d’hôtel de financées, 280 places en dispositifs innovants, 32 places ouvertes pour les familles, 60 pour les femmes avec enfants, l’expérimentation de l’hébergement pendant 90 jours dans certaines structures d’urgences, etc.

Un inventaire à la Prévert qui laisse cependant de marbre, y compris les pouvoirs publics. « Notre sentiment est partagé par les services préfectoraux comme par les ministres », assure Florent Houdmon, qui croise régulièrement les uns et les autres. « Le Covid a impacté les structures, on a démultiplié les actions de solidarité, créé des synergies, mais il faut tirer les leçons de la crise, y compris par un bilan quantitatif », prévient de son côté Audrey Garino, adjointe (PCF) à la Solidarité de Benoît Payan.

Le SIAO à la rue

La crise sanitaire a eu un effet de loupe sur les problématiques locales habituelles, comme le rappelle le rapport de la Fap : incapacité à prendre en charge des gens, méconnaissance des besoins, faible accompagnement vers l’insertion, dysfonctionnements et manque de moyens du service intégré d’accueil et d’orientation, censé faire un diagnostic et mettre en place des mesures d’accompagnement pour chaque sans-abri. Exemple : selon le rapport, après le premier confinement, le service a découvert que des chambres d’hôtel censément occupées était vides…

Mais la crise a aussi eu du bon note Florent Houdmon : « Avec le Covid, on a redécouvert les vertus de ce que la loi préconise : les effets positifs de sortir les gens de la rue, ceux de l’accompagnement. Mais aussi que maintenir une personne en hébergement plusieurs mois plutôt que 10 jours, comme c’est le cas à Marseille faute de places, lui permet de se construire, de rentrer dans un parcours de soins, d’emploi. De la même manière, on a pu démontrer pendant la crise que des publics très précaires, qui refusent l’hôtel ou les CHU, ne sont pas condamnés à la rue si on leur trouve des solutions adaptées. »

Conclusion du directeur régional de la Fap : « Alors qu’on craint un retour à l’anormal, qui est pourtant la normale, on peut tirer quelques enseignements de la crise : qu’il faut partir des besoins des gens et non d’une logique budgétaire, et arrêter de préjuger de leur capacité à habiter. »