Manosque : conseil municipal du 20 janvier 2011

août 2011
Tous les mois, un grand reporter du Ravi « teste » incognito un conseil municipal dans une ville ou un village de notre belle région...

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18h27 Un retraité salue deux conseillères d’opposition (union de la gauche), surprises : « Pourquoi tu viens ? » Réponse du joli coeur : « Parce que je suis amoureux de ces dames. »

18h28 Massif, écharpe multicolore, veste et mèche grises, Roland Aubert, conseiller général sortant, tête de file des socialiste locaux et habitué des lieux – il a été premier adjoint jusqu’en 2001, quand l’édile actuel assurait la contradiction -, achève son tour de la salle du conseil.

18h29 Maire depuis 10 ans, Bernard Jeanmet-Péralta, longiligne et coupe très giscardienne, tapote sur son micro. Re-tapote, re-retapote et peste : « Rien à foutre ! » Puis tance l’assemblée d’une voix rocailleuse : « Vous pouvez vous asseoir, vous êtes gentils. »

18h30 Goguenard, le maire, l’ancien patron de Barras Provence, une entreprise spécialisée dans les services et équipements affectés aux centrales nucléaires qu’il a revendue en 1994, fait un petit signe à son opposant.

18h37 Arrivée dans le public d’un Manosquin, très style Jeune Pop de l’UMP.

18h38 Visage fermé, face à une Marianne, un portrait de Nicolas Sarkozy, son opposition et le public, Bernard Jeanmet et son costard sombre (cravate rayée sur chemise claire) montrent leurs premiers signes d’impatience.

18h45 Depuis une dizaine de minutes, le conseil s’intéresse à Patati Patata, nouvelle structure d’accueil pour enfants. Il faut attendre la délibération 7 pour que les premières réflexions amusées fusent.

18h49 Les discussions feutrées dans le public et entre élus forment désormais un bruit de fond continu. Roland Aubert enlève ses lunettes et les pose devant lui. A l’entrée de la salle du conseil, au premier étage d’un ancien hôtel particulier qui donne sur une placette, un policier municipal bonhomme fait les cent pas.

18h51 Délibération 10, « Tarifs des activités du centre enfance. » Moustache à la Dr Watson et visage « vauzellien », Bernard Diguet, premier adjoint, balaie une demande de Roland Aubert d’exonération de droit d’inscription « des gamins des quartiers » : « Vu la proposition [5 euros, Ndlr], c’est pas un gros investissement. » Le maire acquiesce, son opposition vote contre.

18h53 Michèle Barrières, adjointe aux Finances, lance le débat d’orientation budgétaire (DOB). Arrivée dans le public d’un troisième Jeune Pop.

18h58 Eva-Mary Ries, conseillère municipale de la majorité, fait son une entrée. Un employé se lève tout sourire pour saluer la jeune blonde.

19h01 Peu passionné par les bons chiffres et promesses d’investissements que Michèle Barrières aligne d’une voix monotone, notre retraité s’est plongé dans les mots croisés du Monde.

19h10 L’adjointe aux Finances achève sa présentation des grandes orientations budgétaires 2011, Martine Carriol prend la parole. « Les dotations de l’Etat baissent et les Manosquins en feront les frais. Vous parlez d’un budget de rigueur, mais lors de l’étude du budget je pense qu’on parlera d’austérité », tacle la communiste. Son collègue Georges Morin (PS), un quinqua un peu austère, enchaîne : « Je ne comprends pas en quoi une nouvelle zone commerciale est un investissement prioritaire. » De fait, la ville n’en manque pas (le Ravi n°74 et page 6 dans ce numéro).

19h22 Roland Aubert clôt le bal, d’une voix puissante : « Monsieur le maire, j’ai le sentiment que ce DOB est plus de la poudre aux yeux que la réalité ! » L’intéressé, sournois : « Mais t’es en campagne ? Depuis 10 ans, le DOB est réalisé. » Réponse du berger : « Monsieur le maire, je ne résiste pas à reprendre le mot d’un de vos conseillers : vous êtes un magicien ! » « Peut-être », minaude Bernard Jeanmet-Péralta, avant de se tourner vers Georges Morin : « Monsieur le conseiller, les entreprises et les commerçants ne sont pas sots, ce sont eux qui décident de venir. Si je refusais des embauches, je serais fou. » Et de conclure sous quelques applaudissements : « J’ai beaucoup de qualités et de défauts, mais je ne suis pas fou ! »

19h31 Bollène est loin… A l’occasion d’un aparté sur une taxe sur les logements vacants, Roland Aubert détend un peu plus l’atmosphère déjà bon-enfant. Le vice-président aux Finances du CG 04 gratifie l’assemblée d’un joli lapsus : « marchands de soleil » pour « marchands de sommeil. » Elle apprécie bruyamment.

