Salon-de-Provence : conseil municipal du 10 février 2011

août 2011
Tous les mois, un grand reporter du Ravi « teste » incognito un conseil municipal dans une ville ou un village de notre belle région...

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18 h 00 Costard sombre et cheveux rares pour sa petite quarantaine, Nicolas Isnard (UMP), attaché parlementaire du député Christian Kert, tente de se défaire d’un retraité. Ce dernier insiste, lourdement et en vain, pour faire venir le chef de file de l’opposition salonaise le dimanche suivant à la manifestation qu’il organise (un concours de pétanque ? un rassemblement d’anciens combattants ?). Le requérant déçu et avé l’accent : « Déjà, Christian ne vient pas, tu me fais de la peine. »

18 h 04 Une clochette tintinnabule. Voix douce et fébrile, qui tranche avec sa carrure de troisième ligne de rugby (il a été joueur professionnel dans les années 80), mèche noire et tempes grises, Michel Tonon, maire PS de Salon-de-Provence depuis la mort de François Blanc en avril 2002, demande le silence. Et annonce : « Avant de commencer, nous allons d’abord procéder à l’installation de monsieur Perez, à la suite de la démission de Bernard Pansier. » « Jean-Pierre », corrige Nicolas Isnard. Le conseiller général socialiste bredouille : « Je ne sais pas pourquoi j’ai dit Bernard… » En hommage à Bernard Fraudin, son ancien premier adjoint, démis il y a tout juste un an ?

18 h 11 Nicolas Isnard s’agite sur son siège. Thierry Guigues (majorité) inspecte son verre en plastique, l’essuie et se sert une gorgée d’eau.

18 h 20 L’ambiance se crispe. L’attaché parlementaire vient d’annoncer que son groupe votera contre l’avenant à la convention associative « Espace citoyen et de la création » (délibération 6). Explication : « Nous sommes contre l’essaimage des subventions, il vaut mieux concentrer les moyens pour avoir des structures solides. » D’abord pédagogue, Michel Tonon finit par plaquer méchamment : « Le centre d’animation du Vieux Moulin, vous l’appeliez le kolkhoze, mais vous avez été y poser pour la photo. Vous êtes une girouette ! » L’UMP, en tapotant sur sa table : « Vous ne pouvez pas vous empêcher d’ironiser ! »

18 h 24 Jean Remignon (opposition), un général de brigade à la retraite, trapu et à la coupe réglementaire, fixe son chef de file, le regard noir. Le maire caresse le pied de son micro.

18 h 26 La trêve ne dure pas. Délibération 8, « Maison des associations. Dépôt d’un permis de démolir. » La destruction de l’édifice (qui va être reconstruit), situé en centre ville, fait partie du grand chantier de requalification de la place Morgan (avec halles fermées, complexe ciné, bowling, commerces, espaces piétonnier, etc.), cœur historique de Salon. Nicolas Isnard prévient : « C’est la délibération-cadre de ce conseil. » Puis charge : « On ne sait pas si vous avez le titre de propriété, j’ai vu votre ancien premier adjoint le remettre en cause. » Le maire contre : « Celui qui se rapproche de vous ? » Son opposant : « Celui que vous considériez comme votre bras droit. Tous vos amis vous quittent. » Michel Tonon, qui hausse exceptionnellement la voix : « Ce genre d’ami, on s’en passe ! » Le maire de Salon en a d’autres dont il se passerait bien. Les frères Guérini, par exemple. Depuis l’ouverture de l’enquête sur les marchés des poubelles marseillaises, plusieurs cadres d’Agglopole Provence, que préside l’ancien rugbyman, ont été entendus au sujet de la décharge de la communauté d’agglomération à La Fare-les-Oliviers, gérée par Alexandre, derrière les barreaux depuis le 1er décembre. Désormais, c’est Jean-Noël, président du CG13 et patron des socialistes du département, qui est soupçonné d’être intervenu pour obtenir une baisse de la redevance versée par son cadet. Ce que Michel Tonon a démenti.

