Marseille : Discrimination positive

juillet 2007
MARSEILLE. Sur les rails depuis le 30 juin, le « tout nouveau tout chaud » tramway marseillais doit rapprocher tous les Phocéens du centre ville. Pour ceux qui y habitent ou sont sur son trajet, aucun problème. Pour les autres...

Renaud Muselier, premier adjoint de Jean-Claude Gaudin, n’a eu de cesse de le répéter : en plus d’être un outil de requalification urbaine, le tramway se doit de rapprocher tous les Marseillais du centre ville. La veille de la mise en service de la nouvelle infrastructure, le « Monsieur tramway » de la communauté urbaine assurait que son objectif était atteint en reprenant son slogan favori, cette fois au présent : « Chaque Marseillais est à moins de 250 m d’un abri bus/tram ou d’une station de métro, et peut se rendre en ville en moins de 25 minutes avec un seul ticket et un seul changement. » (la Provence, 29 juin) De quoi faire sourire… tram.jpg Alors que « Le Tram » ne roule pour l’instant (1) qu’entre le 12ème (Les Caillols) et le 2 ème arrondissement (Joliette), l’affirmation tient de la prophétie. Un stylo à la main, Jacques Rocca-Serra, adjoint en charge des transports, schématise pourtant le miracle né du redéploiement du réseau : depuis le 1er juillet, 24 lignes de bus rabattent les voyageurs des quartiers périphériques vers des lignes ferroviaires (tramway ou métro), qui les propulsent vers le centre de Marseille. « C’est pratiquement en place, assure le président de l’UDF 13. De plus, d’ici trois ans, 10 lignes structurantes permettront de désenclaver les noyaux villageois grâce à un investissement de 23 millions d’euros qui nous permettra de créer des couloirs de bus et de synchroniser les feux ». Et donc, en principe, d’accélérer les temps de transport. Une promesse que vont pouvoir vérifier les habitants des quartiers sud : « parce qu’ils ne sont touchés ni par le tramway, ni par le métro », ils bénéficient des deux premières « lignes structurantes ».

La prophétie de Renaud Muselier, fait, en tout cas, beaucoup rire Jean-Marc Lafon. « 25 minutes, je suis pour ! », ironise le secrétaire général de la CGT à la régie des transports marseillais (RTM). Sur le papier tout est possible, mais aucune des prévisions du premier adjoint ne s’est réalisée ». Le syndicaliste souligne en effet quelques cachotteries de Jacques Rocca-Serra (2) : si la RTM redéploie, elle supprime également des bus sur certaines lignes et réduit les temps de parcours et des marges nécessaires pour faire face « aux circonstances exceptionnelles »… Tout en considérant la « restructuration du réseau de transport nécessaire », le syndicaliste est catégorique : « En affectant les bus, l’objectif ne peut être atteint ». « Personne n’a cru un jour à ces balivernes ! », renchérit Patrick Mennucci, président du groupe socialiste au conseil municipal de Marseille. « Contrairement à ce qui se fait ailleurs, le parcours n’est pas totalement protégé, dénonce-t-il. Inévitablement, il y a des problèmes à certains carrefours ». Et d’enfoncer le clou, toujours aussi franc : « C’est un projet à la con ! Sinon, ils auraient commencé par les parkings de dissuasion ».

Jusqu’à présent, les faits ne donnent pas vraiment tort aux persifleurs. Au lieu des 25 minutes annoncées, les essais ont affiché des temps de parcours oscillant entre 31 et 45 minutes. « Dès qu’il y a un retard sur un train, cela se répercute y compris sur les bus », explique Patrick Mennucci. Y compris sur les bus… « Pour éviter qu’une ligne ne soit complètement à la ramasse, certains trajets se feront donc à vide. Avec des temps d’attente supplémentaires pour les voyageurs », complète Jean-Marc Lafon. « Des temps d’attente », mais aussi des temps de trajet…

D’ici à ce que les premiers parkings-relais sortent de terre (le premier est programmé pour 2009) et que MPM réalise ses aménagement de voirie, « chaque Marseillais » ne pourra visiblement pas « se rendre en ville en 25 minutes ». Par contre, rendons à César ce qui lui appartient. Quel que soit le temps de transport, il ne leur en coûtera qu’un seul ticket à 1,70 euros. Un des plus chers de France.

Jean-François Poupelin

Imprimer