Extrême droite et droite extrême sont dans un bateau…

février 2006
La tentative d'OPA du MPF de De Villiers sur le FN fait de grosses vagues. Sous le regard amusé des derniers survivants du mégrétisme.

Face à la cascade d’échéances électorales qui s’annonce, droite extrême et extrême droite battent aussi le rappel et se livrent à une lutte « fratricide » pour séduire l’électeur xénophobe. Le Front national de Jean-Marie Le Pen, le MNR (« Mouvement national républicain ») de Bruno Mégret et le MPF (« Mouvement pour la France ») de Philippe de Villiers se disputent un créneau assurément très porteur en Paca. En 2004, aux élections régionales, le FN a réalisé ses meilleurs scores dans notre région avec 21 % des voix (19 sièges au Conseil régional). Au premier tour, l’extrême droite (FN et MNR) a même retrouvé son niveau d’avant la scission, en 1998, avec 26 % des suffrages. Mais depuis le référendum sur la constitution européenne du 29 mai 2005, le MPF du vicomte de Villiers, surfant sur des thèmes bien rodés (rejet anti-arabes et turcs, insécurité, peur de la mondialisation…), semble vouloir se livrer à une OPA. Le MPF séduit et débauche cadres et militants du Front national (Le Ravi n°24 ).

Dès lors une question se pose : en Paca, la maison Le Pen prendrait-elle l’eau ? Sans même parler de l’âge du capitaine (80 printemps en 2007), le népotisme de l’ancien para agace dans les propres rangs du FN, qu’on a connus plus disciplinés. Après le « pu-pusch » de Bruno Mégret en 1998 et l’implosion du Front, c’est au tour du maire d’Orange, Jacques Bompard de s’affranchir en rejoignant le MPF et en devenant son responsable pour le Vaucluse. « Le MPF est une voiture-balai qui ramasse les traîtres », explique au Ravi Marine Le Pen, nommée directrice stratégique de la campagne de son papa candidat. « Le départ de Bompard n’a pas entraîné d’autres défections, tente de se rassurer Louis Aliot, nouveau secrétaire général du Front national. Au contraire ! D’ailleurs nous présenterons un candidat FN aux municipales contre lui. » Et ce proche de Marine Le Pen (très proche, c’est son petit ami !), qui sera à Marseille avec Jean-Marie Le Pen fin février, de poursuivre : « Monsieur Bompard est devenu le flotteur droit de l’UMP. »

A Orange, bien entendu, on ne l’entend pas de la même manière. « Le Pen est un homme qui n’a jamais voulu le pouvoir, il se complait dans l’opposition », justifie Jean Brisset, conseiller politique de Jacques Bompard. Et d’évoquer l’encrage électoral du maire d’Orange : « Jacques Bompard a été élu deux fois maire, sur des étiquettes indépendantes et non FN. Son rapprochement du MPF est une adhésion de c?ur, fondée sur la rencontre entre deux hommes en rupture vis-à-vis de leur passé politique. » Très affaibli par de multiples échecs électoraux ainsi que par la mise en examen et l’inéligibilité de son président Bruno Mégret (toujours conseiller municipal à Marseille où il ne se déplace plus), le MNR observe tout ce remue-ménage avec une certaine délectation. A l’image d’Hubert Savon, conseiller municipal MNR à Marseille, peu aimable avec les deux « opportunistes » que sont selon lui le FN et le MPF (1).08rv27red_fn.jpg

« Le MPF est un mouvement cyclique, qui apparaît selon les échéances et disparaît aussitôt, nous explique doctement l’élu mégrétiste. De Villiers et Bompard veulent régner sur les décombres du FN. Ce sont des arrivistes, ils n’ont pas de projet personnel, ils pompent notre programme. » A l’égard du FN, le jugement n’est guère plus flatteur. « Il est absent électoralement de Marseille et son président est… fou », glisse Hubert Savon. L’intéressé appréciera.

La bataille est donc féroce et tous les coups sont permis. Dernier exemple, celui de Madame Bompard, conseillère régionale élue en 2004 sur les listes du Front national. Elle vient de rejoindre son époux au MPF. Problème : ses anciens « camarades » réclament sa démission mais surtout le versement d’une partie de ses indemnités d’élue de la Région, soit 380 euros par mois, somme qu’elle s’était engagée par écrit à reverser durant la durée de son mandat. « C’est un engagement par écrit mais hélas les tribunaux ne le considèrent pas, déplore Louis Aliot. Et madame Bompard n’a pas assez de courtoisie pour rendre cet argent. » Crêpage de chignons rassurant pour les démocrates ? En décembre, un sondage (TNS-Sofres) indiquait que seulement 39 % des Français jugent les idées de Le Pen inacceptables. En Paca comme ailleurs l’extrémisme de droite a encore de l’avenir.

Rafi Hamal

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