« Nous n’avons pas tiré les leçons du passé. »

novembre 2021 | PAR Teresa Maffeis
Pour la militante des droits humains, la situation des réfugiés n'a fait que s'aggraver en France et en Europe sur les vingt dernières années.

Teresa Maffeis

Association pour la démocratie à Nice

La rubrique « La Grande bleue »

« Je milite depuis mai 68, et cela fait vingt ans que je participe à l’aide aux personnes sans-papiers et à l’accueil des réfugiés. D’abord d’Afrique, puis de Tchétchénie, de Syrie, d’Afghanistan… Depuis la fermeture de la frontière avec l’Italie en 2015, les politiques se sont durcies. La mairie de Vintimille a basculé à l’extrême droite, et récemment une manifestation contre les migrants a rassemblé plus de 20 000 personnes. Des migrants sont morts faute de centres d’hébergement.

Cela s’aggrave en Italie, mais la France non plus n’a jamais vraiment été une terre d’accueil. En Allemagne, les réfugiés qui ont obtenu leurs papiers ont des formations pour apprendre la langue, un accompagnement… Dans notre pays, il y a des jeunes qui dorment dans la rue depuis trois ans en attente d’une réponse sur leur demande d’asile. Les démarches pour obtenir des papiers sont de plus en plus compliquées, avec beaucoup de procédures qui doivent passer par internet. C’est pareil pour obtenir du travail : avec les déclarations en ligne, les patrons ont de plus en plus peur du travail au noir. Même si une demande finit par aboutir, il y a un retard pris dans l’intégration qui mettra des générations à se rattraper. Pour les réfugiés en France, il y a plus de mauvaises histoires que de belles histoires… Nous n’avons pas tiré les leçons du passé. On ne veut pas de réfugiés, sans même savoir pourquoi, alors que tous les patrons cherchent des salariés.

Face à ça, je vois beaucoup de structures qui nous appellent à agir, mais ça ne suscite pas grand-chose à part de la compassion. Quand je fais des collectes de dons et de vêtements pour les réfugiés, les donateurs sont souvent des gens que je ne connais pas : c’est une note d’espoir, mais ce n’est pas ça qui résoudra la question. Quand on a seulement apporté à manger aux gens, on a le sentiment de n’avoir rien fait. Faire seulement de l’humanitaire, c’est ce qu’on ne veut pas faire. On veut changer le monde. Mais jusqu’à présent, les partis politiques ou les syndicats ne s’emparent pas de ces questions. Dans le meilleur des cas, ils accompagnent les actions. Même dans les rangs des militants, il y a de moins en moins de relève. Quand je vois la moyenne d’âge dans les réunions, on a intérêt à vivre vieux ! Si les gens savaient la richesse que ça apporte de rencontrer des personnes d’autres pays, d’autres cultures… Moi ça m’a beaucoup enrichi. Mais les gens ont peur qu’on leur prenne leur temps. »

Pour fêter le 18e anniversaire du Ravi, de grands témoins commentent des Unes marquantes ou des rubriques emblématiques dans le 200e numéro du régional pas pareil qui ne baisse jamais les bras…