Isle-sur-la-Sorgue : conseil municipal du 12 avril 2011

août 2011
Tous les mois, un grand reporter du Ravi « teste » incognito un conseil municipal dans une ville ou un village de notre belle région...

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18h25 Les escaliers du vieil hôtel particulier abritant la mairie, au milieu du dédale de ruelles provençales du centre historique de l’Isle-sur-la-Sorgue, affichent une plaque commémorative rare : « Pax Labor. La ville de Sorgue aux victimes du travail. »

18h29 Embouteillage à l’entrée de la petite salle du conseil municipal, installée au premier étage. Pierre Gonzalvez, maire UMP depuis 2008, patiente pendant l’installation des élus. Petit, cravate noire sur une chemise rayée sombre, brushing poivre et sel et mine triste, le candidat malheureux aux dernières cantonales a les mains posées l’une sur l’autre et le regard dans le vide.

18h32 Beau joueur, en ouverture de séance, le maire salue la victoire de Michel Fuillet, son opposant et prédécesseur (2001 et 2008), un PS à barbe blanche et avenant en costard noir. Un fan club du vice-président du Département manifeste sa satisfaction.

18h39 Chez les socialistes islois, on fait de la politique en famille. Laurence Fuillet, femme « de », une brune élancée, est également conseillère municipale. D’opposition, bien sûr.

18h45 Arrivée de Valery Dury, premier adjoint. Jeans, chemise blanche, massif, le barbu d’une quarantaine d’années s’installe tout sourire. Et sans un mot d’excuse.

18h51 Les délibérations s’enchaînent au rythme de discussions plus ou moins feutrées. Le fan-club caquette ; stylo à la main, Michel Fuillet lit ; Pierre Gonzalvez se lisse les sourcils.

18h57 Jean-Baptiste Juge, un vieux notaire tiré à quatre épingles, tousse à s’étouffer.

19h03 Curieusement, c’est Michel Fuillet qui est à la baguette : Pierre Gonzalvez lui offre la parole, le socialiste lui fait signe de poursuivre ; le maire réagit à une intervention, le conseiller général le coupe, d’un « soyez plus modeste ! » hargneux.

19h07 Le cave se rebiffe (1). Michel Fuillet attaque depuis quelques minutes le projet d’aménagement « du centre aquatique et sportif des bords de Sorgue » porté par la municipalité (délibération 8). Absence « de concertation », de réflexion sur l’aménagement de cette entrée de ville, etc., l’élu d’opposition conclut : « On vote contre, sur les modalités. » Le maire tente un tacle : « Vous avez beaucoup d’idées, mais c’est nous qui choisissons. » Contre (mesquin) de son prédécesseur : « On s’en est rendu compte il y a 15 jours. » Pierre Gonzalvez jubile : « J’attendais cette petite observation ! Nous nous sentons parfaitement à l’aise dans notre légitimité ! » Michel Fuillet bougonne.

19h17 Retour au calme. Pierre Gonzalvez se sert un verre d’eau ; son premier adjoint a le regard dans le vide ; Josette Choplain-Pessemesse, colistière de Michel Fuillet au physique d’instit à la retraite, revient d’une pause clope.

19h23 « Une nouvelle servitude. » La « blagounette » du maire, qui vise directement Jean-Baptiste Juge, très remonté contre un droit de passage négocié par la commune, laisse indifférent. Bras croisés et jambe droite nerveuse, Pierre Gonzalvez est, lui, tout sourire.

19h32 Gros morceau de la séance : le budget primitif 2011. Caché derrière un ordinateur qui pilote un Power Point illisible pour le public, Alain Oudard, adjoint aux Finances, commence par faire voter un emprunt de 5,1 millions d’euros (délibération 14). Commentaire du fan-club de Michel Fuillet : « Putain, c’est quoi les investissements ! » Le maire, lui, regarde par la fenêtre.

19h35 Son opposant socialiste lance une bataille de chiffres. Remarque désabusée de Pierre Gonzalvez : « J’ai l’impression de me retrouver au DOB [débat d’orientation budgétaire, qui a eu lieu lors d’une séance précédente Ndlr]. » Michel Fuillet ignore et poursuit.

