Une commémoration qui refait l’Histoire

octobre 2011
La mairie, tenue par un député membre de la Droite populaire, a confondu l’histoire de la petite ville des Bouches-du-Rhône avec celle d’une commune homonyme… dans le Loiret !

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Bernard Reynès, député-maire de Châteaurenard dans les Bouches-du-Rhône, serait-il le mauvais élève de la Droite populaire ? L’attachement à la France « passe par la connaissance de l’Histoire de France et de ses grands héros », déclarait Lionnel Luca, député « de la nation » des Alpes-Maritimes et cofondateur de ce collectif très droitier de l’UMP, dans L’Humanité dimanche du 11 septembre dernier. Visiblement, la mairie de Châteaurenard s’est assise sur ce grand principe. Petites explications.

Dans le courant du mois d’août, quelques petites affiches municipales annonçant une « cérémonie du souvenir » – signées entre autres par le maire – fleurissent çà et là dans cette commune d’environ 15 000 habitants. Jusque-là, tout va bien : la ville a bien été libérée le 24 août 1944 par les Américains et une commémoration se tient chaque année. Mais, petite nouveauté, les Châteaurenardais peuvent apprendre qu’en ce jour valeureux, « une colonne de 80 Allemands armés, attaqués par les F.F.I., refuse de se rendre. […] Ils n’acceptent […] qu’à la condition d’être conduits aux Américains […] Les premiers éléments sont arrivés au hameau des Motteaux, près de Châteaurenard. »

Tout cela intrigue Jean-Pierre, un abonné du Ravi : « J’ai 64 ans et pour avoir entendu parler de nombreuses histoires de guerre, cet épisode ne me disait rien. Ce qui m’a surtout mis la puce à l’oreille, c’est que le hameau des Motteaux en question n’a jamais existé dans les environs. » Mais alors de quel chapeau la mairie a-t-elle tiré cette histoire ? Tout cela s’est tout simplement passé à près de 600 kilomètres au nord, mais à Châteaurenard dans le Loiret, libéré le même jour… Le mauvais canular se répand alors dans le village, bien aidé par un tract diffusé à 5 000 exemplaires par l’association « Châteaurenard autrement », du nom de la liste municipale d’union de la gauche menée par Nicette Aubert en 2008. « Cette histoire a beaucoup fait jaser, mais elle est surtout révélatrice du délaissement du maire envers sa commune, raconte l’élue d’opposition. Il est trop occupé à Paris à défendre sa taxe sur les sodas [Bernard Reynès l’a proposée en juillet dernier dans un rapport parlementaire, NDLR]. Je pense que les habitants, même ceux qui sont a priori de son côté, commencent à le ressentir comme tel. Maintenant, la mairie essaie d’en faire un non-événement. »

Le jour de la commémoration, pas un mot sur l’acte de bravoure en question. L’histoire aurait pu s’arrêter là si un journaliste de La Provence, édition d’Arles, n’avait pas repris la fausse information dans son édition du 26 août. « L’affichette a été rédigée par une secrétaire qui, malheureusement, est en grande détresse à la suite de la perte d’un proche », explique simplement David Justet, directeur de la communication municipale. Il faut donc en déduire qu’aucune vérification n’a été faite : « La fin du mois d’août est souvent très creuse et ni moi, ni le maire n’étions présents. Mais à part le tract, nous n’avons eu pratiquement aucun retour là-dessus. Ça se passe tellement bien à Châteaurenard que les opposants n’ont que ce genre de choses à relever… » Aucun rectificatif ni explication publique n’est donc prévu. Il est effectivement souvent plus facile de se boucher les oreilles…

Clément Chassot

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