Raison n°3 Déguster une belle bouillabaisse électorale

juin 2010
Ralliements, peoples,respect des tendances et équilibres internes. La constitution des listes n'est pas toujours une cuisine très ragoûtante. Présentation du menu avant de passer à table

Honneur à la nouvelle boutique lancée par le chef cuistot Daniel Cohn Bendit. Pour ces régionales en Paca , les peoples n’envahissent pas les listes d’Europe écologie (EE). La seule « star » en lice est la magistrate anti-corruption, Laurence Vichnievsky. Mais elle occupe le premier rang ! Pour le reste, EE n’a rien à regretter de son passé, Verts ou batailles d’appareils des partis traditionnels. Elle a dû composer avec ses différents courants : les Verts et Peuples solidaires (régionalistes), les seules formations politiques acceptées en tant que telles, les proches de Nicolas Hulot, Cap 21 de la centriste Corinne Lepage… Sans oublier les différents chapelles écolos et la traditionnelle société civile. Résultat, une belle bouillabaisse et ce cri du cœur de Philippe Chesneau, tête de liste dans le Var plutôt classé à gauche : « La constitution des listes, c’est le moment le plus horrible ! »

Le vice-président sortant Vert de Michel Vauzelle reconnaît d’ailleurs quelques accrochages : « des problèmes de personnes » et des choix « tranchés à la hâche. » Et à la hâte ? Exemple emblématique : le cas de Teresa Maffeis, dans les Alpes-Maritimes. L’emblématique militante de l’Association pour la démocratie à Nice a dudû laisser une 6e place éligible à Annabelle Jaeger, une ex collaboratrice de Nicolas Hulot et ancienne RPR, qui s’est présentée aux Européennes de 1999 sur la liste conduite par Nicolas Sarkozy et Alain Madelin ! Un choix imposé par Laurence Vichnievsky et son staff. Par amitié pour le président de la République ?

Du côté du Front de gauche, même cuisine. Mais Jean-Marc Coppola, tête de liste régionale et lui aussi ancien vice-président de Michel Vauzelle, se contente de donner la recette. « Il y a eu des discussions pour savoir où serait la place de chacun et une volonté d’affirmer la diversité des formations au niveau des têtes de listes », explique le communiste. Côté « people », le Front de gauche a puisé dans ses réserves habituelles : les profs d’université, les féministes, les syndicalistes, etc. Seule ombre au tableau avouée : le ralliement à Michel Vauzelle de Joël Canapa, Conseiller d’opposition de La Garde (83). Petit lot de consolation pour Jean-Marc Coppola : le Varois garde sa carte du parti.

« Les peoples, il faut se les traîner »

Joël Canapa n’est pas le seul traître. Michel Vauzelle affiche également à son tableau de chasse les ex-Vertes Marianne Moukomel et Marie Bouchez. Très tenté par la société civile, le député de Camargue a également intégré sur ses listes deux authentiques peoples, recrutés en guest stars, avec présentation lors de conférences de presse : la boxeuse marseillaise Myriam Lamare (cf portrait p. 28) et le journaliste sportif Avi Assouly. L’ouverture n’a pas tenu devant la direction du PS. Jean-Noël Guérini, le patron de la fédération des Bouches-du-Rhône, y a mis fin début février. « Dès que les histoires extérieures [les affaires, Ndlr se sont tassées, il a repris la main pour rééquilibrer les listes en vue du second tour et avoir une majorité socialiste cohérente au Conseil régional », affirme Michel Pezet, Conseiller général socialiste.

Entre UMP, MPF, Nouveau Centre, Parti radical valoisien, voir Nouvelle gauche, le parti de Nicolas Sarkozy n’a, de son côté, pas eu le choix de contenter tout le monde. Ce qui, là aussi, a créé quelques remous. En particulier dans le Vaucluse de Thierry Mariani, tête de liste régionale… Les militants du département ont par exemple catégoriquement refusé le parachutage d’un protégé de Jean-Claude Gaudin, sénateur-maire de Marseille et responsable des investitures à l’UMP. « C’est une alchimie savante entre ouverture et fusion. Il a par exemple fallu trouver une place à Bruno Genzana, d’Aix, qui pouvait nous quitter. Mais nous avons aussi privilégié des jeunes, plutôt que des maires en place, pour préparer 2014 », explique Bruno Gilles, sénateur-maire des 4e et 5e arrondissements de Marseille. Qui ne peut s’empêcher de conclure sur une petite pique : « Les peoples, après le coup médiatique, il faut se les traîner. Si vous ne les sacrifiez pas lors des fusions du second tour. » Avis aux intéressés…

Jean-François Poupelin

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