A toutes vapeurs

février 2007
L'Etat et la Région ne jurent que par le train. Un conte de fé(e)rroviaire ?

Une ligne ferroviaire Marseille-Turin par le Val de Durance et le tunnel de Montgenèvre… L’inscription dans le contrat de projets Etat-Région (CPER) du financement d’études préliminaires à l’horizon 2013 pour cette liaison vers l’Italie ne cesse de réjouir Michel Vauzelle. « Au départ, nous avons vu qu’à Paris, on ne comprenait pas notre soif de Montgenèvre, a expliqué le président du Conseil régional lors de ses v?ux à la presse. Au final, ils ont saisi que ce projet était indispensable pour notre territoire. Oh, pas pour demain ! Dans vingt ans peut-être… Mais il faut commencer maintenant ! » Un enthousiasme que commente respectueusement, mais avec une certaine distance, le président régional de Réseau ferré de France, la société publique propriétaire et gestionnaire du réseau des rails depuis dix ans. « Nous serons probablement concernés par le projet, explique Michel Croc. Mais puisqu’il s’agit de créer une liaison nouvelle, de surcroît internationale, il faut d’abord que l’Etat valide sa pertinence. » C’est là toute l’ambiguïté de documents comme le CPER. L’Etat semble y valider de grands desseins mais nombre d’entre eux pourraient ne pas voir le jour. L’actuel ministre des transports, Dominique Perben, est par exemple plus que sceptique sur le Montgenèvre qui lui semble peu compatible avec la ligne Lyon-Turin. Michel Vauzelle est allé récemment plaider le dossier à Bruxelles auprès de Jacques Barrot, le commissaire aux transports, car la ligne Marseille-Turin ne figure pas dans les grands réseaux programmés par l’Union européenne…

Reste une volonté d’affichage politique claire : la Région souhaite faire du train une de ses grandes priorités. Les documents préparatoires du CPER que les élus valideront en assemblée plénière d’ici mars, fustigent « l’usage excessif de la voiture » et présentent le développement ferroviaire comme l’alternative nécessaire. La Région se félicite d’avoir acté face au gouvernement la réouverture de la ligne Avignon-Carpentras, de la virgule inter-gares d’Avignon (entre la gare TGV et centre ville) et de la ligne Carnoules-Gardanne. Le CPER programme aussi le financement des projets non honorés du précédent contrat : la 3ème voix littorale Antibes-Nice (afin de doubler sa fréquentation), la modernisation de la ligne Marseille-Aubagne en direction de Toulon (objectif : un train toutes les 10 minutes) et le doublement partiel de la liaison Aix-Marseille (à terme, 100 trains par jours). « Il n’y a que sur cette dernière ligne, parmi les grands projets du contrat de plan 2000-2006, que les travaux ont commencé. Et encore, seulement en décembre dernier !, proteste Claude Jullien, président de la Fédération nationale des usagers des transports en Paca (Fnaut-paca). On ne réalisera pas la moitié de tout ce qu’on nous promet pour 2013. La Région nous explique à chaque fois que l’Etat ne tient pas sa parole. Mais lorsqu’on regarde de près les investissements du Conseil régional, on découvre qu’il y a 2 fois plus d’argent dépensé pour la route que pour le ferroviaire. Cela dit, c’est vrai que Michel Vauzelle a décuplé les crédits pour le rail. C’est dire s’ils devaient être négligés à l’époque où Jean-Claude Gaudin présidait la Région. »

Au cours des cinq dernières années, le nombre de trains express régionaux est passé de 452 à 540, 27 gares ont été rénovées en Paca, dix vont bientôt l’être. En 2005, une ligne de 26 kilomètres a été réouverte entre Cannes et Grasse. Solidaires du bilan de « leur majorité » et plutôt satisfaits de la tournure qu’ont pris les négociation autour du CPER, les élus Verts du Conseil régional déplorent toutefois que n’y figurent pas « la liaison Digne-Saint Auban qui ouvrait le triangle Marseille-Nice-Briançon, ni Les Arcs-Draguignan. » Subtilité « politico-technocratique », la non programmation d’une desserte dans le contrat de projet ne signifie pas forcément sa disparition définitive. Comme l’atteste Michel Croc, le directeur régional de RFF à propos de l’hypothèse Digne-Saint-Auban : « nous travaillons sur l’opportunité de la réouverture de ce barreau, c’est quelque chose de possible. »

Dans un registre moins local, le CPER prévoit une enveloppe, 150 millions d’euros, pour financer des études complémentaires sur la future ligne à grande vitesse (LGV) devant relier Paris à Nice, probablement via Marseille et Toulon. Un effort spécifique doit aussi être fait, notamment du côté du Port autonome de Marseille, pour favoriser le fret des marchandises par le train. Autant de bonnes intentions qui restent à concrétiser. En 2019, pour le prochain CPER ?

Michel Gairaud

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