19h40 Georges Morin revient à la charge sur le DOB, Bernard Jeanmet-Péralta se cure ostensiblement le nez.

19h45 Le maire et Roland Aubert concluent le DOB sur une dernière chamaillerie. « A combien évaluez-vous l’investissement pour 2011 ? », interroge le second, qui semble se languir du débat budgétaire. Et de lister trois-quatre projets avant de triompher : « Voilà tes 3 millions ! » Le premier s’amuse : « Je ne veux rien dévoiler pour ne pas pénaliser le débat budgétaire. » Conclusion du socialiste : « Tout à l’heure c’était Patati patata, là ce sera rikiki ! »

19h47 Martine Carriol quitte la séance.

19h49 Les deux compères se marrent une nouvelle fois d’un simple échange de regards.

19h53 Les esprits s’apaisent, le conseil reprend son doux ronronnement de conversations feutrées. Eva-Mary Ries en profite pour envoyer quelques SMS.

19h56 Délibération 17, « Garantie d’emprunt » présentée par un bailleur pour un projet de logements sociaux. « Je le vote, mais je ne suis pas très chaud », panique Jean-Pierre Piétri, conseiller de la majorité. Obnubilé, Roland Aubert vient de lui apprendre qu’avec la nouvelle demande, la commune est engagée à hauteur de 8,5 millions d’Euros. Autant en moins dans ses caisses. Le maire ne dément pas. Le colosse se ronge les ongles.

20h00 A rebours et à regret, Roland Aubert sort de son cartable « Indignez-vous ! » de Stéphane Hessel.

20h02 Petite rosserie du maire : « Je regrette que madame Carriol soit partie, car elle aurait applaudi des deux mains. » La majorité envisage un retour en régie de la gestion de l’eau.

20h05 Yves Bregeon, conseiller d’opposition jusque-là très discret, annonce à ses camarades : « Cette délibération [la 22, Ndlr] est beaucoup plus symbolique. » La lecture de la convention entre la mairie et l’école privée Saint-Charles achevée, l’élu peste puis questionne, grave : « Quelle est la population scolaire au titre de 2010-2011 ? » Réponse de Laure Saye, une brune au visage lisse et à la voix de Macha Béranger adjointe aux Affaires scolaires : « Je ne sais pas. » Michèle Barrières vole à son secours en normande : « Légèrement plus bas, mais sensiblement pareil. » Le laïcard propose : « En période de vaches maigres, on pourrait par extension faire la même chose. » Cri unanime de la majorité : « Depuis 2007, c’est obligatoire ! » Agacé, Bernard Jeanmet-Péralta s’énerve, le regard noir : « Moi, je refuse de payer pour les autres communes ! » Conclusion ingénue de Laure Saye : « Je suis étonnée, car en 2001, il y avait une convention entre la commune et deux écoles privées. » Yves Bregeon, et Martine Carriol, dont le conseiller d’opposition a le pouvoir, votent contre.

20h14 Bernard Jeanmet-Péralta prend sa respiration, mais ne pousse pas plus loin son envie d’intervenir.

20h17 Délibération 28, suppression d’un poste d’éducateur suite à une démission. Précision de Claude Gasquet, conseiller délégué au personnel : « On va plutôt recruter un animateur. » Il n’y a pas de petites économies…

20h30 Bernard Jeanmet-Péralta lève la séance dans une jolie cacophonie de fin de cours. Dernière provocation de Roland Aubert : « Ce sera quand le budget ? » Réponse de l’ancien patron, presque hilare : « J’ai pensé entre les deux tours des cantonales. » Le vice-président assure : « Il ne le fera pas, c’est trop risqué. »

Par Jean-François Poupelin

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