« C’est comme une enquête de police ! »
Pourquoi avoir choisi de créer une association de locataires plutôt que de vous rapprocher d’une fédération nationale ?
Nous tenons à notre indépendance, d’où le choix associatif. Mais nous sommes des autodidactes et, de fait, nous avons notre façon de traiter les problèmes que nous rencontrons et qui ont une importance capitale dans la vie quotidienne de nos voisins. Notre prisme est différent puisque nous vivons sur place. Nous tenons à faire entendre nos prérogatives. Nous mutualisons aussi nos connaissances et nos expériences avec d’autres associations comme celle de St Barthélémy à Marseille (14ème).
Quels sont les problèmes que rencontre un locataire en HLM ?
Les loyers en premier lieu, les charges locatives et les travaux ensuite. Ce qui nous intéresse, c’est de décortiquer ce que l’on nous fait payer. Prenons l’exemple des loyers. Ce sont les décrets qui fixent ce que l’on appelle « la surface corrigée » et qui va permettre de déterminer le montant à payer. Vous avez des coefficients différents selon la nature et l’exposition des pièces. A cette surface s’ajoute l’équivalent superficiel des biens d’équipement réalisés par le propriétaire, baignoire, ascenseur… Tout ça est codifié, mais c’est là que tout se complique ! Nous veillons à ce que tout soit transparent. Et c’est loin d’être le cas ! C’est comme une enquête de police, lorsque vous tirez un fil, vous découvrez ensuite encore d’autres fils à tirer ! Je trouvais ça rébarbatif au début, je trouve ça passionnant maintenant. Car quand on décortique chaque petit problème, on arrive à dégager des solutions saisissantes !
Concrètement, ça donne quoi ?
Par exemple, un locataire habite au 6ème étage mais l’ascenseur s’arrête au 5ème depuis des années. L’office HLM lui propose gentiment de ne plus payer les charges de l’ascenseur. Nous prenons le problème autrement : depuis des années, le locataire monte un étage à pied donc c’est comme s’il vivait au 1er et à ce moment-là non seulement il n’a pas de charges à payer mais surtout l’office HLM lui doit 6 m2 de surface corrigée par mois qui correspondent à l’ascenseur. Idem pour les interphones. C’est la préfecture qui fixe le nombre de mètres carrés correspondant. Dans le Var, c’est zéro m2 pour les logements à usage d’habitation. Pourtant, en regardant ma surface corrigée, j’ai vu qu’on me comptait 3 m2 supplémentaires pour mon interphone ! J’ai dû en passer par la justice et j’ai eu gain de cause mais les autres locataires paient toujours. Car le nœud du problème, c’est qu’en matière de logement, seules les actions individuelles sont possibles et pas les actions collectives. Et la plupart n’ont pas les moyens de se défendre.
Est-ce que vous avez des difficultés à fédérer les locataires ?
Ils sont demandeurs mais dans les HLM les gens sont plein de complexes, c’est quelque chose de terrifiant. Ils ne veulent pas écrire parce qu’ils font des fautes. Ils ont peur de s’exprimer parce qu’ils pensent ne pas être compris. Ils craignent aussi la puissance du propriétaire et se disent « pas de logement, c’est la rue ». C’est loin d’être évident… On est tout petit face au levier des HLM, mais vous imaginez si toutes les associations faisaient ce travail-là et demandaient à renégocier les loyers ?
Propos recueillis par Samantha Rouchard