18 h 30 Délibération 8, toujours. Le maire relance les hostilités sur les recours déposés contre ses deux projets. Très excité, le bras en avant, Michel Tonon dénonce une cabale de ses opposants par personnes interposées (son ancien adjoint et un militant UMP), des « recours qui utilisent la même police de caractère, les mêmes formulations », « une association crée en quinze jours », et finalement accuse : « Je regrette l’utilisation de méthodes bassement politiciennes. Instrumentaliser les uns et les autres, ça n’est pas très élégant. » Avant de se reprendre : « J’avance simplement des faits, je fais un certain nombre de remarques. » Puis il repart à l’attaque, un peu fébrile, monopolise la parole, utilise chaque remarque de son opposition, coupe ses opposants, Stéphanie Bagnis et Michel Roux. L’ancien troisième ligne étouffe le débat sous une logorrhée. Nicolas Isnard attend, la tête appuyée sur ses deux mains jointes.

18 h 42 Jeune avocate aux cheveux noirs tirés, Stéphanie Bagnis obtient enfin la parole et plaide : « J’ai eu l’impression que vous me mettiez en cause, ça m’ennuie un peu cette suspicion à mon égard. » Le maire esquive : « J’ai posé des questions, vous me dites ça, très bien. » Unanimité.

18 h 47 Sourire railleur, le chargé de com de la mairie tend à Nicolas Isnard une copie de l’acte de propriété suspect. Stéphanie Bagnis se plonge dedans.

19 h 48 En attendant Caroline Jullien, adjointe au Développement durable, qui doit intervenir sur les délibérations 9 et 10, Michel Tonon propose de passer à la onzième. Marylène Bonfillon (UMP) s’inquiète : « On en est où ? »

18 h 54 La tension est retombée. Christelle Jullian-Latard, adjointe à l’Aménagement de la place Morgan, et Caroline Jullien, qui est enfin arrivée, papotent. Nicolas Isnard et Stéphanie Bagnis, qui a les yeux qui pétillent, poursuivent un conciliabule qui dure depuis quelques minutes. Michel Tonon : « Chuuuuuut ! »

19 h 57 Thierry Guigues se ronge les ongles.

19 h 06 Délibération 18, « Maternelle Paul-Cézanne. Extension et réfection. Dépôt d’un permis de construire. » Concession de Michel Tonon à Nicolas Isnard, qui se plaint de l’absence de l’indication du coût : « C’est une remarque pertinente. Ce sera rectifié et désormais précisé. »

19 h 10 Un cadre de la ville sosie de Donald Sutherland se prend les pieds dans un drapeau tricolore qui lui barre le chemin. L’outrage n’était pas loin !

19 h 12 « Approbation de la modification du PLU » (délibération 21). Une remarque de Nicolas Isnard provoque un nouvel accès de fièvre : « Je voulais juste dire à monsieur Aim [premier adjoint, Ndlr] qu’il aurait pu la présenter en détail en commission d’urbanisme. » Michel Tonon s’engouffre : « L’objectif du conseil n’est pas de faire apprendre les règles d’urbanisme. » Nicolas Isnard encaisse : « Après la forme, le fond. Six ans après le vote du plan local d’urbanisme, de notre point de vue, on est arrivé à un charcutage de la ville. » Dans le public, une retraitée souffle. Le maire, lui, n’en manque pas : il repart dans une tirade que Marylène Bonfillon a du mal à stopper pour s’inquiéter du « maintien des terres agricoles sur la commune, en harmonie avec l’Agenda 21 », tout juste approuvé. Ses camarades sont de leur côté interdits, comme submergés par le raz de marée verbal déversé par l’ancien rugbyman de sa voix toujours aussi mal assurée.

19 h 31 Michel Roux consulte son portable. Alain Perez, qui s’est muré dans un rôle d’observateur, enlève consciencieusement quelques cheveux de son écharpe.

19 h 33 Visiblement soulagé (que « l’affaire Guérini » n’ait pas été évoquée ?), Michel Tonon lève la séance par une boutade : « Il n’y a pas de question ce soir, pour que chacun puisse regarder le président de la République à sa guise ? » Rires dans la salle. Notre retraité bougonne toujours : « On n’est pas bien avancé ! »

Par Jean-François Poupelin

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