Où va la RTM ?

novembre 2004
Quand les transports en commun sont gérés en régie, comme à Marseille, les rapports avec l'autorité organisatrice ne sont pas moins ambigus.

La Régie des transports marseillais (RTM) existe depuis 1950 et dépend aujourd’hui de la communauté urbaine Marseille Provence Métropole (MPM). A Marseille, la RTM, qui sous-traite peu, a toujours été instrumentalisée. Sous Deferre, elle était utilisée comme un réservoir d’emplois à la discrétion des élus. Aujourd’hui, elle sert plutôt d’instrument de requalification urbaine, notamment grâce au futur tramway dont le but avoué n’est pas tant de créer une nouvelle offre de transport en commun – puisqu’il entrera directement en concurrence avec des lignes de métro déjà existantes -, que de chasser la voiture du centre-ville. Et si demain, Marseille décidait de mettre en ?uvre la solution imparable pour favoriser les transports en commun en rendant ceux-ci gratuits (1), la régie serait encore le meilleur instrument puisque, dans le cadre d’une délégation, « la rémunération du cocontractant de l’administration » doit être « substantiellement assurée par les résultats de l’exploitation » (2).

Jusqu’à présent, conformément à cette instrumentalisation de la RTM, c’était à l’autorité politique de prendre en charge les investissements, sauf indications contraires. Mais en juin dernier, la communauté urbaine s’est fait tirer l’oseille pour verser à la RTM les 28,4 millions d’euros qu’elle lui devait au titre des amortissements. Rien d’étonnant puisque, sur les 18 communes qui forment MPM quatre seules sont desservies par la RTM : les autres rechignent donc à mettre la main au portefeuille. Une modification de la convention qui régit les rapports entre l’autorité organisatrice et la RTM prévoit donc qu’à l’avenir, c’est la RTM qui prendra à sa charge les investissements, sauf mention contraire. Elle assumera donc les conséquences budgétaires de décisions sur lesquelles elle n’aura pas forcément été consultée. Ainsi du tramway, dont les concepteurs se sont passés de l’avis de la RTM pour concurrencer une de ses lignes.

« On est en train de vouloir faire endosser à la RTM des responsabilités et des charges qui ne lui sont pas imputables », râle Robert Bret, sénateur communiste des Bouches-du-Rhône. Administrateur à la RTM, il y voit une volonté sous-jacente de creuser les déficits pour ensuite en appeler au privé : « C’était déjà la stratégie en 1995, quand j’ai été nommé administrateur et que Gaudin est arrivé au pouvoir. » Le parc était vieillissant et, pour mettre fin à un conflit social, Gaudin s’était engagé à garder la RTM en régie, promesse aujourd’hui réitérée par Jacques de Rocca-Serra, adjoint au maire délégué aux transports à la RTM. Mais par ailleurs, d’autres voix s’élèvent pour hurler au gouffre financier. « C’est faux, récuse encore Robert Bret, sauf à vouloir réorienter les financements vers d’autres objectifs. » Le budget de la RTM s’élève à 221 millions d’euros, dont 28 % sont des recettes de billetterie et plus de 50 % proviennent du versement transport payé par les entreprises pour les déplacements de leurs salariés. « L’effort de la communauté urbaine se ramène à 9 millions d’euros, soit 15 euros par habitant », précise encore Robert Bret.

Mais les nouvelles normes communautaires risquent de clore le débat, en prévoyant à terme une mise en concurrence systématique pour tous les nouveaux contrats. « Lorsque le tram sera livré, on risque de nous obliger à lancer une DSP, prévient M. de Rocca-Serra. On est en train de le vérifier. »

G. M.

(1) L’hypothèse n’est pas une hérésie budgétaire, puisque la billetterie ne représente que 28 % des recettes de la RTM. (2) Selon un arrêt du Conseil d’Etat du 15 avril 1996.

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