Pour sauver des vies, déplacer des montagnes

février 2019 | PAR Hélène Bourgon
A Briançon, face à l’arrivée de migrants par le col de l’Echelle et du Montgenèvre, les montagnards sauvent des vies. Alain Mouchet est l’un d’entre eux.

Arrivé tout droit du briançonnais, vêtu d’un manteau et de chaussures de montagne, Alain Mouchet ne passe pas inaperçu à la gare Saint-Charles de Marseille. Son engagement est né de sa rencontre avec deux hommes qui avaient les pieds et les mains gelés et qui ont dû être amputés après avoir passé difficilement les cols montagneux. « On ne voulait pas que cela se reproduise. Nous nous mobilisons dès lors pour les accueillir en France », explique cet accompagnateur de montagne qui, depuis sa retraite, propose son aide au collectif « Tous migrants ». Il effectue des maraudes de nuit, sur le col de l’Échelle et le col du Montgenèvre dès l’hiver 2016.

Ces cols, frontières naturelles entre l’Italie et la France, constituent des points de passage historiques utilisés dans l’entre-deux-guerres par les Italiens fuyant en France. Aujourd’hui ils sont régulièrement empruntés par des réfugiés arrivés par la Méditerranée. Mais ces derniers n’ont aucune idée des conditions météo en montagne et ne sont pas équipés pour ce genre de traversée. « La partie la plus périlleuse du chemin est en France. Géographiquement, la frontière est quasiment en Italie, mais nous on ne va pas jusque là-bas. Au contraire on est en train d’essayer de trouver des moyens pour les empêcher de passer par le col car c’est vraiment très dangereux. »

Chaque soir ils sont deux ou trois postés à la lisière de ces cols afin de surveiller si quelqu’un est en difficulté. « Une fois, on a rencontré quatre personnes qu’il a fallu emmener aux urgences car deux d’entre eux avaient les pouces gelés. Et s’ils avaient dû parcourir, sans soins, les 20 km restants, ils auraient eu des lésions très graves. » A Briançon ils sont ensuite accueillis au Refuge solidaire.

La sous-préfecture des Hautes Alpes ne constitue qu’une brève étape dans leur périple parfois entamé quatre ans auparavant depuis l’Afrique. « La majorité des gens arrivés en 2018 sont guinéens. Ces jeunes ne voient pas d’avenir dans leur pays, alors que c’est le premier exportateur mondial de bauxite. Il a des capacités d’agriculture très fortes, souligne le montagnard. Là je pars au Sénégal pour rencontrer des responsables guinéens afin de comprendre ce qu’il se passe. Un jeune organise des conférences là-bas pour expliquer à ceux qui veulent partir que la migration n’est peut-être pas une solution. » S’il n’a pas la prétention de pouvoir changer les choses, Alain Mouchet tente en tout cas de les comprendre. Avec l’espoir, ensuite « d’aider dans cette grande aventure où citoyens et élus doivent construire ensemble ».

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