Le Plan d’Aou entre rénovation et malfaçons

septembre 2011
Il se passe quoi dans nos belles banlieues en dehors des faits divers qui intéressent, presque seuls, les médias de masse ? La cité du Plan d’Aou, à Marseille, poursuit sa rénovation. Mais immeubles réhabilités et nouvelles constructions multiplient les défauts de conception. Visite.

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Fissures dans les murs, infiltrations, aération des cuisines mal réglée, murs trop minces pour y accrocher des rideaux, etc. Bienvenu au Goéland, un bâtiment du Plan d’Aou, dans les quartiers Nord de Marseille, réhabilité il y a un an et demi dans le cadre d’une opération Anru (1)…

Signé en 2005, le programme, toujours en cours (2), est la dernière étape d’une opération de transformation de la cité qui surplombe le centre commercial Grand Littoral (15e arr.) lancée en 1985… quinze ans après l’installation des premiers locataires. Objectif : supprimer les deux tiers des 929 logements sociaux ! Ancienne habitante du Plan d’Aou, où vit encore une partie de sa famille, Zohra reconnaît volontiers que l’opération transforme positivement la cité, longtemps invivable. Avec des immeubles désormais à taille humaine, sa physionomie change aussi. Problème : la rénovation a été faite à la hussarde. Petites ou franchement insupportables, les malfaçons se multiplient. Exemple parmi d’autres : « Ma mère ne peut pas utiliser sa terrasse à cause des odeurs de l’eau qui stagne », explique Zohra en faisant le tour du propriétaire. Curieusement, l’écoulement se fait vers l’intérieur…

Sa voisine a encore moins de chance. Grâce à la bouche d’aération du garage installé sur la sienne, elle profite en plus des gaz d’échappement ! Au quatrième étage du bâtiment géré par Erilia, c’est cette fois une douche qui s’écoule dans une chambre. Cerise sur le gâteau : « Dans un appartement, ils ont oublié l’accès au balcon. Il n’y a pas de porte ! », rigole Zohra. Selon deux retraités un peu perdus sur les terrasses de leurs appartements livrés cet automne, la Logirem n’est pas épargnée.

« Tous ces problèmes, nous les avons signalés pendant les travaux, mais on n’a pas été écoutés », dénonce de son côté Ibrahim Saïd. Absence de concertation, réunions sans lendemain, le président de l’Amicale des locataires de la cité pointe « le mépris » des différents acteurs pour les habitants. Leurs exigences se limitaient pourtant à des salles de prière et des grandes cuisines. Les deux ont été refusées. Conclusion d’Ibrahim Saïd : « Le Plan d’Aou a été le premier quartier de Marseille à bénéficier d’une convention Anru. Ça devait être un modèle, c’est un fiasco ! »

Les malfaçons et l’absence de concertation ne sont pas les seuls loupés de la rénovation de la cité. Les espaces publics sont en friche, le parc qui devait l’entourer et la désenclaver est toujours à l’état de projet et son périmètre grignoté par des résidences privées. Pire, la plus proche de la cité, protégée par un mur haut de 2,5 m, masque désormais aux habitants la rade de Marseille (3).

Un bilan beaucoup moins idyllique que celui vanté par les responsables locaux, Valérie Boyer en tête. En juin 2010, à la signature de cinq nouvelles conventions Anru (4), la députée UMP et adjointe de Jean-Claude Gaudin en charge de la rénovation urbaine exultait : « C’est aussi avec les premiers résultats qu’on pourra convaincre les habitants. » Pas si sûr…

Jean-François Poupelin

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