« Iter ? Non merci ! J’ai déjà l’énergie du soleil chez moi… »

septembre 2005
L'espoir d'une manne financière créatrice d'emplois a occulté de légitimes interrogations. L'hypothèse d'un réacteur thermonucléaire est-elle plus crédible que celle de la surgénération, retentissant et coûteux échec ? Et si oui, aura-t-on vraiment besoin d'Iter lorsqu'on pourra, au mieux en 2073, construire un réacteur non expérimental. Des scientifiques en doutent. Comme Denis Chamonin, ingénieur « énergie et environnement ».

Il y a maintenant plus de trente ans, en 1974, un certain Jacques Chirac, alors Premier ministre nommé par le Président Giscard nouvellement élu, ordonna à EDF de construire le réacteur nucléaire à haute température appelé « Super Phénix » dans l’Ain près de Grenoble. Monsieur Chirac justifia cette décision en déclarant : « grâce à la technologie de la surgénération, en l’an 2000 la France aura une ressource énergétique équivalente aux réserves de pétrole de l’Arabie Saoudite ». Nous sommes en 2005, Monsieur Chirac est maintenant Président de la République, et aucun surgénérateur ne fonctionne au monde. Super Phénix, idée géniale du CEA (Commissariat à l’énergie atomique), n’a fonctionné que 187 jours et est en cours de démantèlement avec à son bord 5 000 tonnes de sodium dont aucun scientifique génial du CEA ne sait quoi faire. Ainsi plus de 8 milliards d’euros d’investissement sont partis en fumée et le coût du démantèlement sera pour les générations futures. Applaudissons l’artiste pour sa clairvoyance. Afin d’être politiquement objectif, rappelons que le premier Premier ministre de François Mitterrand, Pierre Mauroy, dont le gouvernement maintiendra la politique nucléaire de la France, déclara à l’Assemblée nationale en octobre 1982 : « nous ne pouvons pas ne pas donner la richesse de l’énergie nucléaire à nos enfants ».

Monsieur Mauroy mène une retraite paisible et notre Président Chirac a déclaré lors de la Garden party de l’Elysée, en cette année 2005, « la France avec ITER implanté à Cadarache assurera l’avenir énergétique pour les générations futures ». A-t-il vu juste cette fois-ci ? Ainsi que messieurs Michel Vauzelle, Jean-Louis Bianco et consorts qui soutiennent le projet ITER. Première précision : ITER n’est pas un réacteur mais un laboratoire, ce qui veut dire que jamais il ne produira de l’énergie comme laissent à penser les dires et écrits de nos édiles politiques, scientifiques nucléocrates ou journalistes peu curieux. Arrêtons la polémique, et parlons de science, de recherche, d’avenir, soyons sérieux. Le laboratoire ITER doit réaliser et contrôler des réactions thermonucléaires comme celles qui se produisent dans l’univers aux c?urs des étoiles. Pour cela il faut tout simplement maintenir un plasma (gaz ionisé de deutérium et de tritium) suffisamment dense à une température de l’ordre de 100 millions de degrés et pendant un temps de plusieurs centaines de secondes. Bien évidemment, il faut aussi que l’énergie dégagée soit supérieure à l’énergie nécessaire à la réalisation de la fusion thermonucléaire. Pour simplifier l’explication, ITER devra être une bombe H contrôlée avec un bilan énergétique positif.

Trois laboratoires de recherche sur la fusion thermonucléaire sont en fonction actuellement sur la planète (en Grande-Bretagne, au Japon et en France à Cadarache). Aucun de ces laboratoires n’a pu réunir à ce jour ne serait-ce que deux des trois conditions permettant de réaliser une fusion thermonucléaire contrôlée. Chaque paramètre a été réalisé mais au détriment des deux autres. ITER devra réunir les trois conditions.

« Et si on créait à Cadarache un centre international de recherche sur les alternatives énergétiques aux énergies fossiles et au nucléaire ? »

Supposons néanmoins que le laboratoire ITER soit une bonne idée de recherche. Voyageons dans le futur. Nous sommes en 2005, le chantier de construction débutera peut-être en 2008 et durera 15 ans, donc les scientifiques disposeront de leur machine en 2023. A cette date, la consommation mondiale d’énergie aura progressé de 48 % pour atteindre 14,8 milliards de tonnes équivalent pétrole dont 80 % seront des énergies fossiles émettrices de gaz à effet de serre et la production mondiale d’électricité sera de 22 000 milliards de kWh dont 40 % réalisée avec des centrales thermiques au charbon (source ENERDATA).

La durée de recherche est estimée à 25 ans, donc si tout se passe comme prévu on aura réussi en laboratoire une réaction thermonucléaire contrôlée en 2048. Ensuite il faudra réaliser un réacteur expérimental, le tester, encore 25 ans de passé et nous serons en 2O73. Certains scientifiques spécialistes en théorie des plasmas et de la fusion estiment qu’un réacteur ne sera pas disponible avant le 22ème siècle. Bon, faisons confiance aux optimistes. Mais quand ils viendront avec leur électricité thermonucléaire en 2073, on pourra leur dire : « non merci j’ai déjà l’énergie du soleil chez moi ». En effet, d’autres scientifiques et ingénieurs travaillent actuellement sur d’autres pistes. En 2073 et bien avant espérons-le, nos maisons auront des fenêtres photovoltaïques. C’est déjà réalisé en laboratoire ! Nous aurons des champs d’aérogénérateurs de plusieurs milliers de MW en mer. Des projets sont déjà en cours d’étude… Dans les courants marins des hydro générateurs produiront en permanence de l’électricité. Deux unités sont actuellement en test en Grande-Bretagne et en Russie. On s’éclairera avec des diodes électroluminescentes de très faible puissance. Elles commencent déjà à être commercialisées. Nos voitures seront alimentées en hydrogène produit par les énergies renouvelables… Et bien d’autres innovations technologiques nous permettront d’être autonomes en énergie avec des systèmes de production décentralisés. Car n’oublions pas que le nucléaire quel que soit son mode d’application ne peut être que centralisé. Le développement des énergies renouvelables, fortes de leur efficacité énergétique, implique un type de société antagoniste avec celle que suppose le nucléaire. C’est aussi un des points essentiels de notre avenir énergétique. Il faut maintenant choisir son camp.

Et si on créait à Cadarache un centre international de recherche sur les alternatives énergétiques aux énergies fossiles et au nucléaire ? Cela engendrerait certainement des milliers d’emplois ! Contrairement à ce qu’a déclaré notre Président, ITER n’est pas l’avenir énergétique des générations futures.

Denis Chamonin

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