Religions et politique : les liaisons dangereuses

mai 2006
Les politiques s'intéressent aux religions qui se préoccupent parfois de politique. Un mélange des genres qui, sans être forcément illégitime, comporte quelques risques. Dont celui de brouiller, au pays de la laïcité, la sacro-sainte séparation des églises et du pouvoir.

L’information figure en bonne place dans l’agenda de Jean-Claude Gaudin diffusé à la presse : le 7 mai, « le maire assiste à la messe à l’occasion des 50 ans de sacerdoce de Son Eminence le Cardinal Bernard Panafieu, Archevêque de Marseille et ses Adieux à Marseille. » Le vice-président de l’UMP, catholique pratiquant, ne manque jamais une occasion de rappeler ses convictions religieuses. A l’image d’un Hubert Falco dans le Var. D’autres sont plus discrets, tel le socialiste Jean-Noël Guérini, même si sa foi n’est guère un mystère. Et même si, toutes les années, le Conseil général des Bouches du Rhône qu’il préside finance une tournée gratuite de concerts de chants de Noël dans les églises du département.

Religions et politique : alors que l’on vient de fêter le centenaire de la loi sur la laïcité instituant leprincipe de la séparation de l’Eglise et de l’Etat, le sujet reste toujours sensible. Les collectivités locales prennent en charge l’entretien des églises bâties avant 1905. Mais elles ne sont pas tenues de le faire pour les lieux de cultes construits ultérieurement : ceux des musulmans par exemple. Certains maires se satisfont de cette inégalité, comme Jacques Peyrat, ouvertement opposé à la construction d’une mosquée dans le centre de Nice. Toujours à la recherche de relais pour séduire leurs électeurs, nos élus sont très à l’écoute des réseaux communautaires. Structurés, prompts à dénoncer les dérives, trop fréquentes, de l’antisémitisme, les représentants Juifs savent se faire entendre. Divisés, les dignitaires musulmans ont plus de mal à exercer leur lobbying (cf articles suivants). Les catholiques sont de très loin ceux qui font preuve de plus d’efficacité.

Le Cardinal Panafieu, avant de faire valoir ses droits à la retraite, vient de publier en guise d’adieu un recueil des homélies prononcées chaque année, en juin, au cours de la messe du « V?u » en la basilique du Sacré-C?ur de Marseille (1) . Elles portent toutes sur un sujet politique. Les discours de l’Archevêque perpétuent une tradition qui remonte au 18ème siècle. En 1722, après une épidémie de peste, Mgr de Belsunce a fait promettre aux échevins d’assister à cette messe. Ce que Gaston Defferre, Robert-Paul Vigouroux n’ont jamais manqué de faire. Tout comme, bien entendu, Jean-Claude Gaudin, mais aussi les présidents du Conseil régional et général, ceux du tribunal de commerce, le préfet de Région… (2) Tous les grands élus et les notables peuvent ainsi y entendre la bonne parole.

« Les acteurs dans la ville luttent avec énergie contre les pestes de ce temps. Et d’abord vous, les élus, dont l’activité est si critiquée, mais si nécessaire à la cohésion sociale », s’adresse ainsi en 2004 Monseigneur Panafieu à l’élite politique marseillaise. Avant d’énumérer les « convictions (…) s’ils sont fidèles à l’évangile du Christ » qu’ils doivent mettre en ?uvre : « l’attention aux catégories sociales les plus fragilisées, le souci du système éducatif (…), le droit à la santé pour tous (…) la promotion d’une culture de vie, le respect et le soutien de l’institution familiale… ». En 1995, le Cardinal dénonce « la spéculation qui enlève l’argent des vrais circuits de production ». En 2000, il demande que « le droit au travail soit honoré alors que tant de gens connaissent la dure réalité du chômage ». En 2005, il invite les élus « à proposer des utopies sans lesquelles un pays risque de tomber en état d’hibernation ». Un discours offensif alors que le catholicisme, dans un monde où l’agnosticisme progresse, voit ses églises se vider et traverse une crise des vocations.

« L’Eglise ne veux pas être cantonnée dans les sacristies, renvoyées à ses structures ecclésiales. Elle a besoin pour présenter Jésus Christ d’être présente dans le pays, explique le Père Maurice Cassant, de la paroisse Saint-Cannat à Marseille. Nous traversons une période où les repères s’estompent. Depuis quatre ans, des gens me disent lors des confessions qu’ils sont racistes. Au moins, ils se rendent comptent que c’est une infidélité à l’Evangile. » Ceux qu’irritent le cléricalisme et son interventionnisme sur la scène publique, ne perçoivent pas une tendance lourde chez les catholiques. Si l’ouverture sur le monde prônée dans les années soixante par le Concile Vatican II guide toujours officiellement les orientations de la hiérarchie catholique, comme le prouve le bras de fer avec Nicolas Sarkozy sur l’immigration (lire édito en page 3) les jeunes prêtres et les nouveaux pratiquants s’en éloignent parfois. L’intérêt pour la politique, longtemps portée par les mouvements d’action catholique, est comme ailleurs en crise.

« Durant longtemps, les évêques avaient le souci d’être en bon terme avec les autorités publiques, souligne le père Philippe Guerin, prêtre à la paroisse marseillaise Sainte-Marguerite du Redon. Les mouvements d’actions catholiques, de leur côté, dénonçaient parfois avec vigueur les injustices sociales. Aujourd’hui, les choses sont un peu inversées. De jeunes laïcs ou prêtres développent une approche plus charismatique de la foi. On assiste à la renaissance de tous les actes de piétés personnelles. » Dans le Var, l’Evêché de Toulon met en place un « Observatoire socio politique ». Il invite les catholiques à « éviter l’attitude de la forteresse assiégée » et à s’engager politiquement, au niveau local en particulier. « Même s’il est vrai que pour un chrétien, la primauté doit être donnée à la recherche du royaume des Cieux, il ne faut pas qu’il se déresponsabilise, explique le père Marc Aillet. Sans entrer dans les questions politiciennes, nous voulons réhabiliter la politique » Vicaire général du diocèse de Toulon-Fréjus, il était auparavant curé de Saint Raphaël. Certains se souviennent encore de sa croisade, en 2000, contre Halloween et ses sorcières. Un grand combat politique… Michel Gairaud

AU SOMMAIRE

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Café et religion : La théologie du percolateur

L’islam en quête de reconnaissance : De l’entrée de l’Islam en politique

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Judaïsme en Paca : Un si proche Orient

Le scoop de Sam Ravi : Un ange passe en mairie

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