En Camargue, le bac est une espèce protégée

janvier 2012
Entre Salin-de-Giraud et Port-Saint-Louis-du-Rhône, le choix (coûteux !) d’un bac plutôt que d’un pont, suscite toujours beaucoup de débats et de questions.

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Certains Camarguais supportent mal l’enclavement renforcé par la présence d’un bac, unique mode de transport, depuis 1932, entre le hameau de Salin-de-Giraud et Port-Saint-Louis-du-Rhône. « Pour traverser 400 mètres d’une berge à l’autre, partout dans le monde, on fait un pont, s’énerve Éric Jouveaux , chauffeur de taxi de profession et président de l’association Pour Salin commune. Les habitants de Salin sont otages d’un mode de transport archaïque et polluant : le bac, c’est plus d’un million de litres de gazole par an, soit 2 400 tonnes de CO2 dans l’année. »

En 2004, le conseil général des Bouches-du-Rhône a semblé relancer la vieille idée d’un pont : une délibération est même votée pour sa construction à l’horizon 2015. « Jean-Noël Guérini (le président PS du conseil général) nous balade, regrette Éric Jouveaux. Tout en prévoyant un pont, il a en même temps financé l’achat d’un nouveau bac en service depuis 2010, ainsi que de deux nouvelles cales d’accostage, le tout pour un total de 14 millions d’euros. »

« L’État, le ministère de l’Environnement s’opposent à un projet de pont depuis vingt ans », soupire, Hervé Schiavetti, président du Syndicat mixte des traversées du Rhône, qui gère le bac, et maire (PC) d’Arles. « Faux !, s’insurge Roland Chassain, maire UMP des Saintes-Maries-de-la-Mer. Ni l’ancienne secrétaire d’État à l’écologie ni l’actuelle n’ont été sollicitées. » Réponse agacée du premier magistrat arlésien : « Je me suis moi-même rendu chez le Directeur général de l’équipement. Et puis aujourd’hui, un pont serait un facteur aggravant des déséquilibres en Camargue, ce sanctuaire de la nature… »

Un plaidoyer qui laisse de marbre Roland Chassain : « Entre le Plan d’occupation des sols (POS) et le Conservatoire du littoral, les pouvoirs publics ont la maîtrise totale de tout ce qui peut se construire ou pas, qu’on arrête de dire qu’on va faire La Grande Motte en Camargue. Guérini et Vauzelle jouent les danseuses sur ce dossier. Le bac est un gouffre financier. On va saisir la chambre régionale des comptes ! » Et Éric Jouveaux de renchérir, furax : « Schiavetti, c’est le bras armé du système Guérini en Camargue. Ce bac est une pompe à fric qui couvre des magouilles, il coûte le tiers du budget des routes départementales. »

Les subventions en provenance des différentes collectivités pleuvent abondamment sur le fameux bac : 4,3 millions d’euros par an (CG 60 %, CR 34 % et Arles 6 %) pour à peine 700 000 euros de bénéfice. « 5 euros pour la traversée, c’est trop, constate Andrée Reversat, militante d’Europe Ecologie. Sans parler des salaires du personnel qui coûtent beaucoup. » Jean Yves Petit, vice-président (EELV) du conseil régional, chargé des transports s’étonne aussi : « Peut-être faut-il réfléchir à une tarification moins élevée pour les habitants du département ? Quant au reste, je demanderais des explications… » Hervé Schiavetti tente dans livrer quelques-unes : « Oui, je le concède, c’est cher, mais la gratuité n’est pas envisageable. C’est un choix politique. Pour les salaires, c’est une situation liée à des accords passés. »

Les 34 « marins » du bac perçoivent 2 400 à 2 900 euros par mois et les officiers presque 4 000 euros. Qu’arriverait-il à ces « loups de mer » si le bac fermait ? « En 1985, le conseil général avait décidé que l’ensemble des agents intégrerait les effectifs du Département », confesse le maire d’Arles. Au même salaire ?

Rafi Hamal

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