MPM en faillite

janvier 2006
Né en 2000, la communauté urbaine de Marseille ne parvient plus à préserver le consensus politique qui a permis sa naissance.

00rv26charmag-mpm.jpg « Pour MPM, ce sont les 15 premières années qui seront difficiles. » C’est une qualité que tout le monde lui reconnaît, le président de la Communauté urbaine de Marseille, Jean-Claude Gaudin possède un certain flair politique. Pas assez en tout cas pour avoir prévu l’annus horribilis qu’aura été l’année 2005 pour l’établissement public de coopération intercommunale de Marseille et sa banlieue. Rapport salé de la Chambre régionale des comptes sur l’état des finances, explosion en vol du consensus politique qui prévalait jusque-là dans la gestion du périmètre, tensions manifestes avec les services de l’Etat, et inquiétudes financières sur les grands projets que la CUM devaient lancer pour ces prochaines années. Cette avalanche de mauvaises nouvelles est une conséquence directe de la naissance aux forceps de cet établissement. En effet, si Defferre ne s’est jamais risqué à lancer une telle institution, c’est qu’il pressentait sans doute l’imbroglio politique qu’une telle naissance sous-tendait : impossibilité d’initier un mariage avec Aix au Nord, et Aubagne à l’Est, et frilosité des maires des petites communes de la première couronne à lâcher leurs prérogatives.

Et, en effet, les 17 maires des petites communes qui composent MPM n’ont accepté d’entrer dans la danse qu’au prix de considérables concessions. La première est de taille : chaque maire conserve la mainmise sur la gestion de ses réserves foncières. Conséquence directe de cette condition : les 17 maires sont vice-présidents de l’institution (y compris le sulfureux Simonpiéri qui, à l’époque, appartenait encore à un parti d’extrême droite). Pis, le rapport 2005 de la CRC sur l’état financier de l’institution révélait que les transferts de charges et de personnels entre les communes et l’établissement avaient donné lieu à une série de petits arrangements entre amis, plombant considérablement les finances de MPM. Une révélation que le maire avait gentiment balayé d’un revers de main. En revanche, il ne pourra ignorer plus longtemps le vide sidéral des caisses de MPM. La plupart des grands travaux prévus, notamment à Marseille, et que MPM devait entreprendre et financer auront du mal à voir le jour. La seule porte de sortie de l’équipe Gaudin à ce propos se résume en trois lettres « PPP » pour « partenariat public privé ». Une invention du gouvernement pour resserrer les liens entre institutions publiques et entreprises privées. Les futures lignes de tramway, mais aussi la patinoire de la Capelette, le futur bassin olympique, le stade Vélodrome rénové et tant d’autres grands projets annoncés par « Monsieur Plus » lors de la dernière campagne municipale n’existeront un jour que grâce à l’apport du privé qui construira et gérera ces futures installations. Le conflit de la RTM prend alors tout son sens. A qui MPM confiera la construction des prochaines lignes du tramway si ce n’est à la Connex, rebaptisée depuis Véolia Transport ?

D’autre part, depuis 2000, les différentes commissions pouvaient être présidées par des élus de gauche sans trop d’à-coups jusque-là. Cette onction consensuelle n’existe plus aujourd’hui : le socialiste Françis Allouche qui présidait la commission logement a démissionné avec fracas de son poste après avoir dénoncé la manière dont ont été menées les négociations autour du Plan local de l’Habitat. L’ex FN, ex MNR, Simompiéri, passé depuis au kärcher décontaminant, lorgnait avec intérêt la place toute chaude, mais les remugles qui émanent de la carrière du personnage étaient trop forts pour que les élus de gauche acceptent cette nomination sans sourciller. Ce dossier illustre à merveille l’incapacité de la CUM à se projeter réellement dans une gestion métropolitaine de son aire. On n’impose rien aux maires des communes environnantes et on prend soin de continuer à respecter la fracture nord-sud qui répartit les logements sociaux au Nord de la Canebière et les logements Kaufman & Broad au Sud de celle-ci. Dans une réunion entre services de l’Etat et responsables de MPM en novembre, les premiers avaient reproché cette façon de faire aux seconds, sans parvenir à bouger d’un iota cette gestion politique têtue. La même incapacité à prendre de la hauteur est aussi à l’oeuvre dans la rédaction du Futur plan d’urbanisme de MPM. En effet, au lieu d’être réfléchi par la CUM à l’échelle métropolitaine et ensuite décliné pour chaque commune, ledit plan est concocté par un bureau d’études qui prend tout le temps possible pour l’échafauder en consultant pour cela chacun des maires concernés qui ajoute au document ses desideratas. Du coup, le PLU ne ressemblera à rien et, surtout, n’imposera rien aux communes limitrophes. Tant pis pour le respect de loi SRU et le rattrapage de logement social qu’elle impose à trois communes du périmètre. Alors un petit pari : MPM sous tutelle d’Etat avant la fin de ces quinze premières années.

Gilles Bribot

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