Bilan : la bataille du rail

juin 2010
« Attitude scandaleuse », « vol »... Satisfait de sa politique ferroviaire, Michel Vauzelle n’a pas de mots assez durs pour fustiger les manquements de la SNCF dans l’exploitation des TER. Mais sa politique est-elle si rose ?

La bataille du rail en Paca est d’abord une question de chiffres. Aux commandes depuis 1998, le socialiste Michel Vauzelle affiche une multiplication par trois des trains quotidiens (290 à 700), 3 milliards d’Euros d’investissements (rames neuves et rénovées, réouvertures de lignes, doublement ou triplement de certaines voies), une fréquentation en hausse régulière, etc. De son côté, Thierry Mariani, son challenger UMP, insiste lourdement sur les dysfonctionnements, que le président sortant de la Région attribue en termes fleuris à des manquements de la SNCF : 15 % des trains avec plus de cinq minutes de retard à l’arrivée, augmentation du nombre d’annulations, etc.

Les associations d’usagers sont toutes unanimes pour reconnaître le volontarisme du président du Conseil régional afin de développer l’offre TER en Paca depuis douze ans. Et pour accabler elles aussi son exploitant (voir p. 9). « En termes d’investissements, de réouvertures, etc., la Région a fait de gros efforts. Mais elle subit la politique de la SNCF », insiste Claude Jullien, président régional de la Fédération nationale des associations d’usagers des transports. Egalement à l’actif de la région, une politique tarifaire attractive et sociale, comme les 90 % de réduction pour les bénéficiaires du RMA.

« Paca a le 14e budget TER par habitant de France »

Quelques petits « bémols » viennent pourtant ternir ce bilan rose socialiste : la baisse de la fréquentation de certaines lignes par exemple. Ou encore « l’essoufflement des comités de lignes », espaces de « concertation » fustigés par les associations d’usagers, comme le reconnaît Gérard Piel, vice-président communiste de la Région en charge des transports qui prend ainsi quelques distances avec son ancienne majorité. Le récent « Palmarès des mobilités 2009 » du magazine Ville, rail & transport (30/12/09) ne donne pas vraiment des arguments en faveur de l’équipe sortante. Exemple : avec 49,30 Euros, le budget TER par habitant de Paca est le 14e de France métropolitaine (hors Paris et la Corse), loin derrière Rhône-Alpes (73,50 Euros), région très fortement ferroviaire.

Et de deux. La Cour des comptes, dans son rapport de novembre 2009 sur « Le transfert aux régions du transport express régional », n’est pas non plus très tendre. Gloutonne elle aussi en chiffres, la juridiction financière pointe notamment la politique d’investissement soutenue des régions et le choix du « tout rail » pas forcément adapté aux réalités démographiques. « Elle a le souci de la bonne utilisation de l’argent public et estime qu’il faut utiliser avec discernement le TER, parce que c’est beaucoup plus cher qu’un car », explique Clément Soulas, du cabinet d’études marseillais Eureca. Gérard Piel esquive la critique : « Le car, on en fait dans les Alpes pour rabattre sur les gares. La SNCF n’investit plus que sur les TGV, donc on doit payer les infrastructures. »

_bilan.jpg

« Michel Vauzelle n’a jamais eu les moyens de ses ambitions »

Et de trois. A l’image de Joël Nodin, délégué régional de Sud Rail, certains estiment que le président du Conseil régional n’a jamais eu les moyens de ses ambitions. « Les infrastructures et le matériel nécessaire pour faire du TER une priorité n’ont pas été apportés », assure le cheminot. Et d’enfoncer le clou : « Dans sa volonté de développer un réseau parfait, Michel Vauzelle a fait du TER un argument électoral. Il aurait, peut-être, été plus judicieux de mettre moins de trains pour qu’ils soient plus sûrs. » Accusations balayées par Gérard Piel : « On a simplement un opérateur qui traîne les pieds ! » Une obsession…

Et de quatre. Malgré toutes leurs récriminations contres la SNCF, les associations d’usagers estiment qu’en 2008 la Région a re-signé un peu trop rapidement un contrat de 10 ans avec son exploitant. « Je n’ai jamais compris pourquoi avec une qualité de service aussi mauvaise, ce contrat est aussi long. Aujourd’hui, le Conseil régional n’a plus aucune possibilité d’agir », peste Claude Jullien, fataliste (1). Elles accusent également, à mots plus ou moins couverts, le vice-président aux Transports d’avoir paraphé le contrat plus par conviction politique – le maintien d’un service public ferroviaire – que dans l’intérêt de son patron. « Je l’ai averti de sa complicité latente avec les cheminots », fulmine Jean-Philippe Isnard, président de l’Association pour le développement des transports publics, qui dénonce « l’absence d’obligation de résultat. » « Pour moi, un service public ne doit simplement pas être remis en cause », se justifie Gérard Piel. Le contrat dispose d’une clause de revoyure au bout de cinq ans.

L’argument risque d’être un peu léger pour les usagers. Certains, à l’image de Jean-Philippe Isnard, plaident pour la « révision du contrat avec lancement d’un appel d’offre européen. » Une mise en concurrence qui pourrait se retrouver sur le programme de Thierry Mariani…

Jean-François Poupelin

Imprimer