Ainsi front fond, fond…
« Les démissions, ça suffit ! Vous m’avez fait peur ! », nous lance au bout du fil Pascal Verelle, nouveau maire frontiste du Luc-en-Provence. le Ravi vient d’affoler l’édile en pleine réunion en lui demandant confirmation de la démission de son premier adjoint. Verelle vérifie aussitôt, et en direct, auprès du concerné qui dément. L’information nous a pourtant été donnée, la veille, de la bouche de Frédéric Boccaletti, conseiller régional Paca, élu d’opposition à Six-Fours et surtout secrétaire départemental du FN Var. Source officielle s’il n’en faut, mais tellement dépassé par toutes les démissions et exclusions d’élus à gérer depuis quelques mois, qu’il s’en mélange les pinceaux…
Trois petits tours…
La « 1ère fédération de France » avec ses 4600 voire 5000 adhérents (1) a ses élus qui partent en vrille ! Le Luc-en-Provence en est à son troisième maire en deux ans. Philippe de la Grange élu avec 42 % des voix a démissionné en février 2015, officiellement pour cause de maladie. Patricia Zirilli, qui lui a succédé, vient quant à elle de jeter l’éponge en mars dernier. Pour des raisons de santé semblait dire sa fédération, mais la mairesse s’est fendue d’une lettre à Var-Matin mettant en cause les pressions de son équipe. Elle aurait été critiquée au motif de ne « pas être assez FN ». « Une semaine avant sa démission, Patricia Zirilli avait pourtant pris son adhésion au Front national », note surpris Frédéric Boccaletti pour qui le délitement des groupes FN n’est lié qu’à « un problème de personnes ».
Au niveau national sur les 1600 conseillers Bleu marine élus en 2014, 240 auraient quitté le parti ou leur mandat, dans le Var ils seraient au moins une trentaine. A Cogolin, c’est la majorité de Marc-Etienne Lansade qui part en miettes. Avec une tête de liste opportuniste venue de région parisienne et des frontistes locaux encartés de longue date, la sauce a eu du mal à prendre. « C’est le problème d’une commune avec un leader charismatique autour duquel il faut constituer une liste en quelques mois », tente d’expliquer Boccaletti. Dans les rangs frontistes, nombreux soulignent que leur secrétaire départemental n’aurait aucune autorité sur Lansade, ce dernier préférant s’adresser directement à Paris plutôt qu’à son sbire varois. Anthony Giraud, l’un des frondeurs, dénonce l’omnipotence de Lansade, son manque de considération envers les élus et surtout son amateurisme en matière de gestion. « Le problème c’est qu’au départ le FN n’a pas réuni des compétences autour d’une pseudo idéologie, explique Francis José-Maria, président de Place Publique. Mais plutôt un ramassis de personnes. » (2)
Et puis s’en vont…
Depuis, les frondeurs cogolinois se répandent dans la presse pour narrer les coulisses du « premier parti de France », tout ce que déteste le Front national qui au grand déballage médiatique préfère la tambouille interne. Damien Guttierez, conseiller d’opposition à La Seyne-sur-Mer, conseiller départemental du Var et conseiller régional Paca trop bavard lui aussi, en a fait les frais. Il a d’abord eu le culot de proposer sa candidature pour 2017 à la présidence du Front national défiant ainsi la digne fille de son père, ce qui lui a valu deux ans de suspension. Il a ensuite été définitivement exclu du FN après ses déclarations sur le manque de démocratie interne et d’éthique concernant « les affaires » du micro parti Jeanne pour lesquelles le Front national est mis en examen. Damien Gutteriez refuse aussi toujours de rembourser le kit de campagne à 15 000 euros.
« Le FN a mal grandi et trop vite. Du coup il a cet espèce d’appétit du pouvoir à tout prix, explique l’élu frondeur. Le parti a fait de mauvais choix stratégiques, idéologiques, organisationnels qu’il va payer assez rapidement. » Damien Gutteriez refuse de démissionner de ses mandats et, après être passé par l’UMP, le Modem et le FN, compte bien se présenter aux prochaines législatives sans parti. Pour Boccaletti, celui qui a émis le souhait d’être « calife à la place du calife » est atteint de « mongolfite aigüe ». Pour Guttierez, avec tout ce qui pend au nez du Front, la victoire de Marine Le Pen en 2017 n’est absolument pas acquise : « Si les gens ont rejoint le FN c’est majoritairement pour trouver un parti différent et non pas un parti qui fait pire que les autres. »
Rachline à Fréjus semble être le seul à tenir ses troupes. Une pression sur les conseillers municipaux en interne et une communication cadrée seraient sa recette. Quant à Boccaletti, si certains le voient au Sénat, récupérant le siège de Rachline en 2017, les mauvaises langues ne laissent que peu de temps au bon soldat pour se retrouver à son tour… sur la touche !
Samantha Rouchard
1. Approximation donnée par Frédéric Boccaletti lui-même : « la liste est en train d’être remise à jour. » Il affirme que malgré les démissions au Luc-en-Provence, la commune serait passée depuis peu de la 5ème à la 2ème place en nombre d’adhérents.
2. Lire « Bienvenue à Cogolin-Perret », le Ravi n°138
Enquête publiée dans le Ravi n°140, daté mai 2016