19h41 « Je fais une observation qui va faire polémique, annonce le maire. On dépense beaucoup plus que vous parce que sur un projet comme le quai Jean Jaurès, vous avez repris la voirie sans changer les tuyaux. Nous les prenons en charge, même si ce sont des choses qui se voient moins. » Et de conclure, satisfait : « Vous n’allez pas manquer de répondre, mon cher. » Le conseiller général n’y manque pas. Et surprend son monde : « Mon cher, monsieur Peyron est plus qualifié pour en parler car il avait cette charge. » Poilade générale. Michel Fuillet poursuit encore un peu avant de laisser la parole à son ancien adjoint, un Vert d’une soixantaine d’années en chemise orange et au crâne dégarni, qui arbore bouc, rouflaquettes et lunettes. Tout aussi aimable à son égard. « Je ne veux pas entrer dans cette polémique, mais puisque mon nom est cité », attaque Jean-Louis Peyron, avant de tacler : « On ne peut pas exiger certains travaux quand le service est désarticulé par décision du maire. » Michel Fuillet, le regard noir : « Je me régale ! » Pierre Gonzalvez, en écho et tout sourire : « Je me régale ! » Ca n’est pas fini ! Son prédécesseur apostrophe l’écolo : « Ils ont viré le DGS [directeur général des services, Ndlr] que tu as nommé ! » Radieux, le maire siffle la fin du règlement de compte : « On a fait un emprunt d’un million d’euros. »

19h58 L’ambiance retombe. Le fan-club de Michel Fuillet est toujours aussi indiscipliné ; Pierre Gonzalvez se masse le front ; Josette Choplain-Pessemesse fait passer un mot à son chef de file par l’intermédiaire de sa femme ; Jean-Louis Peyron caresse son bouc.

20h10 Budget primitif, toujours. Michel Juillet canarde et le débat prend des allures de campagne électorale. Le socialiste attaque sur « l’augmentation de la masse salariale ». Réponse du maire : « On ne va pas revenir en permanence sur les obligations que nous avons eu après vos engagements. » Michel Fuillet : « Et alors, et alors ? C’est peanuts ! » Et de s’énerver : « Vous ne me laissez pas parler, arrêtez ! » Le maire, dépassé : « Il faut être plus noble. » Le conseiller général : « Vous cherchez la polémique ! » Pierre Gonzalvez, en sautant sur son fauteuil : « C’est incroyable ! » Puis de tenter une reprise en main des débats alors que son adversaire déroule. Mais ses imprécations « allez », « ah bon d’accord », « maintenant c’est bon » – sont vaines. Mieux, Michel Fuillet le tance : « Ca n’est pas trop long, vous ne pouvez pas m’interdire de parler ! »

20h17 L’altercation prend fin lorsque l’UMP supplie : « On n’est pas à la foire ! » Mais Jean-Louis Peyron enchaîne : « Je suis atterré de ce qui est train de se passer. J’espère que ça ne va pas faire le tour de la ville. » Réponse hallucinée du fan club : « Si ! » Pierre Gonzalvez se tient la tête.

20h22 Fin du budget primitif : Josette Choplain-Pessemesse part définitivement, Michel Fuillet sort simplement. A part le bavardage de ses soutiens, le conseil est calme.

20h29 Délibération 19, « Vote des taux des trois taxes locales pour 2011 ». Retour en fanfare du vice-président du département : « Faudrait les baisser. » Pierre Gonzalvez, téméraire : « Quand le CG le fera. » Bras écartés, buste qui se balance, à coups de « pas toi », « moi », etc., le socialiste remonte en température, avant de conclure les bras écartés et la mine blasée.

20h42 Délibération 23, « Associations, versement de subventions et subventions exceptionnelles, exercice 2011. » Michel Fuillet, complice : « Vous avez gardé le meilleur pour la fin. » Pierre Gonzalvez, visiblement soulagé : « Oui ! »

20h44 A la sortie de la salle, Michel Fuillet passe un savon à Jean-Louis Peyron.

Par Jean-François Poupelin

(1) Film de Gilles Grangier et dialogues de Michel Audiard (1961)

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