Drogues : le chassé-croisé
Les quartiers nord marseillais sont connus pour leurs « charbons », ces points de vente de drogue disséminés au bas de blocs de cités. Des quartiers où la consommation de cannabis est répandue, comme dans le reste de la ville. Mais l’héroïne, dont la présence a très fortement diminué, et l’injection de drogues sont par contre « taboues dans ces quartiers, notamment après le traumatisme des années 80 et 90 et l’épidémie de VIH », analyse Stéphane Akoka, directeur de l’association ASUD spécialisée dans la réduction des risques.
« On voit pas mal d’habitants aller se fournir dans d’autres cités ou en centre-ville. Pas question d’aller en bas de chez eux, la consommation de produits, la seringue, y sont très mal vus », complète Abdel Ghani Djafri, médiateur santé et prévention. L’association a d’ailleurs du mal à déposer du matériel d’injection pour réduire les risques. Mais, sur le terrain, il constate que des usagers du centre-ville « montent » se fournir au quartier pour consommer alentour, dans des espaces verts ou des recoins discrets. Essentiellement de la cocaïne, qu’ils s’injectent, ou qu’ils basent pour obtenir du crack. « Ils vont là-bas car les points de deal sont sûrs et la qualité est au rendez-vous : souvent plus de 90 % de pureté pour la cocaïne ! », constate Stéphane Akoka.
Chaque mercredi, Abdel assure avec une autre association, le Bus 31/32, des maraudes dans les 13ème et 14ème arrondissements, autour du Carrefour le Merlan. Le rôle d’ASUD est de faire du lien : « On part en exploration à la recherche d’usagers pour les écouter, distribuer du matériel stérile afin de consommer des drogues à moindres risques, parler de la vie, des produits, de leur santé… » Un rôle d’accompagnement majeur pour prévenir les risques d’infection, repérer les personnes en fragilité psychologique. Et éventuellement les orienter vers des centres médicaux, l’hôpital…
Chez les jeunes, comme dans les beaux quartiers, la drogue à la mode reste le protoxyde d’azote, ces petites bouteilles de gaz jonchant parfois les rues et qu’on inhale pour une défonce extrêmement passagère. Consommée en parallèle du cannabis et de l’alcool, le tout grâce à du marketing Snapchat : des messages proposent des packs protoxyde, vodka et Red bull pour une quarantaine d’euros. « Des produits pour se défoncer, il y en a toujours eu, les interdictions me semblent contre-productives, estime Stéphane Akoka. Il faut faire de la prévention pour éviter que les gens en prennent. »