Oh Marseille, tu dors ?
Une « bonne nuit » telle que nous avons l’habitude de nous la souhaiter est une nuit au cours de laquelle il ne se passe rien. Dans nos grandes villes, cette idée de la nuit est complètement désuète au regard de la diversité qui la traverse. Il y a évidemment la ville qui dort. Il y a également celle qui travaille et qui concerne 55 000 Marseillais. Enfin, il y a la ville qui s’amuse.
Parce qu’elle est le creuset de trois dimensions aux intérêts et aux finalités contradictoires, la nuit ne doit pas être perçue comme un simple prolongement du jour. Elle est le foyer de nombreux conflits d’usages dont le plus retentissant est celui qui oppose le sommeil des uns à l’activité des autres. La pacification, la régulation et la valorisation de la nuit exigent donc d’être envisagées à travers une stratégie dédiée.
La plupart des capitales européennes ont compris l’importance de telles pratiques et mènent des politiques de la nuit ambitieuses. C’est vrai en France également, où de nombreuses villes ont enclenché des réflexions et travaux profonds sur leur nuit, Paris en tête avec un adjoint au maire délégué à la « Nuit » ainsi qu’un Conseil de la nuit, mais également des villes de plus petite taille telles que Nantes, Toulouse, Strasbourg, Rennes ou encore Bordeaux.
Source précieuse d’attractivité, de développement urbain et économique, la nuit à Marseille est pourtant réduite à sa perception la plus négative et punitive. Preuve en est le seul projet municipal qui essaye de la conquérir, une tentative molle d’établir une « charte de la nuit » portée par les services de la sécurité et de la prévention de la délinquance et qui a le plus grand mal à voir le jour.
Il est indéniable que 2013, l’année « capitale européenne de la culture » a créé le terreau d’une vie nocturne plus dynamique. Toutefois quatre ans après, la ville de Marseille peine à transformer l’essai et ne semble toujours pas saisir les enjeux qui se cachent dans une obscurité qui doit lui paraître bien épaisse.
Droite dans ses bottes, notre ville est aveugle à tous les signaux qui l’exhortent à changer de cap. Pourtant lorsque l’on sait qu’une vie nocturne attractive est l’une des meilleures réponses à la concurrence qui s’exerce entre les villes, Marseille ne devrait-elle pas se mettre sérieusement au diapason alors qu’elle mise à toute pompe sur le tourisme ?
Fort de ces constats, La Nuit Magazine a porté en avril 2017 l’organisation des états généraux de la nuit à Marseille afin de poser les premières pierres d’un nouvel élan dans la politique locale de la nuit. Contrairement à ailleurs en France, cette démarche émane donc d’une initiative privée et indépendante, avec comme ambition de faire prendre conscience à nos élus locaux de la nécessité d’un droit à la ville de jour comme de nuit. Plusieurs sessions de présentation des comptes-rendus de ces états généraux seront organisées courant octobre afin de rassembler les acteurs culturels marseillais derrière les constats et les solutions.
Notre proposition phare est la création d’une plateforme de concertation compétente et paritaire pour débattre du développement de la politique de la nuit à Marseille. Avec la volonté de progresser main dans la main avec la municipalité, nous défendrons ces comptes-rendus auprès des services compétents de la ville en leur rappelant les engagements qu’ils avaient pris et que, cinq mois après, ils semblent avoir du mal à tenir.
Clément Carouge
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